En 2018, les Emirats Arabes Unis ont importé 7 tonnes d’or artisanal (d’une valeur de 262 millions de dollars) du Burkina Faso et du Mali à partir du Togo, voie d’exportation de cette matière précieuse. Une fois raffiné, cet or est exporté vers l’Arabie Saoudite, la Turquie et la Suisse. A l’origine, ce trafic juteux cache le drame de deux pays, le Mali et le Burkina Faso, classés en zone rouge par le Quai d’Orsay (ministère français des Affaires Etrangères) dans un contexte de forte progression des groupes islamiques dans le Sahel. Etouffés par la puissance de feu américaine au Moyen-Orient, les groupes armés se replient dans le Sahel où ils comptent plusieurs de leurs labels et, parfois, des populations acquises à leurs cause.
Les analystes de la sécurité attribuent nombre de ces attaques à la filiale régionale d’Al-Qaïda, Jama’at Nusrat al-Islam Wal-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et à un groupe local appelé Ansarul Islam (Les défenseurs de l’islam). À l’est, l’État islamique du Grand Sahara opère dans des forêts qui ont longtemps été un refuge pour les bandits, les passeurs et les braconniers.
Ce phénomène des vases communicants voit l’Etat Islamique convoiter les 2 milliards de dollars de l’or artisanal situé entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Il s’agit d’une sorte d’OPA facilitée par la déroute des deux Etats malien et burkinabé sur leurs périphéries et, s’agissant du Mali, de l’échec des forces de l’ONU (la Minusma) dans sa mission à ramener la paix. Faudrait-il le préciser, il y a aussi, dans ce fiasco militaire contre le banditisme et les narco-trafiquants sous visage du Djihad, l’échec du G5 Sahel, à coordonner les forces armées des 5 pays du Sahel et à mettre en place un commandement souple et rapide. Dans un récent reportage, Reuter indique que les attaques au Burkina Faso se sont concentrées sur les zones d’orpaillage.
Plus de 2 200 sites d’orpaillage clandestins sont identifiés dans ce pays devenu le nouveau ventre mou du Sahel. En 2018, les responsables gouvernementaux du Burkina Fasi se sont rendus dans 24 sites proches des lieux où les attaques avaient eu lieu et ont estimé qu’ils produisaient au total 727 kg d’or par an, ce qui représente environ 34 millions de dollars aux prix actuels, avance Reuters.
Ainsi, Oumarou Idani, ministre des Mines du Burkina Faso, a déclaré en mai que les islamistes avaient pris le contrôle de certaines mines, en particulier dans les zones protégées, où ils encourageaient les camps de mineurs à creuser en violation des interdictions gouvernementales. « Ils ont nourri le camp et acheté et vendu de l’or », a-t-il déclaré à Reuters.
Selon les estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les mines informelles du Burkina Faso, du Mali et du Niger produisent à elles deux une cinquantaine de tonnes d’or d’une valeur de 2 milliards de dollars par an. Selon les estimations du gouvernement et de l’OCDE, le Burkina Faso produit environ 15 à 20 tonnes d’or par an, d’une valeur comprise entre 720 et 960 millions de dollars.
En 2018, le Burkina Faso n’a enregistré des exportations officielles que d’environ 300 kg d’or provenant de petites mines – environ 1,5% à 2% de la production estimée du pays -, ce qui témoigne de l’ampleur de la contrebande. Les mineurs informels travaillent souvent hors de la vue des autorités. Les efforts du Burkina Faso pour localiser ses petites mines ont révélé que seuls 25 d’entre eux avaient des permis valides dans tout le pays, a déclaré à Reuters Salofou Trahore, directeur général du régulateur gouvernemental.
Sur plus de 1 000 sites visités récemment par les contrôleurs de l’Etat burkinabé, 800 d’entre eux étaient actifs. De grandes parties du nord et de l’est échappent à tout contrôle de la capitale, ce qui l’a amenée à déclarer l’état d’urgence dans 14 des 45 provinces du pays.
Début 2019, des responsables internationaux ont fait pression sur le Togo pour qu’il agisse contre la contrebande d’or, craignant que le commerce ne conduise à un conflit dans la région, a déclaré à Reuters une personne connaissant directement l’initiative. Nestor Adjehoun, directeur du développement et du contrôle au ministère des mines du Togo, a déclaré que le commerce de l’or avait été suspendu dans ce pays depuis le début de l’année afin de rendre le commerce plus transparent.