Par Dr. Abdourahmane Sarr*.
Nous disions il y a trois jours que «la résilience systémique ne peut être que le résultat de réactions diverses et appropriées à nos échelles individuelles et collectives contre des chocs et selon nos circonstances. Il faut donc suivre les recommandations des experts dans tous les domaines et être en alerte sur ce qui se fait bien ailleurs pour éviter de verser dans l’amateurisme.
Au-delà des mesures de prévention et de contrôle de la propagation de la maladie, nous disions que l’état devait préparer une riposte contracyclique pour suppléer au ralentissement attendu du secteur privé dans les limites de nos équilibres à gérer. Ceci, par la mobilisation d’une partie des ressources financières que le secteur financier national allait allouer au privé, et financer un déficit budgétaire plus élevé que prévu, accélérer le remboursement des arriérés de l’état, accorder des crédits d’impôts aux secteurs les plus affectés et observables par leurs déclarations d’impôts, et compenser nos manques à gagner et besoins en devises au FMI.
Au sortir de cette crise, nous disions qu’il nous faudra évaluer nos capacités de résilience systémique dans tous les domaines vitaux de notre pays. Il nous faudra notamment réexaminer nos options économiques qui, comme nous l’avons argumenté ailleurs, ne vont pas dans le sens de la résilience systémique parce découlant de choix de l’état ou de partenaires étrangers plutôt que de la diversité des PMEs du secteur informel et de pôles régionaux à autonomiser. Dans l’intérim, il est important de savoir qu’un problème systémique n’est pas un problème sectoriel ou multisectoriel aux éléments constituants identifiables car variables. De ce fait, on ne peut pas faire l’inventaire exhaustif des éléments constitutifs d’un problème systémique d’ordre macroéconomique. C’est dans la diversité des réactions appropriées qu’un système résilient revient plus rapidement à son état antérieur. Dès lors, la réponse systémique doit être immédiate et d’abord macroéconomique.
Dans le cas du Sénégal, et des pays de l’UEMOA, cette réponse ne peut être que budgétaire. La banque centrale ne doit pas être sollicitée ni par les états, ni par les banques, sans recadrage budgétaire car tout soutient des banques ou de la banque centrale sera in fine budgétaire dans notre cadre monétaire actuel. Des crédits non performants refinancés par la banque centrale pour permettre aux banques de financer des pertes d’entreprises affectées ne peut se faire qu’avec la garantie de l’état, ce qui nous ramène à un double problème budgétaire (celui du bilan de la banque centrale et de celui des banques).
Cette liquidité, la banque centrale ne peut pas non plus la soutenir sans les réserves de change correspondantes que seuls les états peuvent aller chercher pour ne pas hypothéquer la reprise après la crise. Tout ceci devrait nous suffire comme preuve qu’il y a urgence à adopter la monnaie ECO UEMOA en 2020, à la flexibiliser, et à donner à la BCEAO une autonomie d’objectif sur le taux de change. Il faut donc par l’endettement de l’état immédiatement mobiliser les ressources qui nous sont disponibles au Fonds Monétaire International en la circonstance, et qui peuvent aller à plus de 150 milliards, en ce qui nous concerne, et qui n’ajouteront qu’environ 1 pourcent du PIB à notre dette.
Ces montants en réserves de change permettront par ailleurs à la banque centrale de soutenir un volume supplémentaire de titres d’états en FCFA et atténuer l’impact sur la demande globale, notamment du secteur des services. La mise en œuvre d’un nouveau cadre budgétaire doit être immédiate en ne réduisant pas notamment les crédits budgétaires en cours d’exécution jusqu’à plus de visibilité. L’utilisation appropriée de cette liquidité découlant d’un déficit budgétaire plus élevé que prévu par les citoyens assurera la bonne distribution sans que la bureaucratie d’état et le lobbying n’en déterminent la destination. Cette option devrait être celle des libéraux. Dans un contexte où l’état et la BCEAO cherchent à accélérer l’inclusion financière des populations, l’état a là une autre opportunité. L’allocation d’un montant forfaire (25 000 CFA) à 3 millions de sénégalais, à travers des comptes de monnaie électronique (orange money, freecash etc…) à souscrire par les récipiendaires, représenterait 75 milliards des montants mobilisables au FMI. Ceci devrait se faire avec des incitatifs d’utilisation des montants alloués sous forme électronique au niveau des opérateurs.
Pour la mise en œuvre, Il suffirait d’allouer des titres à ces sociétés qui ne les liquéfieront qu’au besoin dans les banques et à travers elles à la BCEAO qui détiendrait la contrepartie en devises mobilisées par les états. Cette politique de transferts de cash est actuellement mise en œuvre par plusieurs pays pour soutenir la demande globale sans ciblage particulier. Cette option est également plus libérale et plus juste envers les populations qui toutes contribuent à la soutenabilité de notre dette, pas seulement les entreprises. La diversité des réactions des entreprises et des individualités et leur capacité d’adaptation à la crise au fur et à mesure qu’elle se déroule n’est pas à sous-estimer. Il faut donc éviter de trop centraliser la réaction gouvernementale, pour soutenir la résilience de notre système économique. Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr,Président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp