Une fuite inédite de documents confidentiels analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) jette la lumière sur l’empire des 450 sociétés disséminées dans 41 pays (94 étant logées à Malte, Maurice et Hong Kong) du couple Isabel Dos Santos et Sindika Dokolo. En tout 715 000 fichiers confidentiels sont dévoilés en particulier à partir du système d’un cabinet portugais, Fidequity, société de gestion située au Portugal.
Des correspondances et emails privés éventrés et qui ne manqueront pas de questionner sur le caractère licite ou illicite de leur obtention. Si le hacking est proscrit par le journalisme aux côtés de tout moyen frauduleux utilisé pour obtenir des informations, quid du périmètre légal de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF)?
Cette plateforme africaine, fondée par deux avocats français, affranchie du carcan éthique qui pèse sur le journalisme et le métier d’avocat, n’aurait pas d’autre agenda que celui de défendre le patrimoine public africain. Nous sommes donc en face de nouveaux Robin des Bois qui depuis la France volent au secours de l’Afrique de manière sélective ou, dans le cas d’espèce, avec une coïncidence étonnante.
C’est un problème et pas des moindres, les journalistes dits d’investigation, alimentés par les lanceurs d’alerte, héritent d’un dossier chaud qui arrive (on ne sait par quel moyen) au moment même où le couple fait l’objet d’une enquête diligentée par la justice angolaise avec un versant politique difficile à ignorer.
Le timing de l’enquête appelle à la plus grande réserve. Idem pour la cible de l’investigation circonscrite à ces deux fortunes de l’Afrique Centrale alors que le consortium nous avait habitué à des révélations à caractère systémique.
Et Isabel Dos Santos et Sindika Dokolo, PEPs (Personnalités politiquement exposées) respectivement, héritier du premier banquier de Mobutu, ancien président de l’ex Zaïre (RDC), au pouvoir pendant 23 ans et héritière de l’ancien président angolais Eduardo Dos Santos, qui régna pendant 38 ans, ont certes accumulé des fortunes sans commune mesure avec le statut de leurs concitoyens grâce à leur proximité avec les pouvoirs politiques.
A la longévité exceptionnelle de ces deux régimes, caractéristiques de la crise de l’alternance démocratique en Afrique, s’ajoute une mal gouvernance endémique qui voit les richesses des Nations venir grossir des comptes anonymes des sociétés écrans logés dans les paradis fiscaux. Le tableau de ces fuites aurait été évidemment plus complet s’il concernait tous les détournements perpétrés sous Dos Santos, aussi bien par les partisans de l’ancien président que par ceux de son successeur. Les lanceurs d’alerte viennent en tout cas d’offrir une corde solide à la justice angolaise qui rêvait, à défaut de pendre, de confondre tout au moins ces deux héritiers d’un système Dos Santos contre lequel une volonté de rupture (espérons qu’il ne s’agit pas seulement de règlement de comptes ) est engagé .