La deuxième édition des dialogues de Haut niveau sur l’Inclusion financière en Guinée et en Afrique, le DIA’FIN, s’est déroulée les 27 et 28 novembre à Conakry avec comme thématique « Inclusion Financière et Entreprenariat des Femmes et des Jeunes ». Sur l’initiative de la banque centrale de Guinée (BCRG), dont le gouverneur, Lounceny Nabé, préside l’initiative africaine pour les politiques d’inclusions financières (AfPI), le DIA’FIN se veut une plateforme d’échanges pour les acteurs de la finance africaine afin d’évaluer le niveau de l’inclusion financière en Guinée et en Afrique tout en déclinant les perspectives d’accélération du processus.
La cérémonie d’ouverture tenue ce mercredi 27 novembre 2018 au Sheraton Grand Conakry a été présidée par le premier chef du gouvernement, Kassory Fofana. Cette rencontre a connu également la participation de grandes personnalités de la finance africaine : Norbert Numba, directeur exécutif adjoint de l’AFI ; M. Alex SEA, représentant du Africa Fintech Forum ; Richard Commodore, représentant du centre africain pour la transformation économique ; Aissata Béavogui, DG de GAC ; Leandre Bassolé, représentant de la BAD en Guinée ; plus d’une dizaine de ministres et des journalistes de renom : Marie Roger Biloa, Amobé Mévégué, Christian Éboulé, Raphaëlle Constant, etc….
Dans son discours d’ouverture, le Premier ministre Guinéen, a laissé entendre que la problématique de l’inclusion financière, est un enjeu économique majeur pour les économies des pays en voie de développement. Il a relevé au passage quelques chiffres illustratifs des défis « environ deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès aux services et instruments financiers de base, la plupart sont pauvres et une grande proportion de ce monde est en Afrique. En Guinée, selon les données disponibles, sur une population adulte estimée à 6 millions d’individus, le nombre de personnes titulaires d’un compte dans une institution financière était d’environ 10% en 2014. Avec la forte pénétration de la téléphonie mobile et le progrès de la monnaie électronique, ce taux est passé à 23,5%, soit un million et demi de personnes en 2017. Malgré cette évolution, il reste encore des marges importantes de progression, si nous nous comparons par exemple au pays comme le Rwanda, le Kenya ou le Sénégal à côté, où au moins 42% de la population détient au moins un compte bancaire. Pour réduire l’extrême pauvreté et l’exclusion sociale qu’elle induit, il est essentiel de mettre en place des politiques publiques spécifiques pour relancer une croissance forte durable et inclusive. L’inclusion financière est une dimension essentielle de cette action » a souligné Ibrahima Kassory Fofana.
Pour sa part, le gouverneur de la banque centrale de Guinée (BCRG) estime en substance que pour parvenir à réduire les inégalités liées à l’exclusion financière, il fallait nécessairement créer un cadre d’échange qui vise à offrir un espace de dialogues afin de « dresser un bilan des innovations des processus et produits visant à élargir l’inclusion financière et à l’orienter vers les personnes qui en sont les plus exclues, c’est-à-dire les femmes et les jeunes. Les échanges permettront de comprendre les expériences d’inclusion financière des femmes adultes, des jeunes hommes et des jeunes femmes », a relevé Lonceny Nabé.
Le Dia’fin a tenu toutes ses promesses grâce à des panels révélés sur des thématiques tout aussi fondamentales que stratégiques les unes que les autres avec un fort accent mis sur la nécessité de favoriser l’inclusion financière des femmes et des jeunes entrepreneurs.
Dans les débats, on peut relever la problématique du « local content » qui assaille le secteur privé en Guinée et dans beaucoup de pays en Afrique. Dans une sorte de cri de cœur aux allures de plaidoyers, ces chefs d’entreprises locales ont alerté les responsables financiers et autorités sur le complexe lié au « Made in Africa » qui de leurs avis répond généralement aux standards requis en matière de normes.
Cependant, les gouvernements et les multinationales étrangères installées en Afrique préfèrent souvent travailler avec des sociétés étrangères de leur propre pays, dénonce entre autres Oumar Dao, directeur général de « African Payement Gateway », intervenant dans les systèmes de payement électroniques. La même situation prévaut dans presque tous les domaines que ce soit dans l’agrobusiness, la restauration, etc…comme l’ont relevé d’autres entrepreneurs présents. Ils appellent nos États à intervenir pour que le « local content » soit un puissant levier pour booster les entreprises africaines. « Il faut privilégier la solidarité africaine comme cela se fait un partout ailleurs dans le monde » estime la plupart des chefs d’entreprises, bien évidemment en se hissant au niveau des standards requis.
Pour Amobe Mévégué, CEO de UBIZNEWS et journaliste à France 24, les africains sont responsables de leur destin. Il estime en substance que personne ne viendra le changer à leur place donc si les africains veulent avancer, il faut d’abord commencer par arrêter de se plaindre et d’accuser les autres de nos malheurs. Il est temps, selon lui, de prendre ses responsabilités « J’étais très heureux d’être à Conakry pour participer aux dialogues sur l’inclusion financière et j’ai été très heureux de voir comment le dynamisme en Afrique et particulièrement en Guinée est vivace. Nous n’avons pas d’autres choix que de travailler entre nous africains, ce n’est pas normal que nous habitions la terre la plus prospère du monde et que la majorité de nos populations n’ait pas accès à l’essentiel donc c’est pour cela que je suis venu et que chacun dans son cœur trouve le soleil et la lumière pour avancer…..l’inclusion financière, c’est elle qui permet d’absorber y compris les populations les plus précaires de nos sociétés, donc c’est un devoir pour les élites de considérer qu’elles doivent accompagner les populations donc nous devons appuyer toutes les énergies, toutes les synergies qui vont dans le sens de l’inclusion financière en Afrique….. »
Kémoko Touré, est ancien dicteur général de la compagnie des bauxites de Guinée (CBG) et modérateur principal du Dia’fin « Il y a des modèles de financement qui se développent et qui ne sont pas encore suffisants et performants et les banques classiques n’ont pas encore trouvé la méthode pour accompagner les entreprises sans exiger des entrepreneurs des garantis qu’ils ne peuvent pas fournir ; donc nous sommes à la croisée des chemins et il est important que les gouvernements africains trouvent l’impulsion nécessaire pour que nos entrepreneurs africains bénéficient de privilèges, de financements qui permettront s de donner aux entreprises africaines la dimension internationale, tous les autres pays ont donné ce privilège à leurs entreprises pour construire leurs expériences…. » a-t-il réagi.
Le panel sur l’éducation financière a aussi suscité beaucoup de réactions et est apparue en somme aux yeux des spécialistes comme l’élément de base de la réussite du processus d’inclusion financière. Promouvoir et expliquer particulièrement aux populations en dehors du système financier, les avantages et les bienfaits de ces services, sont de l’avis des panélistes, des actions à mener en amont pour une inclusion financière réussie.
Des annonces fortes ont également marqué cette seconde édition du Dia ’fin. Celle par exemple du directeur général d’Ecobank Guinée, Souleymane Bah « 2020 sera l’année des femmes chez Ecobank… » réaffirmant l’engagement de la banque panafricaine à octroyer plus de crédits aux femmes avec des garantis et taux assez flexibles tandis que legouverneur de la banque centrale guinéennea pris sur lui l’engament de prendre à bras le corps les problématiques soulevées qui relèvent de ses compétences et de transmettre au gouvernement celles qui échappent à ses prérogatives.
Lounceny Nabé a officiellement donné rendez-vous aux acteurs le 3 mars 2020 à Conakry pour la troisième édition du Dia’fin qui coïncidera avec le 60eme anniversaire de la monnaie Guinéenne.
Mamadou Aliou Diallo pour Financial Afrik