Quand j’étais à la faculté en économie et finance, la journée du 8 mars
était le contexte idéalement ironique pour recevoir des blagues sexistes.
Comme si on avait besoin d’une journée. Une journée pour ?
Mon expérience personnelle en finance dans un monde principalement masculin est une réelle prise de conscience. Fille de banquiers, grandissant dans le monde de la gestion privée internationale, la finance est dans mes gênes, mes études ont été une suite logique : Master II en Ingénierie financière, carrière bancaire internationale, membre d’associations financières. Banquière, puis Wealth Planner faisant ce métier depuis 16 ans, sans jamais remettre en question mon genre féminin, ou ma place en tant que Femme. Décomplexée et évoluant loin des questions de «gender». Et pourtant, ont-elles toute cette chance ?Dans la réalité, sommes-nous toutes égales ? Faut-il rappeler que les femmes sont sous-payées ? « Quel que soit l’emploi ou le secteur d’activité, les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes; dans la plupart des pays, les femmes occupant un emploi à plein temps gagnent entre 70 % et 90 % de ce que gagnent les hommes. Sur le long terme, cet écart tend à se réduire dans de nombreux pays développés, mais ces dernières années l’évolution est incertaine » (WORLDS WOMEN STUDY-ONU).
Rappeler qu’il existe bel et bien un plafond de verre ?
«Dans les postes de pouvoir et de prise de décisions, les inégalités entre les femmes et les hommes restent criantes. Dans la majorité des pays, les femmes n’occupent qu’une petite minorité des postes à responsabilité dans les institutions publiques et privées. Des progrès ont incontestablement été accomplis depuis 20 ans dans toutes les régions et dans la plupart des pays, mais ils restent lents. » (WORLDS WOMEN STUDY-ONU).
Les chiffres et des clichés…
Un constat alarmant : dans le secteur bancaire, le nombre des femmes en postes est supérieur aux hommes sauf à des postes à responsabilités ; le secteur bancaire est largement féminisé : les femmes y représentent 57.1% des effectifs et 46% des cadres sont des femmes (données Association françaises des banques du 31.12.2014, donnant suite à un “accord sur l’égalité professionnelle, à la mixité, à la parité entre les femmes et les hommes dans la banque” du 17 mars 2017). Selon une autre étude, les femmes représentent moins de 2 % des PDG d’institutions bancaires et moins de 20 % des membres des conseils d’administration. La part des femmes siégeant au conseil des instances de contrôle bancaire est également faible : à peine 17 % en moyenne en 2015 (IMF 2018).
Quel serait l’avantage positif de positionner une femme à un poste à responsabilité?
Pourtant des études montrent que les entreprises embauchant des femmes directrices, permettent de développer au sein de l’entreprise une capacité d’innovation supérieure (“Women directors contribution to organizational innovation: A behavioral approach” by Mariateresa Torchia, Andrea Calabrò, Patricia Gabaldon, Sadi Bogac Kanadli, Scandinavian Journal of Management). La complexité du «plafond de verre» vient d’un état d’esprit, de certaines phrases qui en disent encore long. Par exemple récemment de la part d’un assureur luxembourgeois: «je n’embauche pas de femmes car elles tombent enceinte», accompagné de «vous imaginez maintenant je suis obligé à Luxembourg de trouver la moitié d’administrateurs femmes ?» (propos recueillis en janvier 2020), d’un directeur de banque mauricienne. Ou encore, «le féminisme est inutile, les femmes doivent rester à la maison et s’occuper des enfants» (propos recueillis à l’Ile Maurice en octobre 2019 auprès d’un directeur de banque), ou sur le “droit de cuissage ?” que subissent certaines femmes en Afrique (Cameroun 2019).
Entre une femme carriériste sacrifiant sa vie de famille et la femme au foyer, existe-t-il un juste-milieu ? Faut-il vraiment choisir ? Ne pouvons-nous pas être multi-casquettes? Doit-on vraiment poser une étiquette sur un genre féminin et masculin ?
Vers un nouveau féminisme ?
Après des années de combats féministes, nécessaires, vers un apaisement et un nouveau féminisme ? Ouvrons notre esprit sur un nouveau féminisme bienveillant, sans oppositions, un nouveau concept «Un Féminisme Féminin». Féminin par nos valeurs de femmes et de mères. Pour reprendre Amma Mata Amritanandamayi, une figure spirituelle de l’Inde et la fondatrice de l’ONG «Embracing The World»: “le futur de cette planète dépend des femmes”. L’éducation permet un bond en avant mais cela ne suffirait pas selon Amma. Les femmes doivent s’éveiller à la spiritualité. Dans certains pays, les coutumes limitatives et dégradantes continuent à agir sur les femmes. Les qualités innées des femmes peuvent aider à opérer ce changement profond: la bienveillance, l’amour, la compassion. Les limitations sont ancrées dans nos esprits et nos croyances, sans être réelles. Ces valeurs sont applicables en entreprises et en finance. Un manager devrait avoir les qualités d’écoute, de bienveillance et de diplomatie pour motiver et orienter ses troupes.
Comment imposer cette égalité dans le monde professionnel ?
Objectif numéro 5 de l’ONU : Egalité entre les sexes Selon le rapport de l’ONU sur «sustainable development and gender equality» dans le monde: •Les fonctions politiques restent marginalisées : seules 23,7% sont des femmes;
• À l’échelle mondiale, les femmes ne représentent que 13% des propriétaires de terres agricoles.
• En Afrique du Nord les femmes représentent moins de 20% de l’emploi salarié non agricoles (…) contre 41% dans le reste du monde;
• Dans 46 pays, les femmes occupent aujourd’hui plus de 30 % des sièges dans au moins une chambre du Parlement national. L’ONU ne s’est pas arrêté à ce constat et a permis le développement de principes pour l’investissement responsable, dit ESG en 2006. Le site spécialisé dans les questions de développement durable, Novethic résume: Il s’agit d’un engagement volontaire qui s’adresse au secteur financier et incite les investisseurs à intégrer les problématiques Environnementale, Sociale et de Gouvernance (ESG) dans la gestion de leurs portefeuilles, mais au sens large.
Une nouvelle conception holistique du féminisme ?
Revenons sur la définition holistique: Conception qui relève de l’holisme, qui s’intéresse à son objet comme constituant d’un tout. Les femmes et les hommes devaient avoir conscience de leur complémentarité, que l’aspect féminin et masculin est en nous, homme et femme, que nous sommes complémentaires, et certainement pas en opposition. Les femmes ont ce défaut d’être limitatives et « risquophobes », la complémentarité à l’énergie masculine est un atout et inversement les hommes ont besoin de l’énergie féminine de leur créativité, sérénité, échange et diplomatie. Si un défaut peut être autant féminin que masculin est notre capacité à ne pas nous coordonner. Hors l’individualité ne nous portera que défaut. Convaincue d’une nouvelle conception d’un holisme féminin en Finance, la suite ne sera plus limitative, mais créative de projets engagés et universels.
Patricia Cressot, Spécial 8 mars 2020 à retrouver dans mensuel Financial Afrik mars 2020.