La Cour Suprême du Cameroun a rendu en juin 2019 un arrêt qui, par un incroyable retournement de situation, donne raison à deux actionnaires français dans leur longue bataille contre feu Jacqueline Casalegno pour le contrôle de Chanas Assurances. Ce coup de théâtre judiciaire fait passer Chanas des mains de ses actionnaires actuels à celles des anciens actionnaires plusieurs fois déboutés.
C’est ce qui explique l’AGE du 5 novembre qui a vu la transformation de Chanas et Privat sarl en Chanas assurances SA, en passant le capital social de 200 millions de Franc CFA à plus de 6 milliards. Reste à savoir où est l’apport des uns et des autres dans cette opération rondement bien menée sur le papier. Ahuri, le secteur des assurances a suivi perplexe l’AGO qui a nommé un nouveau conseil d’administration, un nouveau PCA, un DG et un DGA. Pour l’heure, les autres actionnaires de Chanas et la SNH (Société Nationale des Hydrocarbures) n’ont pas encore bronché.
L’affaire nous replonge au coeur d’un litige vieux de 30 ans quand la fondatrice de la première compagnie camerounaise d’assurance, qui avait des problèmes de santé, demanda aux sieurs Louis Laugier et Denis Gillot d’entrer dans le capital de sa société et d’en assurer la gestion. Vers 1992, la dame de fer allait plutôt mieux et découvrit des détournements et irrégularités dans une société en quasi-faillite. Jacqueline Casalegno décida de poursuivre ses deux partenaies et les fit condamner à la prison ferme. Les sieurs Laugier et Gillot réussiront à s’enfuir du Cameroun. Face aux pertes qui dépassaient le capital social, feu Jacqueline Casalegno a apuré les pertes par la mise à 0 du capital puis procédé à une augmentation de capital. Une opération à laquelle les deux actionnaires n’ont pas pas pu participer, ne pouvant se rendre au Cameroun. Commence alors une longue bataille judiciaire. Les deux associés perdront quatre fois sur cinq mais n’en démordront pas. Entre temps, l’agent général est devenu compagnie d’assurance en reprenant le portefeuille de la SOCCAR.
Chronologie
Les 12, 22 juin 1989 et le 23 février 1993: Jacqueline CASALEGNO née CHANAS cédait respectivement 2.500, 1.000 et 1.000 parts à chacun des sieurs Louis LAUGIER et Denis GILLOT, soit un total de 4.500 parts à chacun d’eux sur les 9.787 parts qu’elle détenait ;
Mars 1993: Jacqueline CASALEGNO donnait assignation aux sieurs Denis GILLOT et Louis LAUGIER d’avoir à comparaitre devant le tribunal de grande instance de Douala statuant en matière civile et commerciale pour s’entendre condamner à lui payer la somme de 500.000.000 de francs CFA en principal, intérêts et frais et s’entendre valider la saisie-arrêt des parts sociales pratiquée le 10 mars 1993.
20 décembre 1993: après plusieurs péripéties judiciaires sur des faits liés à la gestion de ladite société, messieurs Denis Gillot et Louis Laugier furent écartés par résolutions de l’assemblée générale extraordinaire.
16 octobre 1998: par jugement n°033 du 16 octobre 1998, le tribunal déclarait la saisie querellée non valable et ordonnait la mainlevée de l’ordonnance n°1181 rendue le 8 mars 1993 par le président du tribunal de première instance de Douala .
15 avril 1999 : la société CHANAS et PRIVAT Assurances SARL était transformée en CHANAS Assurances SA, comprenant trois associés à savoir madame Jacqueline CASALEGNO, la société SOPAR et la succession Ferdinand PRIVAT
12 décembre 2001 : Le tribunal de première instance de Douala- Bonanjo, par jugement n°92, déclarait éteinte pour cause de prescription l’action en nullité des résolutions des assemblées générales des 8 mars et 20 décembre 1993, 27 juin 1994 et 5 juin 1995 et, constatait la perte de qualité à agir des demandeurs (Laugier et Gillot) et par conséquent déclarait irrecevable leur action en nullité des résolutions de ’assemblée générale du 15 avril 1999 ;
21 novembre 2003 : sur appel de dame Jacqueline CASALEGNO et de la société CHANAS et PRIVAT Assurances, la cour d’appel du Littoral à Douala, par arrêt n°023/C confirmait le jugement numéro 92 du 12 décembre 2001.
3 octobre 2011 : sur appel des requérants, la Cour d’appel du Littoral à Douala confirmait le jugement, par arrêt n°238/CC en date du 3 octobre 2011, qui fera l’objet d’un pourvoi en vassation.
19 novembre 2015: la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) confirme le jugement du 3 octobre 2011.
Juin 2019 : la Cour Suprême du Cameroun fait volte face, revenant sur 30 ans de procédures.