En Guinée, le double scrutin référendaire et législatif organisé le 22 mars 2020 dans l’angle mort médiatique qu’offrait ce pays d’Afrique de l’Ouest par rapport à la pandémie mondiale du coronavirus s’est soldé par une victoire à la soviétique. La commission électorale nationale indépendante (CENI) a indiqué dans son verdict du 27 mars que le oui l’a emporté à 92% pour un taux de participation de 61%. Dans un contexte, il faut le rappeler, de boycott de l’opposition et d’affrontements ayant fait 10 morts et une situation de quasi-guerre civile à N’Zérékoré (sud) où des affrontements intercommunautaires ont eu lieu pour un bilan lourd non encore communiqué.
De l’avis des observateurs, ce double scrutin, qui ouvre techniquement la route du troisième mandat au président guinéen, Alpha Condé, 82 ans et toutes ses ambitions, consacre surtout l’isolement de Conakry sur la scène régionale (CEDEAO), africaine (Union Africaine) et francohpone (OIF). Les trois instances n’ont envoyé aucun observateur à un double scrutin joué d’avance.
Les capitales occidentales (Washington et Paris jointes par Londres et Berlin) ont parlé d’une même voix. Paris déplore « le caractère non inclusif de ces élections et non consensuel du fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de sécurité et de défense excédant la simple sécurisation du processus, n’ayant pas permis la tenue d’élections crédibles et dont le résultat puisse être consensuel ». Washington appelle pour sa part à « enquêter de manière rapide et transparente sur tous les décès liés aux manifestations et aux élections et que les résultats de ces investigations soient rendus publics ». Quant au représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, il a fait part de sa « grande préoccupation».
Notons que l’ambassadeur français en Guinée, SEM Jean Marc Grosgurin, a été convoqué le 25 mars dernier et s’est vu reproché l’ingérence française et un son « parti pris » pour l’opposition. Elu en 2010 et réélu en 2015, Alpha Condé, membre de l’internationale socialiste, se pose en panafricaniste, ce que lui dénie nombre d’observateurs. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle proposée par Alpha Condé également, tout en en portant la durée à six ans. Reste à savoir si le président guinéen, isolé de ses pairs et en froid avec les partenaires techniques et financiers du pays, a les moyens de faire prospérer une situation qualifiée dans nombre de chancelleries de coup d’état constitutionnel.