Le 1 er janvier 2020, le peuple de Guinée-Bissau félicité par la CEDEAO, venait d’accomplir un devoir démocratique exemplaire sanctionné par la tenue d’une élection qui ouvrait pour la toute première fois de son histoire une alternance démocratique.
En effet, au terme d’un processus électoral salutaire comme l’atteste les communiqués de toutes les missions d’observation dont, en première ligne, la CEDEAO qui avait à posteriori félicité la maturité du peuple de Bissau, le peuple a porté son choix sur le candidat Umaro Cissoco Embaló.
La victoire du général Embalo a été célébrée dans la liesse populaire, lui qui avait recueilli le report des voix des principaux challengers, y compris celle du président sortant, José Mario Vaz, éliminé dès le premier tour, et qui avait appelé à voter pour le candidat de l’opposition.
Son challenger malheureux, l’ancien premier ministre Domingos Simoēs Preira, qui avait, dès les premières heures de l’annonce des résultats, félicité le vainqueur malgré le fait qu’il notait quelques irrégularités, avait donné le sentiment d’accepter sa défaite; mais helas!
La pilule fut tellement amère qu’il n’a pu l’avaler pour annoncer à posteriori la saisine de la cour constitutionnelle afin de contester les résultats proclamés par la commission électorale.
Le double langage de la CEDEAO
À l’annonce de la saisine de la cour constitutionnelle par le candidat Domingos, la cour constitutionnelle a, au terme de l’examen des résultats, demandé à la commission électorale de procéder à la revérification des procès-verbaux ; au même moment, la CEDEAO publiait un communiqué dans lequel il félicitait le vainqueur. On croyait la récréation terminée. La même CEDEAO fera volte-face pour publier un autre communiqué dans lequel elle se rangeait dans la position adoptée par la cour constitutionnelle.
C’est dans cette valse à deux temps qu’elle a dépêché son envoyé spécial, l’ancien ministre Malien, Soumaila Boube Maiga, pour assister à l’opération de vérification des procès-verbaux . À l’issue de cette vérification, qui s’est déroulée en présence de tous les représentants des protagonistes, y compris de l’émissaire de la CEDEAO, la commission électorale a confirmé les résultats, donnant Embalo Cissoco vainqueur du scrutin présidentiel .
Loin de se satisfaire des résultats confirmés par la commission électorale, le candidat perdant, Domingos Simoēs Preira, qui, selon nos sources, subit la pression de ses bailleurs dont certains chefs d’État de la région, est revenu à la charge en faisant sa propre lecture de la décision de la cour pour intenter de nouveau recours devant la cour où, cette fois -ci, il sollicite le recomptage des voix. Une démarche contestée par le camp du vainqueur qui argue, au regard des textes électoraux, qu’une telle opération s’effectue le jour du dépouillement dans les bureaux de vote ou dans les bureaux de centralisation des régions. Cette situation rocambolesque bloque le processus et provoque une crise postelectotale.
Le candidat du PAIGC, le Parti au pouvoir depuis les indépendances, Domingos Simões Pereira, a soumis cette semaine, un nouveau recours devant la Cour Suprême de Guinée-Bissau demandant l’annulation des élections qui se sont tenues le 29 décembre dernier. La Commission électorale ayant réitéré la victoire du candidat de l’opposition, Umaro Sissoco Embalo.
Au regard de la situation, les dirigeants de la CEDEAO ont tenu à Addis une session extraordinaire pour examiner la situation postelectotale en Guinée Bissau.
La réunion d’Addis
La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest s’ est réunie en sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement à Addis-Abeba, le 9 février 2020, en marge du sommet de l’Union africaine pour débattre, précisément, de la situation politique en Guinée-Bissau.
La réunion présidée par le chef d’État nigérien, Mahamadou Issoufou, président en exercice du bloc régional, a également compté la présence du Premier ministre bissau-guinéen, Aristides Gomes.
A l’issue de cette session, la Cédéao a accordé, ce dimangche 9 février, un court délai, jusqu’au 15 février, pour que la justice bissau-guinéenne règle le contentieux électoral.
Une jurisprudence sans précédent, s’exclame un spécialiste des questions politiques dans la sous région ouest africaine qui s’interroge sur la portée d’une telle décision . Car, pour ce dernier, il est étonnant de demander à la Guinée Bissau, dont le peuple a choisi librement son président, avec des résultats issus des urnes confirmés à deux reprises après vérification, un nouveau décompte.
D’autant que cette même CEDEAO avait unanimement refusé un nouveau décompte à la Côte d’Ivoire en 2010 et à la Gambie en 2017, lors de la bataille entre Adama Barro proclamé vainqueur et le président sortant Yaya Jammeh .
Deux poids deux mesures
On s’en souvient, dans les deux cas susmentionnés, la CEDEAO avait menacé de faire recours à une intervention armée pour faire respecter le verdict des urnes proclamé par les commissions électorales sans se référer aux recours de règlement du contentieux.vC’est une situation de deux poids deux mesures qu’on applique à la Guinée Bissau qui a déjà élu un président.