Voici le rapport de synthèse de la journée de la finance africaine, les Financial Afrik Awards, tenue le 19 décembre à Abidjan.
Nécessité pour les Etats et les régulateurs de mettre les cadres juridiques en adéquation avec les technologies disruptives (Blockchain et néobanque) pour augmenter la cadence de l’inclusion financière.
La 2ème édition des Financial Afrik Awards s’est tenue le 19 décembre 2019 à Abidjan, à l’hôtel Pullman, en présence de de 200 acteurs majeurs de la finance africaine. Principal animateur de l’événement, Nephthali Messanh Ledy, Rédacteur en chef de Financial Afrik, a rappellé en introduction le thème de cette édition : «Monnaie, disruption et inclusion financière». Le décor Planté, Adama Wade, Directeur de publication de Financial Afrik et Mostafa Belkhayate, Trader or et matières premières, ont invité la Présidente de la cérémonie d’ouverture, madame Minafou Fanta Coulibaly-Koné, directrice de cabinet représentant le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances, Adama Coulibaly, à prononcer son discours.
Dans son allocution, madame Coulibaly a salué la tenue de l’événement en Côte d’Ivoire et le rôle éminent des nouvelles technologies dans l’industrie financière. “Depuis quelques années, l’industrie financière connait un boom avec les innovations technologiques. Financial Afrik Awards offre ainsi un véritable cadre de partage d’expérience entre acteurs du monde de la finance africaine et de mise en exergue des meilleures performances”. Madame Coulibaly a également exhorté les participants à davantage s’impliquer afin d’accompagner les gouvernements africains dans leur mission d’inclusion financière. “J’exhorte les participants à une meilleure implication dans l’inclusion financière et de partage d’expérience en vue de faire de ce rendezvous un cadre enrichissant mutuel”. Après le discours d’ouverture de la cérémonie, le plateau des 5 Panels pouvait être ouvert.
contrairement aux idées reçues, les cryptomonnaies sont surveillées
Modéré par Mme KADIDIATOU FADIKA-COULIBALY, Directrice de Hudson & Cie, le premier Panel avait pour thème, «Monnaie disruption et inclusion Financière». Pendant 50 minutes, les panélistes Kim Dauthel, co-fondateur de la cryptomonnaie «Afro», Tidiane Coulibaly, fondateur de Winnest et Denis Chemillier-Gendreau, CEO de Finactu, ont partagé leur expertise sur le thème. Prenant la parole à tour de rôle, Kim Dauthel et Tidiane Coulibaly ont mis l’accent sur l’importance de la vulgarisation des cryptomonnaies et la nécessité d’en faire un outil planétaire utile qui répond aux besoins du citoyen africain. Selon les experts, la crypto-monnaie devrait devenir un instrument de paiement avec des usages concrets tels que le paiement des impôts et des factures d’eau et de d’électricité pour ne citer que ceux la. Ils ont rappelé par la suite que, contrairement aux idées reçues, que les cryptomonnaies sont surveillées par plusieurs régulateurs dont la SEC et le FBI.
Quant à Denis Chemillier-Gendreau, il soutient que l’échec bancaire de cette décennie est dû à la pluralité des banques et au manque de volonté de celles-ci dans l’adoption de nouvelles stratégies. Comme solution, il propose que la banque fasse de l’inclusion financière un axe majeur de sa stratégie. Il préconise également que le nombre de banques soit réduit et que toutes mettent en pratique les principes de Bâle III.
Le Second Panel, modéré par Carius Youssouf, CEO de PULSAR, avait pour thème «Le coût de l’inclusion de l’Afrique dans la finance mondiale». Viviane Bakayoko, DG de Citibank Ci, Stanislas Zézé, PDG de Bloomfield, Halidou Aziz, Responsable Développement du Marché des Titres Publics UMOA Titres et Ali Benhamed, banquier, président du Jury de Financial Afrik Awards, ont d’une même voix montré que le coût potentiel de l’inclusion de l’Afrique dans la finance mondiale pâtit d’une perception du risque Afrique survévaluée. Afin de réduire ce coût et faciliter l’intégration du continent dans le commerce mondial, ils ont proposé la création de nouveaux produits capables de générer de nouvelles sources d’investissement. Ils ont également évoqué la nécessité d’une plus grande transparence, le règlement des questions liées aux marchés locaux, à leur niveau de structuration et de compétitivité, et la connaissance plus poussée des habitudes.
Prenant la parole dans l’intermède entre les panels 2 et 3, Bocar Sy, Administrateur Directeur Général de la Banque de l’Habitat du Sénégal, est revenu sur l’expérience de «la diaspora Bond, un instrument d’inclusion de la diaspora africaine ». La «Diaspora Bonds BHS 6,25% 2019- 2024 » qui visait un montant de vingt (20) milliards de FCFA a été clôturée avec une sursouscription de 113,9% entre le 16 mai et le 30 juin 2019. Il s’agit de l’une des rares opérations non souveraines sur le marché financier régional à avoir enregistré un tel succès. Revenant sur cette expérience enrichissante, monsieur Sy a insisté sur la démarche particulière menée auprès des populations de la diaspora sénégalaise, avec une approche pédagogique et culturelle qui explique le succès généré. En clair, grâce à la finance et aux outils technologiques modernes, l’Afrique peut faire une jonction efficace avec la diaspora dont l’épargne pourrait participer au financement des projets d’infrastructures en Afrique.
C’est à Cedric Oloufemi, Banquier, qu’est revenu la charge de modérer le 3e Panel sur le thème de la «Banque, Mésofinance, Microcrédit et Inclusion Financière». Pendant 50 minutes, les intervenants, Jean-Luc Konan, PDG du Groupe Cofina, Mouna Kadiri, Directrice du Club Afrique développement, Fabrice Kom Tchuente, DG de Finafrique et Kafèhè Silue, DGA BGFI CI, ont débattu sur le sujet. Ils ont insisté sur les contraintes liées à l’accès aux services financiers de base. Pour les particuliers, il s’agit surtout d’un manque d’offre d’offres adaptées, favorisant la prolifération des usuriers communément appelés « margouillats ».
l’Afrique peut faire une jonction efficace avec la diaspora dont l’épargne pourrait participer au financement des projets d’infrastructures en Afrique
D’autre part, ont-ils indiqué, la mauvaise organisation ou non structuration des PME/TPE ne facilite pas la baisse du coût de financement. Les experts du Panel ont proposé des solutions très pratiques pour lever ces obstacles. Entre autres, lancer l’initiative d’inclusion, adapter le système financier aux réalités locales, création d’une maison d’entreprise gérée par les banquiers, accompagner les nouvelles PME/TPE et les emmener à se formaliser, embarquer les entreprises dans le circuit de développement international et revoir la stratégie des PME sont entre autres des moyens évoqués pour solutionner les contraintes mentionnées. Pour finir, le panel a lancé un appel aux autorités de tutelle pour une plus forte implication.
Après une courte pause de 15 minutes, la rencontre a repris de la plus belle des manières avec Jocelyne Gbah, Responsable Commerciale et Markéting de la Société Ouest Africaine de Gestion d’Actifs (SOAGA) et, en la circonstance, modératrice du panel 4 sur le thème : «Bourse, financement des PME et inclusion financière ». L’enjeu était de montrer comment faire en sorte que la Bourse en ligne, les cryptomonnaies et l’accessibilité des ménages à la BRVM mais aussi autres marchés financiers puisse servir de levier pour le financement des PME et non d’évasion des capitaux et des devises. Dr Edoh Kossi Amenounve, Directeur Général de la BRVM, Mostafa Belkhayate, Commodity Trading Expert, Didier Acouetey, Président du Groupe AfricSearch, El Birane Diop, Responsable du Département Etudes et Finance Inclusive sont intervenus sur le sujet. Concrets et pragmatiques dans la présentation de leurs idées, ils ont fait l’unanimité. El Birane Diop, prenant la parole, évoqua la nécessité de sensibiliser ou de mettre en place un programme d’éducation financière. «Il faut créer des instruments pour accompagner les PME» ajouta pour sa part, Monsieur Acouetey, organisateur de l’événément annuel Africa SME Champions dont la dernière édition s’est tenue à Johannesuburg. Quant au DG de la Bourse, il a plaidé pour la privatisation d’un certain nombre d’entreprises publiques, ce qui permettrait aux citoyens de fructifier leur épargne à travers l’achat d’actions de ces entreprises.
Combler l’asymétrie d’information entre les banques et les PME
Se réjouissant de ce que la conférence ait défini l’inclusion financière dans un cadre large, englobant l’épargne, Dr Amenounvé a axé son intervention dans la nécessité d’améliorer la collecte pour financer les PME et donner la possibilité aux populations d’avoir une épargne. « Il faut qu’on réfléchisse à des financements adaptés au cycle de vie des PME et combler l’asymétrie d’information entre les banques et les PME. Il faut penser grand ».
Sur le même sujet, Mostafa Belkhayate a quant à lui exhorté les participants à intégrer les plateformes numériques de mobilisation de fonds (crowdfunding) et de cotation en ligne, à l’exemple du système américain «Friends and Families » (ou tontine en Afrique) qui consiste à lever un fond par le placement. Il a aussi encouragé les participants à trouver des solutions adéquates pour développer l’Afrique et la positionner comme leader mondial dans le négoce des matières premières. « Nous sommes réunis ici pour trouver des idées et des solutions pour faire avancer l’Afrique, permettre au continent de rattraper son retard, mais également se positionner en tant que leaders ». Plus que résolu à mener à terme ses objectifs, il croit dur comme fer que les nouvelles technologies sont les moyens dont l’Afrique doit saisir pour atteindre le ‘’Golden Age”. « Quand on évoque les richesses de l’Afrique, on parle du pétrole et de l’or entre autres. Mais, 90 % de ces richesses sont encore dans son sous-sol, et il est tout à fait possible aujourd’hui de monétiser ces ressources naturelles avant de les sortir du sous-sol grâce à la cryptomonnaie ».
En somme, en s’occupant à gagner de l’argent sur le marché financier, en protégeant nos ressources financières et surtout en enseignant aux enfants qui constituent les hommes de demain, la bourse et le trading dans les écoles à partir de la seconde, l’on pourra faire de cette Afrique le nouvel Eldorado Le panel 5 intitulé «Fintech, Monétique, Mobile Banking, Facteurs d’inclusion » avait pour objectif de mettre les banques, les assurances et les services financiers en général face à la nécessité de se réinventer grâce aux Fintech et aux technologies disruptives. Selon Yves Eonnet, CEO de Tag Pay, il est évident que la Fintech représente une réelle menace pour la banque et ses vieux modèles. Lancé à fond dans le débat, il explique que la Fintech impose à la banque de bouger, de migrer vers une digitalisation. En visionnaire, il termine ses propos en ces termes « le développement de l’Afrique dépend des capacités des banquiers à se réinventer. »
A sa suite, Pascal Nyagahene, CEO de Mobicash, Fintech qui collecte 80% de l’assurance maladie au Rwanda a, quant à lui, rassuré les banquiers et les a exhortés à travailler en synergie. «Nous ne gardons pas l’argent. Les Fintech emmènent de l’argent en banque. » Disait-il avec beaucoup d’humour comme pour répondre à la réplique apportée par Bocar Sy, administrateur directeur général de la Banque de l’Habitat du Sénégal, qui s’est appuyé sur l’adage «à chacun son métier » pour apporter la réplique. Cet argument semblait être partagé par Blaise Ahouantchédé, DG sortant du GIM-UEMOA qui a insisté sur la complémentarité entre banques et Fintech. A la question de savoir comment toucher le maximum de clients, Yves Eonnet estime que : «les banques doivent créer de nouvelles structures digitalisées» pour Blaise Ahouantchédé, il faudrait créer plusieurs infrastructures et aussi enseigner les langues telles que le français et l’anglais afin de pallier à ces obstacles que sont les barrières linguistiques. L’Etat doit connaître sa population, renchérit Pascal Nyagahene. C’est avec beaucoup de réticence que Leila Ben Hassen, CEO Blue Jay communication et modératrice en la circonstance, mit fin au 5ème et dernier panel de la 2ème Edition des Financial Afrik Awards. Au terme des cinq panels, le président de Wara, Anouar Hassoune, a été invité à présenter les perspectives 2020 de la finance africaine à travers les instruments éprouvés du métier dont le carré magique de Kaldor et l’analyse des indices psychologiques et des différentes tendances de l’économie mondiale. En clair, explique l’analyste, «la probablité d’un choc monétaire s’accroît, le tarissement de la liquidité se généralise et les taux directeurs sont orientés à la hausse ». In fine, le risque politique est élevé, notamment en Afrique, explique M. Anour Hassoune. Monsieur Adama Wade, directeur de publication de Financial Afrik fit, la synthèse et la clôture des panels tout en remerciant les différents participants et intervenants, les organisateurs et les sponsors.
Les lauréats de Financial Afrik Awards 2019
Au terme de la journée, un diner Gala fut organisé à l’honneur des « 100
personnalités qui transforment l’Afrique ». Plusieurs personnalités du monde des finances ont reçu les Awards selon la catégorie da laquelle elles ont été nominées.
Ainsi donc ont été primés :
KRISTINE NGIRIYE _ PRIX DE L’INCLUSION FINANCIERE
BLAISE AHOUANTCHEDE_PRIX SPECIAL DE LA REDACTION
JEAN LUC KONAN_ PRIX SPECIAL DU JURY FINANCIAL AFRIK
AWARDS
YVES EONNET_FINTECH DE L’ANNEE
CARLOS LOPES _ ECONOMISTE DE L’ANNEE
PATHE DIONE_ DEAL DE L’ANNEE.
MOHAMED EL KETTANI _ CEO DE L’ANNEE
FELIX EDOH KOSSI AMENOUNVE_FINANCIER DE L’ANNEE
AHMED SHIDE_ MINISTRE DES FINANCES DE L’ANNEE
C’est avec des applaudissements bien nourris que les invités ont félicités les lauréats. S’en sont suivies des photos de famille pour immortaliser cette 2ème édition des Financial Afrik Awards. La cérémonie s’est achevée sur des notes bien rythmées de jazz que nous a servis le groupe musical Abijazz invité à l’occasion. Rendez vous est donc pris pour la 3ème édition, qui promet d’est aussi, du non plus, enrichissante et plus ouverte. Le jury des Financial Afrik Awards devrait dans les prochaines semaines se réunir et indiquer le nom de la ville où se tiendrait la troisième édition de la journée de la finance africaine.