En marge de la deuxième édition de la semaine de l’inclusion financière en zone UEMOA, du 18 au 23 novembre 2019, la directrice de l’inclusion financière de la BCEAO, Mme Gisèle Ndoye, a accordé un entretien exclusif à Financial Afrik.
Quel bilan tirez-vous de cette semaine de l’inclusion financière ?
Nous sommes effectivement à la deuxième édition de la semaine de l’inclusion financière. Et, pour le moment, je tire un bilan positif parce que nous avons réussi à réunir tous les acteurs de l’écosystème des services financiers pour échanger sur les problématiques de l’heure, notamment la digitalisation des paiements d’une manière générale par les Etats et les entreprises.Nous allons par la suite, échanger sur la problématique de l’éducation financière. Parce que nous savons que ces populations que nous servons doivent être protégées et disposer d’outils leur permettant de prendre des décisions optimales pour les services qu’elles utilisent.
Quelles sont les perspectives et évolutions de la stratégie de l’inclusion financière dans la zone UEMOA?
Nous avançons bien. A ce jour, 3 pays ont adopté leurs stratégies nationales d’inclusion financière. Il s’agit du Niger, de la Côte d’ivoire et du Burkina Faso. Le processus est presque bouclé au Benin et au Togo. Pour sa part, le Mali va probablement adopter sa stratégie en 2020 et ce sera ensuite autour de la Guinée Bissau.
Nous avançons donc et nous avons mis en place un dispositif institutionnel, en l’occurrence le comité régional de pilotage, présidé par le gouverneur de la BCEAO, laquelle est l’organe d’orientation.
Le comité devra incessamment adopter son programme d’activité et son budget de l’année prochaine. Mais également passé en revue toutes les actions qui ont été mises en œuvre. Et celles qui sont programmés l’année 2020.
Au niveau national, les 8 pays membres ont mis en place des comités nationaux pour le suivi de la mise en œuvre de la stratégie.
D’autres pays ont déjà adopté des décrets pour la mise en œuvre des groupes de travail sur l’éducation financière. Nous ciblons toutes les catégories, le monde rural, les opérateurs, les entrepreneurs etc. Et aussi, les jeunes, les starupters, les PME et les femmes à travers les Fintech, les PME…
Pour nous, il est important à un moment de l’année de s’arrêter, de réfléchir ensemble sur ce qui a été fait, ce qui a marché et ce qui n’a pas marché.
Pouvez-vous revenir sur l’évolution de la réglementation du secteur financier dans la zone UEMOA ?
Ce point constitue l’axe numéro 1 de la stratégie de l’inclusion financière de la BCEAO. La Banque Centrale a adopté des textes, l’année dernière dont ceux portant sur la finance islamique. En ce moment, nous sommes entrain de procéder à une révision totale de la loi bancaire et de la loi sur les institutions de la microfinance. Je pense que bientôt les acteurs seront convoqués à une concertation pour échanger sur ces projets de textes élaborés par la banque centrale.
Quid du secteur informel dans cettenouvelle stratégie de la BCEAO ?
Premièrement, nous avons le programme d’inclusion régionale financière. Je pense qu’à travers ce programme, nous allons surtout cibler le secteur informel qui contribue beaucoup aux services financiers numériques.
Nous travaillons en collaboration avec les acteurs de l’écosystème, les banques, les institutions de micro finance et les établissements de monnaies électroniques, qui sont eux même des filiales de sociétés de téléphonie mobile.
Nous savons qu’aujourd’hui pour parler à une certaine frange de la population, il faut utiliser les réseaux sociaux.Nous savons qu’il y a beaucoup de travail à faire mais nous avons des consultants qui vont nous accompagner pour identifier les besoins. Une enquête de référence portant sur les 8 pays est prévue en 2020 et devra qui étudier l’offre et la demande.
La BCEAO a annoncé prochainement l’interopérabilité du système financier dans la zone UEMOA. Où en est-on, exactement ?
Le projet qui a été initié depuis 2017, est très avancé. Ce n’est pas facile parce que nous avons 140 établissements dans notre zone. Et nous avons 8 pays.Nous avons retenu l’option d’écouter tous les acteurs pendant 6 mois, de janvier à juin 2019. Nous nous sommes réunis avec tous les acteurs et tous les types de structures qui existent dans la zone.
On a réfléchi ensemble et défini les spécifications techniques opérationnelles de cette infrastructure que nous allons mettre en œuvre l’année prochaine. Donc, cela a été fait lors d’une concertation organisée au mois de septembre. Un plan de déploiement a été mise en œuvre. Bientôt nous allons lancer un appel d’offre international pour acheter la solution qui permettra aux populations de l’Union de faire des transactions dans les 8 pays de l’UEMOA.
Pouvez-vous donner le taux d’inclusion financière entre 2018 et 2019 ?
Nous n’avons pas encore toutes les statistiques 2019. Donc, je pourrais juste vous donnez le taux d’inclusion financière de 2018 qui se chiffre à 57,1%.Nous savons que dans notre zone, nous avons ce défi de multibancarité et il nous faudra avoir des outils pour identifier chaque personne grâce à l’identification numérique.Ce taux d’inclusion financière englobe le secteur de la microfinance et le secteur des services financiers via le téléphone mobile. Ces deux secteurs ont fortement contribué au relèvement de ce taux d’inclusion financière.
La BCEAO projette un taux d’inclusion financière de 75 % d’ici 2020. Pourra-t-elle atteindre cet objectif ?
Peut-être ! On avait projeté 2020 puisque les documents ont été adoptés en 2016. Mais il a fallu 2 ans pour mobiliser toutes les ressources pour entamer la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière.
Donc, nous disons qu’à partir de l’année dernière, où les instances ont été mises en place et les stratégies adaptées, nous pensons qu’à l’horizon de 5 ans, nous atteindrons ce taux d’inclusion financière de 75%.
Nous sommes aujourd’hui à 57, 1% avec tous les projets que nous avons présentés et qui sont en cours de déroulement au sein de la Banque Centrale et des Etats. Nous pensons que ce taux sera atteint.
Quelles sont les contraintes majeures que la BCEAO rencontre dans sa stratégie d’inclusion financière ?
Je dirais qu’il faut de la stratégie régionale d’inclusion financière. Les contraintes majeures, c’est surtout la coordination, la mobilisation des acteurs et des parties prenantes.
Je profite de cette occasion pour lancer un appel à tous acteurs au niveau des Etats, de toutes les structures étatiques. Durant la conférence, il a été question des ministères chargés du développement des infrastructures, de l’énergie et de la télécommunication.
Sans la télécommunication, nous n’aurons pas de services financiers via la téléphonie mobile.Nous avons été Interpellé durant cette conférence par le secteur agricole qui doit être impliquée dans les travaux en cours au niveau des pays.
Je pense que si nous réussissons le pari de la mobilisation et de la coordination des activités, nous aurons un mouvement d’ensemble de l’UEMOA pour atteindre les objectifs assignés.
La feuille de route de la BCEAO pour 2020 ?
2020, sera l’année de mise en œuvre du projet d’interopérabilité du système financier. Nous pensons que les premiers services seront les transferts et les paiements.
Nous avons également la mise en œuvre du programme régional de l’éducation financière. Et le troisième volet portera sur les enquêtes de références au niveau des 8 pays de l’UEMOA ainsi que sur le cadre réglementaire qui doit connaitre des réformes majeures.
Propos recueillies par Ibrahima Junior Dia