Louis-Magloire Keumayou et Jean-Paul Agboh Ahouélété nous présentent le Togo sous un angle qui échappe souvent aux observateurs. Celle d’une démocratie en construction avec son pouvoir, ses oppositions, sa société civile, son église et ses mythes dont la divinité Ablo. Une démocratie en construction qui, au mois de février prochain, renouera avec un scrutin présidentiel à deux tours avec, en prime, la limitation des mandats présidentiels. En dépit de la vague de contestation qui l’a secoué deux ans durant, le Togo se construit, finance ses élections présidentielles (500 millions de Franc CFA soit 765 000 euros) et mobilise 10 000 gendarmes et policiers pour sécuriser l’opération.
Le journaliste camerounais et son confrère togolais nous rappellent d’emblée que l’histoire des peuples s’écrit sur le long terme. En attendant les présidentielles du 22 février 2020, voilà un livre qu’il faut lire pour comprendre les dynamiques en présence dans ce pays qualifié souvent de «Suisse de l’Afrique ». Echapperons-nous à la fameuse jurisprudence Omar Bongo selon laquelle, rappellent les auteurs, «la majorité politique sortante ou le président sortant n’organise(nt) pas une élection pour la perdre» ? Ne tomberons-nous pas dans le schéma classique des observateurs satisfaits du déroulement du scrutin et d’une opposition qui crie à la confiscation de sa victoire pour, fatalement, basculer dans une crise post-électorale paralysante et coûteuse en vies humaines?
Voilà autant d’enjeux disséqués dans ce livre riche en faits, anecdotes, portraits et rappels des événements similaires. En clair, au Togo, le scrutin du 22 février ressemblera à un référendum : pour ou contre un nouveau mandat de Faure Gnassingbé ? Après quinze ans de présidence, celui qui disait ne pas vouloir s’éterniser au pouvoir, a plutôt pour adversaire, non pas une opposition dispersée, mais, surtout – et c’est le cas dans plusieurs pays africains – une soif d’alternance perceptible dans la rue, et qui, au delà du président sortant, pourrait aussi consacrer, côté opposition, la retraite des dinosaures d’active depuis la conférence nationale.
« Plus que jamais, pour l’opposition, le thème principal de la campagne sera donc celui de l’alternance. Et, pour le président-candidat, il s’agira de revendiquer un bilan économique salué par les organisations financières internationales, une pacification sociétale réussie, une œuvre sur laquelle peu auraient parié, et dont la réalisation des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales constitue l’ultime étape », lit-on dans ce livre qui présente une situation finalement commune en Afrique. Une chose est sûre, la démocratie togolaise semble avoir définitivement tourné le dos aux coups d’Etat, assassinats politiques et procès d’exception. Le mois de février 2020 servira, au delà du vote, de vider les vieux contentieux politiques.
A propos des auteurs
Louis Magloire Keumayou est éditorialiste et président du Club de l’information africaine. Tour à tour correspondant de médias camerounais en France, de BBC Afrique et de Radio Vatican, il a été directeur de l’information de la chaîne de télévision Télésud, après avoir créé l’Association de la presse panafricaine (APPA). Il commente régulièrement l’actualité des pays africains sur différents plateaux : Arte, TV5Monde, Africa Radio, France 24, Voa Afrique, RT France, Sputnik France, Al Jazeera, TRT, BBC Afrique, RFI, Deutsche Welle…
Jean-Paul Agboh Ahouélété est le directeur du groupe de presse togolais Focus Infos. Diplômé de l’université de Reims Champagne-Ardenne et de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, il a pendant quatre ans (2014-2018) dirigé le Conseil national des patrons de presse (CONAPP) du Togo. Il est auteur de L’Évaluation de la participation des médias dans les pratiques relatives à la consolidation de la paix, la prévention des conflits et les droits de l’homme en Afrique de l’Ouest (cas du Togo).
Togo, une Démocratie en construction, éd Michel Lafont. Prix, 9,95 euros. 5 000 Franc CFA