Par Mohamed KADERGUELI, Président Sahel Investment Partners.
Conseil en Investissement Financier, Administrateur Indépendant.
La question de la succession à la tête de l’entreprise a longtemps été et elle le reste encore aujourd’hui un tabou en Afrique en général et dans l’espace Ohada en particuliers. Si les outils juridiques permettent de créer une entreprise avec une durée de vie de 99 ans renouvelables, très peu atteignent leur dixième anniversaire. Pour une petite partie d’entre elles, elles voient le jour, grandissent et disparaissent; tandis que la majorité des entreprises disparait avant même de grandir.
L’une des principales causes de ce phénomène vient de la confusion entre l’entreprise et les personnes qui la composent, notamment le ou les fondateurs, principaux animateurs des activités de la société. Lorsque vient le temps de désigner un successeur, il est fréquent que cela soit vécu comme un drame. Le plus souvent, lorsque l’entreprise ne compose pas avec une politique de bonne gouvernance solide, elle disparait avec son fondateur qui n’a pas mis en place une politique claire pour préparer sa succession. Or, le cauchemar de beaucoup d’entrepreneurs est de voir son projet, son œuvre, sa vision à laquelle il a souvent consacré toute son énergie et ses plus belles années, disparaitre un jour.
La succession, un tabou en Afrique
Il convient pour tout entrepreneur qui souhaite avoir une entreprise viable qui lui survive, de mettre en place au sein de son organisation une politique de bonne gouvernance et de traiter la question de sa succession sans complaisance. L’entrepreneur doit constamment partager sa vision et faire en sorte que ses collaborateurs et partenaires se l’approprient. Qui va prendre la place du patron? A-t-il pensé à sa succession? Qui pourrait lui en parler? Autant de questions qui restent un tabou en Afrique.
L’idée d’un successeur éveille un sentiment de drame et certains n’hésitent pas à mettre en garde quiconque oserait effleurer la question. Il convient alors de trouver les moyens pour que l’idée vienne de l’entrepreneur lui-même sans qu’il ne se sente bousculé. Si l’une des qualités d’un entrepreneur est sa capacité à gérer les difficultés rencontrées tout au long de la vie de l’entreprise, prévenir et savoir anticiper sur les questions nouvelles qui pourraient être un obstacle aux activés de l’entreprise ou sa pérennité en est la première. Cette notion est d’autant plus importante en matière de succession qu’il est certain que le fondateur est inexorablement contraint de quitter l’entreprise un jour. Dans certaines entreprises africaines, après le décès du « père fondateur » et patron, il n’est pas rare de voir les ayants droits devant les tribunaux dans des procès interminables sur des questions successorales. Chacun estime mériter la plus grande part et accorde peu d’importance à la continuité de l’affaire, dont la dissolution ne saurait tarder. Un programme de succession déroulé par étape permet d’estomper ce phénomène.
La succession du dirigeant dans une entreprise familiale
La préparation de la succession du dirigeant d’une entreprise familiale est l’une des missions clés de son conseil d’administration, car peu de décisions sont aussi importantes pour sa réussite et sa pérennité. Certaines entreprises familiales ont mené des processus de succession exemplaires et d’autres moins. L’objectif de cet article est de décrire les approches les plus courantes en la matière et d’en analyser les meilleures pratiques. Les sociétés familiales conduisent les successions avec une grande diversité d’approches, qui s’explique par la taille, l’histoire et la complexité de la famille, l’implication du conseil de famille, le contenu éventuel de la charte familiale, le profil des héritiers potentiels et enfin l’aptitude du conseil d’administration à mener un tel processus.
La succession du dirigeant — la mission clé du Conseil d’Administration
Nommer un nouveau dirigeant est rarement une tâche facile. Elle peut être traumatisante et éprouvante si un solide processus de succession et une préparation attentive ne sont pas mis en œuvre. C’est généralement au président qu’incombe la responsabilité de trouver un consensus entre les membres de la famille pour parvenir à une solution satisfaisante.
Les décisions doivent être partagées et acceptées pour éviter que les membres du conseil d’administration ou du conseil de famille ne se blâment mutuellement en cas de résultats décevants. Trouver le dirigeant d’une entreprise familiale implique la recherche de qualités qui sont souvent spécifiques à ce type de société et qui vont au-delà des compétences habituelles. Il devra savoir gérer, outre les contraintes de l’activité et celles du marché, les attentes des membres de la famille, qu’ils fassent partie de l’équipe de direction, du conseil d’administration ou qu’ils soient simplement actionnaires non impliqués dans la vie de l’entreprise
Même si les candidats les plus légitimes à priori sont ceux de la famille, l’éventualité ou la possibilité que le plus adéquat n’en soit pas membre, doit être ouvertement envisagée. La nomination d’un dirigeant extérieur à la famille s’avère parfois plus probable lorsque la société est déjà passée dans les mains de générations successives, à moins que n’aient été formé certains de ses membres à diriger un groupe familial. Dans le cas d’un dirigeant externe à la famille, celui ci doit montrer sa capacité à assimiler sa dynamique et sa culture. Souvent, l’échec d’un recrutement externe dans une entreprise familiale tient moins à une insuffisance de compétence qu’à une incapacité à gérer les attentes et les aspirations de la famille et à en comprendre l’ADN.
Succession du dirigeant traitée comme un processus continu
Plus la succession est anticipée, plus nombreuses seront les options le moment venu. Sur la base de la stratégie de la société peut être défini le profil du prochain dirigeant permettant d’identifier les successeurs potentiels (le Pivot). La préparation de la succession du dirigeant peut être l’occasion d’un débat stratégique opportun. Certaines sociétés ne traitent de la succession du dirigeant que lorsque la question arrive à l’ordre du jour. D’autres, au contraire, anticipent en mettant en place un processus structuré afin de ne pas être pressés par le temps et n’avoir que trop peu d’options ou risquer de perdre des cadres prometteurs. Les conseils d’administration les plus prévoyants voient l’organisation de la succession du dirigeant comme un processus continu. Elle figure régulièrement à leur agenda dans le cadre de leur politique de développement du management. Il doit discuter formellement deux fois par an des options de succession du dirigeant et des membres du comité exécutif. Dès qu’un nouveau dirigeant est désigné, il faut penser à son successeur.
Les six règles d’or pour organiser la succession du dirigeant d’une entreprise familiale
1. Avoir un alignement étroit et un dialogue ouvert tout au long du processus entre la famille, le conseil d’administration et la direction générale.
2. La situation de chaque entreprise familiale étant unique, le modèle de transmission de pouvoir doit y être adapté.
3. La succession du dirigeant ne peut pas être traitée hors du contexte de la succession du président, s’il y dissociation.
4. La gouvernance doit assurer une séparation claire des rôles entre le conseil de famille, le conseil d’administration et la direction générale.
5. La charte familiale doit prévoir la marche et les règles à suivre pour l’organisation de la succession. Elle doit traiter également du développement des membres de la prochaine génération dans le cadre de la préparation des successions à long terme.
6. La dissociation des fonctions de Président et de Directeur Général facilite la conduite du processus de succession.
Quelques conseils efficaces pour la succession du dirigeant d’une entreprise familiale
L’efficacité de la gouvernance et de ses processus de décision sont des facteurs clés dans le succès de la conduite de la succession dans les entreprises familiales. Nos recherches sur celles qui ont été les plus réussies, ont mis en lumière plusieurs facteurs de succès:
• Adopter un modèle de gouvernance transparent avec une séparation claire des rôles entre le conseil d’administration, le conseil de famille, et le dirigeant et une charte familiale exposant la marche et les règles à suivre pour l’organisation de la succession du dirigeant.
• Initier le processus de succession à l’avance, de préférence dès qu’un nouveau dirigeant est nommé.
• Faire piloter le processus par le président du conseil et le comité des nominations.
• Préparer à la fois la succession du Président et celle du directeur général si les fonctions sont séparées.
• Intégrer des administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration apportant une vision extérieure et neutre, de l’objectivité aux délibérations du conseil d’administration, et un contrepoids nécessaire lorsque le dirigeant est un membre de la famille. Certaines familles peuvent préférer utiliser des conseils indépendants externes pour les challenger et soulever les questions difficiles, plutôt que d’utiliser leur conseil d’administration.
• Evaluer rigoureusement des candidats potentiels, notamment l’adéquation de l’expérience, les résultats antérieurs atteints, le potentiel, les besoins en développement et l’adéquation culturelle. Cette évaluation étant conduite par des experts extérieurs reconnus pour le sérieux de leur méthodologie.
• Établir à l’avance si l’option d’un candidat externe est envisageable.
• Benchmarquer les candidats internes avec des options externes.
• Revoir régulièrement en comité des nominations, avec le Président et le directeur général, les plans de succession en termes d’identification, d’évaluation et de développement de la prochaine génération de candidats (familiaux et non familiaux).
• Exposer les successeurs potentiels à des fonctions étendues, exercées dans des cadres variés complétés par des formations adéquates.
• Nommer au conseil d’administration le candidat interne pressenti pour assurer sa formation.
• Dans la phase active de préparation de la succession (1 à 2 ans avant), faire rentrer au conseil d’administration le candidat présélectionné.
• Définir Clairement le mandat du dirigeant afin de s’assurer de façon périodique que ses compétences sont toujours en phase avec la nature changeante de l’activité et des challenges et d’adresser un message clair aux talents émergents au sein de la société, que leur potentiel d’évolution n’est pas bloqué.
Un commentaire
Bonjour Me
je suis un doctorant ,dont mon objet d’étude est la transmission des entreprises familiales en Cote d’Ivoire. Par consequent , j’aimerais avoir aupres de vous des données sur:
La loi concernant les succession en Cote d’Ivoire