Jean-Tahi Kato.
Parmi les potentiels candidats en vue pour les futures présidentielles ivoiriennes, le patron du l’Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), l’héritier légitime du Général Robert Gueï, le Ministre Albert Mabri Toikeusse, était le tout premier homme politique à annoncer sa candidature en 2020, lors d’un Congrès de son Parti, bien avant même que Alassane Ouattara n’entame son deuxième mandat. C’est bien la raison pour laquelle il a toujours refusé de voir son parti absorbé par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) dont il est pourtant le deuxième vice-président. C’est aussi pour cette même raison qu’il est moins bavard au sommet du parti présidentiel, lui qui est d’habitude prolixe et prompt à défendre, au vu et au su de tous, la cause à laquelle il tient.
En attente des candidats de l’opposition
En vérité, le jeu d’équilibriste auquel se livre en ce moment le Ministre ivoirien de l’enseignement supérieur en siégeant dans un gouvernement RHDP et en réclamant un dialogue direct avec Alassane Ouattara et son dauphin Amadou Gon Coulibaly, futur candidat du RHDP, a une seule explication : il tient à s’offrir une place de choix dans la chaîne du pouvoir au sein du RHDP. En clair, il s’adonne à cette surenchère, non pas pour se voir confier une plus grande responsabilité, mais plutôt pour gagner du temps et pour avoir plus de visibilité sur l’échiquier politique ivoirien. Celui lui permet d’identifier tous les candidats, notamment ceux de l’opposition et surtout du PDCI. Car, l’ambition du Dr Mabri Toikeusse qui connaît lui-même son poids réel sur le marché politique national qui se limite au restreint espace ethno-tribal yacouba du Gueïland dans l’ouest ivoirien montagneux, sait bien qu’il ne peut pas être président en Côte d’Ivoire du jour au lendemain. Par contre, il est obsédé et convaincu d’avoir toujours un portefeuille ministériel dans tous les gouvernements. Comme cela a été le cas depuis les Accords de Marcoussis sous Laurent Gbagbo et depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara avec le pouvoir RHDP où il a pu avoir le bénéfice d’un ministère d’Etat. Au stade où il est arrivé, Albert Toikeusse Mabri veut, quel que soit le vainqueur des prochaines présidentielles ivoiriennes, présider une institution de la république ou tout au moins garder «son» portefeuille ministériel, le dividende à minima de l’UDPCI depuis deux décennies. En un mot, il veut être un des futurs faiseurs de roi. C’est-à-dire celui qui va s’allier au candidat qui sera bien placé à l’issue du premier tour.
Faire monter ses dividendes politiques
Il sait que s’il se fond d’emblée dans l’équipe de l’actuel premier ministre, candidat déclaré du RHDP, sans être candidat, il n’aura pas le même poids que s’il est le candidat de l’UDPCI et qu’il appelle par exemple à soutenir Amadou Gou Coulibaly au second tour. Un candidat d’un parti, petit soit-il, qui choisit son camp parmi les deux poids lourds du second tour, n’a pas les mêmes récompenses qu’une personnalité qui bat campagne pour un candidat. Mabri Toikeusse est dans la logique où on pèse et non dans celle où on soutient. C’est dans cette première logique que ses dividendes d’homme politique sont susceptibles de monter en puissance.
Alors, il attend de connaître le ou les candidats de l’opposition. En réalité, il n’est pas dans l’hésitation contrairement à ce qu’on croit. Ce qui est sûr, c’est qu’il sera vraisemblablement candidat, même si cela doit lui coûter l’aliénation d’une bonne partie des cadres frondeurs de l’UDPCI dirigés par son lieutenant Albert Flindé qui milite activement pour le candidat du RHDP et qui n’hésite plus à l’affronter ; soit directement, soit par clubs de soutien interposés.
Deux lignes de front intérieur à affronter
A six mois des présidentielles, le poste ministériel n’est plus pour lui un avantage comparatif déterminant. Il ne craint plus d’être limogé par Alassane Ouattara. Peut-être qu’il redoute le mode opératoire d’un régime qui règle ses comptes par des voies extra démocratiques. De ce point de vue, nul ne sait ce que le régime est capable de lui réserver pour le «punir». Mais après le cas Guillaume Soro et la démission surprise du fidèle ministre Marcel Amon-Tanoh, il serait trop risqué pour Alassane Ouattara et le pouvoir d’Abidjan de créer un nouveau scandale dans ses rangs.
Depuis son retour au gouvernement après avoir fait la paix avec le président Alassane Ouattara, il a assez profité du gouvernement et bâti son modeste trésor de guerre. Il ne lui reste plus qu’à aller au front pour combattre. La première ligne de ce combat se trouve à l’intérieur même de son propre camp. Et commence à l’UDPCI qu’il a quitté sans le dissoudre, par simple stratégie, pour s’étendre au RHDP, le nouveau parti présidentiel qu’il a rallié, sans y déposer tous ses bagages, à dessein.