Par Kwame Senou
Au début de l’année 2012, la valeur de l’actif net des sociétés de l’indice S&P 500 ne représentait que 49% environ de la capitalisation boursière. Le S&P500 est un indice boursier qui mesure les 500 valeurs les plus grandes, cotées en bourse aux USA. Cette tendance qui a été évaluée à 84% en 2018 traduit l’influence de plus en plus importante des actifs intangibles sur les actifs tangibles.
L’actif intangible le moins connu mais le plus important, reste la réputation.
La réputation est la façon dont est évaluée, une organisation quelle qu’elle soit, par les parties prenantes, sur la façon dont elle répond aux attentes suivant son histoire. Les autres actifs intangibles incluent les permis, les brevets, les licences informatiques, les procédés enregistrés etc.
Dans notre système très orienté résultat comptable et moins valorisation, la gestion de la réputation reste un sujet secondaire. Toutefois, la croissance des places boursières en Afrique et le besoin de capitaux vont pousser de plus en plus d’entreprises à faire attention à la gestion de leur réputation. Seules les crises donnent lieu à la gestion de réputation de nos jours. Mais pour quelque résultat.
Parce que les réputations sont évaluatives, certains points de comparaison sont requis. Les parties prenantes comparent ce qu’ils savent sur une organisation à des normes pour déterminer si une organisation répond ou non à leurs attentes sur la façon dont une organisation devrait se comporter. Ainsi ce qu’ils savent sur l’organisation est très déterminant dans la façon dont la réputation de cette dernière est déterminée. Le challenge se trouve à ce niveau. Peu d’entreprises ont en place une véritable stratégie de gestion de réputation dans notre région. Ainsi en dehors des conférences de presse de lancement de produits ou d’activités, il est opposé un vide aux journalistes. Ces entreprises ne maintiennent que rarement une base de données de journalistes de leurs secteurs. Les prises de parole organisées sont toutes orchestrées au moment des crises gigantesques. Ainsi plusieurs banques, auraient subi des vols de la part de leurs collaborateurs avec les dossiers jugés au tribunal, et puis silence total. Tout un comité de direction est « démissionné » et sur les réseaux sociaux, l’emballement n’est suivi que d’un communiqué laconique. Le choix de laisser la rumeur informer les parties prenantes sur l’organisation si elle ne se ressent pas beaucoup sur la bourse, impacte les volumes et la croissance de l’organisation. Certaines entreprises vendant des produits alimentaires le savent mieux que quiconque.
La réputation est un enjeu, c’est la valeur de l’organisation et même du pays qui est en jeu aux yeux des parties prenantes internes comme externes. Selon le rapport “Africa in the media” du Norman Lear Center at the USC Annenberg School for Communication and Journalism, des 32 sujets africains traités dans toutes les émissions de télévision, allant des animaux à la culture en passant par les voyages et l’immigration, seuls trois avaient des mentions plus positives que négatives. Il s’agit de : l’histoire, la musique et les sports.
Ceux qui proposent des transactions, négociations, accords d’implantation et des partenariats public-privé aux organisations africaines, fondent leurs perceptions sur la réputation construite par ces médias.
Les organisations africaines doivent, par conséquent, comprendre qu’il convient de travailler à changer les récits à leur sujet et œuvrer donc à entretenir une relation permanente avec les vecteurs de l’information que sont les médias traditionnels, les médias en ligne et les différents leaders d’opinion disponibles.
La crise sécuritaire dans le Sahel, l’enlèvement de touristes dans le parc de la Pendjari ou plus récemment, le changement de leadership intervenu chez MTN Côte d’Ivoire, sont autant de moments qui révèlent les fragilités de la relation entre les vecteurs de l’information et les organisations.
La construction et la gestion de la réputation vont au-delà de la simple relation avec les médias qui ne prend pas toujours en compte les attentes de certaines parties prenantes.
La gestion de la réputation s’inscrit majoritairement dans une démarche a priori. La mesure systématique de la réputation et la mise en œuvre de mesures correctives, s’avèrent nécessaires pour assurer aux entreprises une bonne perception, gage de croissance, d’accès au financement ou même à la capacité d’engager les décideurs publics. C’est d’ailleurs l’une des meilleures protections contre les crises violentes.