Le Directeur Régional Afrique de l’Ouest et du Nord à GuarantCo, Jules Samain, parle du déploiement dans la sous-région, des instruments de Guarantco, qui est une institution garantie qui permet de mobiliser les financements en monnaies locales destinés aux projets d’infrastructure à travers les banques locales, les fonds de pension et les compagnies d’assurances. GuarantCo contribue également au développement des marchés financiers dans la sous-région. Pour ce faire, une cinquantaine d’employés des banques et d’institutions financières locales ont pris part à un atelier de renforcement des capacités organisé par cette structure à Abidjan les 17, 18, et 19 février 2020.
Qu’est ce qui vous a inspiré à organiser cet ateliers de renforcement des capacités ?
L’une des motivations majeures de GuarantCo se trouve dans la philosophie de l’Institution qui est d’améliorer les capacités. Il faut noter que GuarantCo qui a été mis en place pour soutenir les projets d’infrastructure dans les pays à faible revenu a pour principale mission d’aider l’amélioration des conditions de vie des citoyens en leur donnant un accès facile aux infrastructures et il est important de s’assurer que les prêteurs locaux ainsi que les fonds de pension et assurances, peuvent véritablement contribuer à réduire le gap en infrastructure qu’on retrouve sur le continent. Il a fallu donc mettre en place des outils qui peuvent permettre à ces institutions de s’engager sur le chemin du financement des infrastructures, ayant en esprit ce qu’il faut pour leur permettre de prendre ce type de risques, d’où le séminaire organisé cette semaine à Abidjan et financé entièrement par le Technical Assistant Facility qui est une entité du Private Infrastructure Development Group communément appelé PIDG auquel GuarantCo appartient.
Une autre motivation vient de mon expérience en tant que banquier d’affaire qui exerce depuis plus de 19 ans sur le continent et j’ai, tout au long de mon parcours, compris les besoins de marché. L’un de ces plus gros besoins, la formation, trouve la réponse avec ce séminaire qui est d’ailleurs le second après celui organisé sur le même thème à Douala en Juin 2019 avec la participation d’une cinquantaine de banquiers de la sous-région.
En discutant avec les participants au séminaire, nous avons bien compris que nous ne nous sommes pas trompés et que le marché avait bien besoin de ce type d’action pouvant contribuer à augmenter la participation des institutions financières locales au financement des infrastructures, élément majeur de développement de nos économies et de réduction de la pauvreté dans nos Etats.
Qu’est ce qui fait la particularité, selon vous, pour la réussite des solutions de crédit de Guarantco, dans le financement des projets d’infrastructure et l’amélioration du bien-être des populations en Afrique ?
Il faut dire que GuarantCo est une Institution unique pour plusieurs raisons : premièrement, de par le type d’instrument que GuarantCo offre pour l’atténuation des risques pour les prêteurs, la qualité de sa signature qui se matérialise par le type de support que l’Institution reçoit de ses donneurs (le Royaume Uni, la Suisse, la Suède, la Hollande et l’Australie), Ses différents ratings (AA- de Fitch, A1 de Moody’s, AAA de Bloomfield et AAA de Parca), la flexibilité de GuarantCo dans la structuration des instruments d’atténuation de risque, ce qui fait de l’institution un pourvoyeur de solutions, fort de sa capacité à innover avec de nouveaux produits adaptés à chaque marché et à chaque besoin. Le type de garantie qui, est une garantie à première demande et inconditionnelle, et la devise de la garantie, qui est principalement la monnaie locale, évite aux projets de s’exposer au risque de change.
GuarantCo se distingue également par le support apporté aux opérations d’emprunt obligataires sur les marchés financiers africains et dont le but est de mettre à la disposition des Fonds de pensions, Assurances et Banques, des actifs sécurisés leur permettant de diversifier avec sécurité leur portefeuille de placement. Ces opérations permettent aussi de créer un marché pour des opérations qui n’existent pas et qui contribuent énormément à l’attractivité des marchés financier locaux. On a vu l’impact du premier emprunt obligataire d’une durée de 10 ans qui a été un succès en zone CEMAC avec une couverture à 100% de GuarantCo, ce qui a permis de montrer que les opérations de ce type peuvent se faire et que le marché peut avoir des instruments nouveaux en dehors des emprunts souverains. On peut également citer notre récente opération au Kenya qui est une émission obligataire en monnaie locale cotée sur la bourse de Nairobi et de Londres dont l’objet était de lever des financements pour financer le logement des Etudiants par Acorn, une entreprise spécialisée dans le domaine des logements sociaux.
Il faut également noter l’impact sur la vie des citoyens. Depuis 2004, GuarantCo a émis des garanties dans environs 17 pays pour un cumul de 50 projets. On note que la mise en route de ces projets a permis de créer 235 000 nouveaux emplois pour environ 6 milliards de dollars de financements levés.
Quel défi pensez-vous avoir pu surmonter ?
Le premier défi que GuarantCo relève au quotidien est l’amélioration des conditions de vie des citoyens par sa participation active au financement des Infrastructures dans les pays africains. Comme indiqué précédemment, d’autres défis ont pu être relevés: notamment, ceux liés à l’accès aux financements en monnaies locales pour les projets d’infrastructures, l’innovation dans le type de garantie proposé et comme exemple, nous avons pu aider la société Kekeli Power (Filiale du Groupe Eranove) à lever un financement de 14 ans sur le marché local au Togo pour le financement d’une centrale de production d’électricité avec du Gaz à travers l’octroi d’une garantie de liquidité.
Il y a quelques années, une durée pareille n’était pas possible mais GuarantCo a pu créer un précèdent qui, à notre sens, va permettre de faire bouger les lignes et favoriser la disponibilité d’un volume important de financement en monnaie locale. Nous avons pu, à travers les différentes formations d’amélioration des capacités organisés à Douala et à Abidjan, créer un intérêt particulier pour le financement des projets d’infrastructure.
Au Nigeria, nous avons, en partenariat avec le fonds de pension public communément appelé NSIA, créer un mini GuarantCo focalisé uniquement sur ce pays et, aujourd’hui, cette entité fait parler d’elle avec les différentes opérations d’emprunt obligataire qu’elle a soutenu depuis le démarrage de ses activités. On peut citer d’autres exemples comme le lancement du premier emprunt (project bond) à Nairobi avec Acorn qui a connu un succès retentissant.
Quel impact Guarantco a-t-il créé pour les banques d’entreprises locales et les investisseurs institutionnels ?
Depuis le démarrage des activités de GuarantCo, nous avons permis aux banques commerciales de participer à des opérations de financement de projets d’infrastructures, ce qui n’était pas le cas: en soutenant les opérations d’emprunt obligataire de GSEZ au Gabon et Acorn au Kenya, nous avons pu attirer pour la première fois les fonds de pensions, les assurances et les banques à investir sur des actifs autres que les actifs classiques. Au Togo, nonobstant la rareté de la liquidité à long terme, nous avons pu, avec la garantie, faciliter un prêt de 14 ans dans un marché qui, règlementairement, ne pouvait offrir que 7 ans.
Etes-vous d’avis avec ceux qui soutiennent que les pays qui se tournent vers les marchés financiers au détriment des institutions de Bretton Woods n’ont pas de discipline budgétaire ?
Je vois le problème différemment. Nous n’avons pas de marché financier développé. Si c’était le cas, on aurait moins recours aux institutions de Bretton Woods qu’au marché financier local. Quand on regarde le volume des infrastructures dont a besoin les pays en Afrique et vu le niveau de financement qui est fait- la Banque africaine de développement estime les besoins à 90 milliards de dollars avec un accès de financement à hauteur des 50% à ce montant global- je pense qu’il faut encore lever le reste des 50%.
Quand nous regardons la liquidité de la zone, nous ne croyons pas que ces 50% puissent être levés directement dans la région. En faisant des opérations pour pouvoir faire venir des fonds de pensions, des compagnies d’assurance, qui sont les détenteurs de la liquidité à long terme, on peut pouvoir créer de la liquidité sur le marché. Ce, de manière à ce que nous puissions progressivement ou dans un futur à long terme, créer un marché pour avoir des liquidités et s’autofinancer sur le marché local et en monnaie locale. Il est clair que les financements des Institutions de Bretton Woods auront toujours leur place et c’est une combinaison de ces différents types de financement qui permettront à l’Afrique de réduire le gap de financement pour les infrastructures. Toutefois, il serait mieux que tous les acteurs se mettent ensemble pour trouver les solutions permettant de promouvoir les financements en monnaies locales quand on sait que ces financements constituent le hedging naturel des risques de change.
Propos recueillis par issouf kamagate