L’ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo (10 octobre 2008-6 mars 2012), Adolphe Muzito, constate que « l’État congolais est en cessation de paiement ».
« Sur le front extérieur, le pays ne dispose pas de réserves de change suffisantes pour, non seulement couvrir durablement les besoins du pays en importation des biens, mais aussi, pour faire face aux tensions inéluctables sur le taux de change. Au 31 janvier 2020, les réserves internationales sont évaluées à 792,2 millions de dollars américains, ce qui représente une couverture d’à peine trois semaines d’importations contre une norme de trois mois en la matière. En un mot comme en mille, il n’est pas exagéré d’affirmer que l’État congolais est en état de cessation de paiement et qu’il est en incapacité de faire face à la crise sanitaire et de remplir son rôle régalien d’État-providence pour soutenir l’économie qui va bientôt entrer en récession », affirme-t-il dans une tribune distribuée à la presse.
Et de préciser :
« En effet, l’État congolais, avec son budget de 11 milliards de dollars US en 2020, réduit à 5,5 milliards en ressources propres, par le plan de trésorerie édicté par le ministère des Finances, est aujourd’hui en dépôt de bilan. Il est, de fait, en incapacité de faire face à la crise sanitaire et à remplir son rôle régalien et d’État-providence, pour soutenir l’économie qui va bientôt entrer en récession. En réalité, avec le budget 2020 réduit à 5,5 milliards US, le niveau mensuel de recettes s’élève en moyenne à 450 millions. Il est en situation de ne couvrir que :
- 300 millions US d’enveloppe salariale du personnel du secteur public;
- 150 millions pour : le minimum de fonctionnement de l’Etat, rétrocession aux régies financières, les remboursements des avances de la Banque Centrale (500 millions US).
Comme on le voit, le gouvernement va se retrouver dans une impasse qui va l’obliger à creuser le déficit comme en 2019 (500 millions US) et en janvier et février 2020 avec un déficit mensuel de 100 millions de dollars US ».
À la triple question de savoir ce qu’il faut faire, quels besoins couvrir et quel financièrement il faut mobiliser, Adolphe Muzito répond :
« Beaucoup d’experts proposent des coupes budgétaires pour dégager des économies à affecter à la crise, d’autres proposent de geler le paiement de service de la dette extérieure.Cette vision repose sur une approche restrictive, minimaliste et moins ambitieuse pour la nation. Elle est sectorielle et s’inscrit dans le court terme. Elle fait l’impasse sur la situation de faillite de l’État à court, à moyen et à long terme ».
Alors, il « propose plutôt une approche globale, ambitieuse qui s’inscrit dans le court et moyen terme »
« Elle repose sur l’appel à l’aide internationale mais aussi sur les réformes urgentes à mettre en place au niveau national », révèle-t-il.
BESOINS DE FINANCEMENT
Pour cet économiste et ancien Premier ministre qui avait obtenu l’allègement de la dette extérieure de la RDC, » l’examen des comptes publics de l’État congolais permet de dégager les déficits et les besoins de financements correspondants ci-après :
À court terme :
- riposte à la pandémie : 150 millions de USD ;
- résorption du déficit cumulé du Trésor public fin 2019 : 500 millions USD ;
- résorption des déficits prévisionnels du trésor du plan de trésorerie 2020 :1,2 milliards (100 millions $/mois au premier trimestre) ;
- paiement des arriérés des salaires du personnel de l’État: 500 millions de USD;
- coût de la mécanisation de 500.000 agents mécanisés, mais non payés : 600 millions de USD ;
- TVA à rembourser aux miniers : 1. 500 millions de USD ;
- Financement de la recapitalisation de la Banque Centrale : 2.000 millions de USD ;
- Paiement des créances des entreprises publiques (SNEL, REGIDESO, ONATRA…) : 1.750 millions de USD ;
- Paiement des arriérés rétrocession aux provinces : 550 millions de USD ;
- Financement des réformes : 300 millions de USD.
À Moyen et long terme :
Le financement des infrastructures devrait être le socle du programme de redressement du pays. Cela concerne, notamment, les hôpitaux et autres centres médicaux, les centres de formation médicale, les routes, les chemins de fer, les barrages… pour un montant estimatif de 20 milliards de USD ».
QUE FAIRE FACE AU CORONAVIRUS ?
Dès lors, face à l’ampleur des besoins de financement, Adolphe Muzito soutient que « les coupes budgétaires dans le budget de l’ état tel que le préconisent certains ne serviront pas à répondre à la riposte au Covid-19 ».
« Les maigres économies attendues à la suite de la réduction du train de vie de l’État, de la taille du gouvernement (67 membres), du non- paiement des échéances du service de la dette extérieure, serviront à la rigueur à réduire le déficit public », relève-t-il.
PLAN D’AIDE INTERNATIONALE POUR LA RDC
L’objectif du plan de Muzito, décliné dans le court, moyen et long termes, est triple.
« Il s’agit, explique-t-il, de :
Primo : financer dans le court terme la riposte au COVID-19 en vue de l’acquisition des produits, matériels et équipements requis dont les respirateurs et les matériels de test. Il s’agit également de financer l’assistance technique pour le renforcement des capacités du personnel dédié à cette lutte sur l’ensemble des zones de santé ;
Secundo : financer dans le moyen terme la réhabilitation, la construction et l’équipement des infrastructures de base, en particulier dans le secteur de la santé et de la formation sanitaire ;
Tertio : financer les réformes visant, à long terme, la diversification de l’économie congolaise pour la rendre plus résiliente en cas de chocs exogènes au bien des maladies et autres pandémies devenues récurrentes, que des prix des matières premières et tensions sécuritaires ».
Au finish, argue-t-il, » i-l s’agit, pour les pouvoirs publics, de faire un plaidoyer auprès des institutions et organismes internationaux susceptibles d’apporter ce type d’appui aux pays fragiles, particulièrement vulnérables aux chocs exogènes ».
« Les pays amis de la République Démocratique du Congo peuvent également être mobilisés pour apporter leurs appuis à une telle initiative », pense-t-il.
FATSHI : 520 MILLIONS USD DE DEFICIT EN 2019 !
L’ancien’ Premier ministre Adolphe Muzito note que » le Gouvernement de Monsieur Tshisekedi ne fait qu’accumuler des déficits dans la gestion des finances publiques depuis plus d’une année de pouvoir ».
« En 2019, la première année de sa mandature, l’exécution des opérations financières de l’Etat s’est clôturée avec un déficit de 520 millions de dollars US.L’année 2020 a débuté sur la même base : 80 millions US de déficit en janvier et 100 millions de dollars US de déficit en février. Le mois de mars semble sur la même lancée !L’essentiel des dépenses publiques est consacré à la rémunération et au fonctionnement de l’Etat. Sur des recettes de l’ordre de 1.869 milliards de Francs attendues au premier trimestre 2020, 1.111,4 milliards de FC, soit environ 60%, sont consacrés aux salaires contre une norme de 35% en la matière », stigmatise-t-il.
ATTEINTE DU POINT D’ACHÈVEMENT
Sous la direction du Premier ministre Adolphe Muzito, la RDC avait atteint le point d’achèvement en 2011, obtenant ainsi l’effacement de 12 milliards USD sur une dette extérieure estimée à 14 milliards USD, dans le cadre d’un processus entamé le 2 juillet 2010 par la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI).
De son côté, le Club de Paris avait annoncé, le 18 novembre 2010 dans un communiqué, l’annulation de plus de 7 milliards et demi de dollars américains.
Après l’annulation de la dette extérieure de la RDC, 200 millions USD avaient été alloués au secteur de l’éducation et 50 millions USD à celui de la santé.