« Le Coup d’Etat a sapé notre stratégie de riposte contre le COVID-19 »
La pandémie mondiale liée au nouveau coronavirus, COVID-19, intervient alors que la Guinée Bissau est au centre d’un contentieux post-électoral entrainant de graves implications sur l’économie, le social et surtout la santé. Le candidat du MADEM, Umaro Sissoco Embaló, déclaré vainqueur par la Commission Nationale électorale, avec 53% des voix, mais en attente de confirmation par la Cour Suprême, s’est autoproclamé président avec l’appui de l’armée, qui a fait allégeance. Son adversaire au deuxième tour, Domingos Simões Pereira, qui a fait recours des résultats publiés par la CNE, auprès de la Cour Suprême, continue d’exiger le recomptage des voix. Dans ce climat confus de bras de fer pour le pouvoir, le plan de riposte contre le COVID-19 accuse plusieurs semaines de retard, comme le précise Dr Magda Nely Robalo, ministre de la Santé Publique du Gouvernement sorti des élections législatives de mars 2019, et limogé par le président autoproclamé. Entretien.
Où en est la Guinée Bissau dans sa stratégie par rapport au coronavirus ?
Malheureusement, nous avons une réponse qui peine à se mettre en place. Nous avons eu hier (mardi 24 mars 2020) deux cas positifs de coronavirus, deux personnes qui ont été confinées dans leurs maisons et non dans une structure sanitaire. Pour cause, nous n’avons pas encore finalisé les travaux de rénovation du pavillon dédié qui était en cours d’aménagement à l’hôpital Simão Mendes. C’est malheureux que nous ayons des premiers cas confirmés qui ne puissent pas être isolés et traités à l’hôpital. Les médecins se plaignent de ne pas avoir de matériel de protection pour faire face à ces cas confirmés ou à des cas suspects qui peuvent se présenter dans les structures.
En clair, vous n’avez pas la capacité de gérer la propagation de la maladie?
La capacité, non. La Chine et l’Italie, beaucoup plus puissantes que la Guinée Bissau, ne l’ont pas non plus. Mais nous devons prendre des mesures vu la faiblesse de notre système. Les mesures administratives ne suffisent pas et doivent être accompagnées par des mesures sanitaires au niveau des hôpitaux. Et surtout des mesures de mobilisation sociale et de prévention massive.
Dans quelle mesure, la crise électorale a-t-elle perturbé votre programme anti-COVID-19 ?
Je dois le dire, cette crise a freiné notre élan. Nous n’avons pas de lits d’hôpital pour les cas confirmés puisque le lendemain du coup d’Etat, on allait commencer la rénovation d’un pavillon. Les nouvelles personnes à la tête du ministère ont dit que ce n’était pas une bonne idée avant de rebrousser chemin. Beaucoup de jours précieux ont, donc, été perdus. Ce n’est que dimanche dernier, que les nouvelles autorités se sont résolues à suivre notre décision. Je le répète, tout était bien ficelé pour la distribution du matériel de protection et la formation des médecins. Nous n’avons pu commencer que cette semaine. Beaucoup de médecins ne sont pas formés.
Est-ce cette crise qui paralyse non seulement la réponse sanitaire par rapport au COVID-19 mais aussi la vie politique et économique, a-t-elle une solution en vue ?
C’est dommage que la communauté internationale n’ait pas poursuivi les efforts pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Guinée Bissau. Le coup d’Etat est intervenu au moment où le COVID 19 avait été désignée pandémie. La voie du dialogue est nécessaire. Mais il faut aussi de la persuasion pour que nos institutions régionales et continentales disent que « non, on ne peut pas accepter de coup d’Etat au 21 ème siècle ». C’est à cause de la force des militaires que nous nous trouvons dans cette situation. Les Nations Unies, l’Union Africaine et la CEDEAO doivent parler d’une même voix et rejeter le coup d’Etat.
Votre camp parle d’un coup d’Etat. Mais le camp adverse estime avoir gagné les élections mais s’être confronté à une Cour Suprême pro PAIGC, qui ne voulait pas confirmer les résultats des urnes tels que présentés par la Commission nationale des élections?
Au delà du contentieux électoral et des divergences entre la Cour Suprême et la Commission Nationale des Élections (CNE), le gouvernement sorti vainqueur des élections législatives de mars 2019 n’a rien à voir avec le contentieux et ne devait pas être limogé. Nous sommes dans un régime parlementaire. Il n’y avait pas de raison pour que le gouvernement soit démis de ses fonctions et que les militaires interviennent. S’agissant des présidentielles, le camp de Embalo réclame la victoire, mais le dossier était devant la Cour Suprême. Pourquoi autant de précipitations ? Nous avons, à ce jour, en Guinée Bissau, un double contentieux.