Après avoir reçu le président sénégalais, Macky Sall, le 27 janvier dernier lors de la réception annuelle de l’association fédérale allemande des PME (BVMW), Mario Ohoven Président du Mittelstand maintient sa vision : amplifier les échanges commerciaux entre le continent africain et les entreprises allemandes. Lors d’un déjeuner en marge de la réception annuelle, une trentaine d’entrepreneurs allemands et sénégalais ont pu échanger sur les perspectives économiques. Et comme une preuve flagrante de cette relation au beau fixe entre l’Allemagne et le continent africain, une vingtaine d’ambassades de pays africains était conviée par l´association du Mittelstand à l’occasion du forum économique qui a eu lieu en amont de cette réception annuelle qui a accueilli plus de 3 000 personnes. La réception annuelle de l´association du Mittelstand (BVMW) est le plus grand et important événement économique berlinois. Alexandre Monclin (WIP-LA NOUVELLE AFRIQUE) a rencontré Mario Ohoven, Président du Mittelstand ( BVMW).
Alexandre Monclin : Qu’est-ce que le Mittelstand et qu´est-ce que cela représente en Allemagne ?
Mario Ohoven : 99 % de toutes les entreprises allemandes sont des entreprises de taille moyenne. Les petites et moyennes entreprises forment environ 80 % des apprentis et elles inventent plus de 70 % de nos brevets, ce ne sont pas les grandes entreprises qui le font, mais les petites et moyennes entreprises. En Allemagne, nous avons très peu de matières premières. La grande matière première dont nous disposons se trouve dans notre cerveau et c’est notre avenir. C’est pourquoi nous pouvons dire que l’Allemagne est la première puissance économique en Europe. En tant qu’association, nous comptons environ 900 000 membres via notre alliance de PME. Nous organisons environ 2 000 événements par an, nous voyons donc quelques 100 000 entrepreneurs. Nous avons plus de 300 succursales seulement en Allemagne. Cela signifie que ces 300 personnes ont plus de 800 000 contacts par an. Il n’existe en Allemagne aucune association professionnelle à base volontaire qui ait plus de 800 000 ou, disons, environ 800 000 contacts directs avec des entrepreneurs par an.
Alexandre Monclin : Quel est l’impact du Mittelstand sur le terrain ?
Mario Ohoven : Sur l’Afrique, nous pouvons humblement dire que nous avons eu une influence positive sur la nouvelle politique allemande en matière d’échanges commerciaux avec le continent. Avec l´initiative Compact with Africa, le Mittelstand a pris pleinement sa part afin de permettre aux entreprises allemandes et africaines de faire du business ensemble. Dans notre ADN, le Mittelstand veut rassembler des PME qui ont dans leur vision de contribuer à élever les conditions de vies sociales des travailleurs. Avec les entreprises africaines, nous portons aussi une vision résolument volontariste sur le sujet. Nous insistons beaucoup sur l’impact social et le lien de confiance entre les entreprises et les consommateurs issus des deux rives de la Méditerranée.
Alexandre Monclin : Pourquoi la BVMW s’intéresse-t-elle à l’Afrique et comment vous est venue l’idée de créer l’alliance du Mittelstand pour l´Afrique ?
Mario Ohoven : J´ai toujours été un fan de l’Afrique, par exemple si je prends la Chine j´ai besoin de 12 heures pour y aller, en avion, si je veux aller en Afrique de l´ouest j´en ai besoin de six. Et donc en Afrique d´ici 30 années la population va doubler. La mentalité des Africains plaît aux Allemands. L’Afrique a une population intelligente, les jeunes sont très instruits et ils sont très positifs. Je pense donc que nous devrions réorienter notre politique de développement.
Alexandre Monclin : Le Mittelstand croit beaucoup aux potentialités du continent. Pourtant les entreprises européennes semblent frileuses à l’idée d’investir sur le continent. Pourquoi ce décalage persiste-t-il ?
Mario Ohoven : L’Afrique est malheureusement sous-estimée. Par exemple quand je compare l’Afrique à l´Inde : ils ont tous les deux environ 1,3 Milliards d´habitants. Le PIB par habitant en Afrique est de 1849 USD et en inde c´est 1979 USD (chiffre année 2017). L´Allemagne exporte en Afrique 22,6 Milliards d´euros et en Inde 12,5 Milliards. Et on importe de l’Afrique 22,5 Milliards et de l´inde 8,9 Milliards. Vous voyez, tout le monde parle de l´Inde, mais quand je compare les chiffres, l’Afrique est beaucoup plus intéressante pour nous. Quand je regarde la croissance de l´économie, on a sur le continent africain une croissance qui a atteint 3,5% en 2018. Certains pays enregistrent une croissance de 7, 8 ou 9%, donc pour nous c´est très intéressant.
C´est vrai que les chinois étaient bien plus tôt en Afrique que nous. Je les aime bien mais il faut dire que les produits « made in Germany », ce sont des produits de qualité et c´est pour cela que nous pensons que les produits allemands peuvent concurrencer les produits chinois qui sont déjà en Afrique.
Quels sont les obstacles ou défis auxquels vous devez faire face ?
Mario Ohoven : Les Africains pensent toujours qu´en achetant des produits chinois ils font des économies mais c´est au bout de 5 années par exemple, si on prend le cas des infrastructures, qu´ils se rendent compte qu´ils ont acheté des choses beaucoup plus chers. Après 5 années, ils sont obligés de recommencer le travail. Ensuite les Chinois ne créent pas de valeur ajoutée, ils amènent leur propre personnel en Afrique. Mais souvent la population locale ne profite pas non plus des possibilités d’emploi. De notre côté, nous préférons investir sur le continent afin que les Africains puissent investir eux-mêmes dans leurs pays respectifs. Nous sommes partie prenante pour des solutions de co-émergence avec les Africains d’autant qu’ils ont des capacités entrepreneuriales et d’innovations très importantes.