Remonter les chaines de valeurs pour contenir les effets de la Pandémie
Par Dr. Papa Demba Thiam, Economiste International, Expert en Developpement Industriel Intégré par des Chaines de Valeurs, Thielle, Suisse, le 27 Mars 2020.
On parle beaucoup de financements pour limiter les dégâts du Covid-19 sur les économies nationales. Il s’agit de milliers de milliards de dollars américains. Des réactions spontanées et massives certes louables, mais qui ne semblent pas procéder d’analyses systématiques et pointues qui permettent de faire un meilleur usage de ces sommes colossales dont les modes de financement qui ne sont toujours pas bien définis, risquent de créer d’autres secousses dans l’économie mondiale globalisée déjà en proie a des niveaux d’endettement massif sans précédent. Il faut être clair sur un point, les sommes jusqu’ici annoncées ne sont pas destinées à relancer les économies nationales à la fin de la pandémie. Elles servent plutôt à financer des secours d’urgence pour limiter l’effondrement des tissus économiques nationaux et créer des filets de sécurité sociaux pour lutter contre la pauvreté.
S’il est évident que les conséquences destructrices de la pandémie n’ont pas encore pu être correctement analysées pour dépenser l’argent public de manière plus efficiente, il est tout aussi clair que, dans le même ordre d’idées, une analyse des causes économiques de l’expansion mondiale du Covid-19 aiderait à orienter les interventions au titre des réponses sanitaires et économiques.
Pourtant, beaucoup de ceux qui s’expriment ne voient pas encore la question sous cet angle, ce qui semble procéder d’une très grave erreur d’appréciation qui pourrait porter à de sérieuses conséquences de plusieurs ordres. C’est à se demander où sont passés les économistes de la santé. Parce qu’on ne les entend pas, s’ils existent encore dans ce contexte d’une économie mondiale globalisée et dominée par la pensée unique de l’orthodoxie macro-économico-mécaniciste. Si oui, ont-ils même été associés aux processus de décision sur les réponses financières urgentes aux conséquences économiques néfastes du Covid-19 ? Probablement pas, alors que leurs analyses auraient aidé les pouvoirs publics même au niveau des réponses purement sanitaires. Il semble encore une fois que le terrain des décisions est toujours occupé par des réflexes de bureaucrates, en totale négation des expertises sectorielles, du moins sur le plan économique.
L’actualité de tous les jours nous en apprend davantage sur les improvisations et les errements dans beaucoup de décisions qui auraient pu être orientées par des analyses économiques sérieuses. Quelques exemples significatifs. Antenne 2, une télévision française a informé, dans son journal télévisé de 13 heures du 27 Mars 2020, que des médecins universitaires italiens auraient révélé qu’en Janvier 2020, beaucoup de personnes auraient été traitées dans des hôpitaux italiens, pour des formes de pneumonie sans que l’on ait alors pensé au Covid-19. Certains d’entre eux auraient même été guéris depuis et retrouvé une vie normale.
Détail important, Antenne 2 a aussi révélé que beaucoup de ces malades pulmonaires ont été retrouvés tout récemment et testés positifs au Covid-19, donc à posteriori.
Ceci pourrait signifier que le virus aurait eu beaucoup de temps et d’opportunités de circuler dans des communautés, sur les lieux de travail, avec les moyens de transports etc. avant que l’Italie ne déclare son premier cas officiel de contamination au Covid-19 avec son premier « Patient 1 ». Il faut noter qu’à jour, le pays n’a toujours pas trouvé son « Patient 0 », premier maillon dans la chaine de transmission du virus, si tant est que cela est encore pertinent au regard de ce qui précède. Un autre détail tout aussi important révélé par Antenne 2, ces malades pulmonaires qui ont auraient été testés positifs ex-post, étaient tous originaire de villes et/ou villages qui ont des liens économiques et commerciaux très importants et très suivis avec la ville Wuhan en Chine, d’où la pandémie du Covid-19 semble officiellement être partie pour envahir d’autres pays.
Selon un article paru dans la livraison de Ouest France du 25 Mars 2020, dans une interview accordée à NPR, le réseau de radios publiques des États-Unis, un expert médical italien affirme qu’une étrange pneumonie sévissait dès novembre 2019 dans le nord de l’Italie. [Les médecins généralistes] se souviennent avoir vu des cas de pneumonie très étranges, très graves, surtout chez des patients âgés, en Décembre et même en Novembre », précise le Dr Giuseppe Remuzzi, directeur de l’Institut de recherche pharmacologique de Milan, puisque c’est de lui qu’il s’agit.
La même information est aussi donnée par RTL Info, dans sa livraison du 27 Mars 2020 qui se demande si «le coronavirus aurait-il pu faire son apparition en Italie bien avant le mois de Janvier, mois supposé de la première contamination sur le territoire. C’est en tout cas ce qu’affirme le docteur Giuseppe Remuzzi, directeur de l’Institut de recherche pharmacologique de Milan. D’après lui, le coronavirus aurait circulé en Italie avant même le début de l’épidémie en Chine. Giuseppe Remuzzi explique qu’une « étrange pneumonie » circulait dans le nord de l’Italie, dès le mois de Novembre, rapporte La Dépêche. Soit bien avant que Wuhan ne devienne le premier épicentre de l’épidémie de Covid-19. Le docteur précise, dans une interview accordée au média américain NPR, avoir eu récemment des échos de la part de médecins italiens. Ceux-ci faisant l’état de « cas de pneumonie très étranges, très graves, surtout chez des patients âgés, en décembre et même en novembre dernier ». Toujours d’après RTL Info, « Cela signifie que le virus circulait, du moins en Lombardie, avant que nous ne soyons au courant de l’apparition du Covid-19 en Chine », assure Giuseppe Remuzzi. Les premiers cas chinois auraient eu lieu mi-novembre, d’après un rapport du South China Morning Post.
L’origine du coronavirus est encore inconnue, même si plusieurs hypothèses ont déjà été avancées, notamment la contamination de l’humain via les chauves-souris ou le pangolin. La communauté scientifique suppose que la propagation du virus en Europe est due à un contact entre un Italien et un Chinois, à la fin du mois de janvier. Une théorie maintenant contestée”. Fin de citation.
Difficile alors de dire quand, comment et d’où est partie l’épidémie et encore moins, comment elle s’est propagée, dans quelles proportions, d’où la panique et la psychose généralisée qui caractérisent les réactions des décideurs ?
Nous avions prévenu en début de Mars 2020 (Financial Afrik du 9 Mars 2020) que pour vraiment pister la contamination économique du Covid-19, il faudrait suivre la « Nouvelle Route de la Soie » qui a été conçue et structurée par la Chine pour lier ses pôles économiques à d’autres pôles économiques, dans d’autres pays partenaires. Notre analyse était basée sur le fait qu’au début de l’information officielle sur les risques de pandémie, les pays les plus touchés étaient ceux qui abritent des pôles de croissance liés à ceux de la Chine : la Corée du Sud, l’Italie, l’Iran sous sanctions, dans une certaine mesure. Suivre cette logique devait forcément mener en Espagne, en France, en Allemagne, en Grande Bretagne, a des agglomérations urbaines comme New York, qui abritent aussi des pôles économiques qui sont au moins liés à ceux d’Italie voire directement à ceux de Chine.
Dans le cadre des « politiques communes » de l’Union Européenne, des réponses cordonnées et structurées auraient pu permettre la mutualisation des moyens techniques et financiers pour faire des dépistages massifs sur les pôles économiques potentiellement vecteurs de charges virales comme décrit ci-dessus, renforcer leurs infrastructures et systèmes sanitaires, soutenir les campagnes de conscientisation prophylactiques, instaurer des confinements etc., avant que le virus ne quitte ces lieux d’expansion originels et/ou de relais, pour investir d’autres espaces économiques vectoriels qui contribuent à développer de la contamination dans les communautés sociales. Cela aurait été plus efficace et moins couteux. Cela aurait aussi permis d’analyser les effets de rémanence de la contamination économique globale induite par l’arrêt des systèmes et structures de production et formuler des réponses adéquates et ciblées. Une fois encore, les bureaucrates seuls pilotes à bord, ont décidé seuls, improvisé et tâtonné. Ils peuvent se tromper seuls et engager le monde entier dans une aventure économique et financière incertaine.
Nous disions aussi que ces divers pôles sont liés par des chaines de valeurs et des chaines logistiques globales. Il faut donc s’évertuer à urgemment identifier les pôles économiques directement et indirectement liés aux épicentres de la pandémie et à analyser les mouvements de personnes sur les chaines de valeurs et les chaines logistiques qui les lient entre eux et renforcer la lutte contre les effets de propagation du Covid-19 en priorité sur ces pôles économiques et le long des chaines qui les lient. Une telle approche permettrait de contribuer à ralentir, voire bloquer l’expansion du virus, ce qui serait plus efficace et moins coûteux que les mesures de confinement globales et massives que les autorités de beaucoup de pays ont dû se résoudre à prendre lorsqu’elles ont été surprises par l’ampleur du désastre. Il n’est pas trop tard pour s’engager dans cette voie, en même temps que l’on continue avec les mesures en cours dans plusieurs pays.
L’approche que nous proposons permettrait de mutualiser les efforts et les ressources financières qui sont annoncées dans le cadre de la coopération multilatérale, avec des rendements d’échelle importants. Parce qu’il est vrai que si les institutions de Bretton-Woods montrent beaucoup d’allant et son fortement mobilisées pour aider leurs pays membres, on ne voit pas encore les linéaments d’une approche constructive qui permettent de rationaliser leurs interventions et les délivrer. Pour cela, il leur faut se départir de leurs certitudes dogmatiques tout autant que de leurs réflexes bureaucratiques pour faire appel à la diversité des expertises nécessaires pour régler ce problème du Covid-19 qui risque de mettre toutes les économies du monde par terre, avec de sombres perspectives de relance à moyen et long termes.