Et si le Covid-19 devait vider l’un des plus vieux contentieux coloniaux dans le monde ? Quatorze députés français ont introduit, le 2 avril dernier, un appel pour la régularisation provisoire des sans-papiers, notamment des clandestins algériens, qui ont déjà introduit une demande de titre de séjour en France, terre d’accueil d’une jeunesse désabusée par un socialisme en échec sur le plan économique. Les sans-papiers algériens constituent de loin la communauté la plus importante en France, parmi 200 000 à 300 000 personnes en situation irrégulière.
L’élu écologiste François-Michel Lambert, initiateur de l’appel, estime que «tant que ces sans-papiers pourront circuler et ne pourront pas accéder aux soins, le confinement ne pourra pas être levé». Il s’agit pour ces sans-papiers d’une «question de vie ou de mort», a-t-il soutenu. La mesure des députés français s’inscrit dans le cadre général de la lutte contre le Coronavirus. A noter que le Portugal a adopté une mesure similaire et a régularisé tous ses sans papiers.
Réchauffement diplomatique entre Paris et Alger
Cette initiative parlementaire française intervient alors que le nouveau président algérien, Abdelmajid Tebboune, multiplie les appels de pied en direction de l’ex puissance colonisatrice, qui reste, en dépit des fâcheries, son premier fournisseur : “J’ai eu quelques contacts avec le Président Macron, et je sais qu’il est honnête intellectuellement, qu’il n’a aucun lien avec la colonisation», avait déclaré le chef de l’État algérien dans un entretien en 20 janvier dernier. Et le nouvel homme fort d’Alger, rompu aux manœuvres diplomatiques, de reconnaître au président Emmanuel Macron cette qualité rare de ne pas appartenir à une certaine école de pensée: “Il essaye de régler ce problème qui empoisonne les relations entre nos deux pays; parfois il est incompris, et parfois il fait l’objet d’attaques virulentes de la part de lobbies très puissants».
Fin connaisseur de la scène politique française comme du reste tous les maghrébins, le président Tebboune souligne qu’il y a en France « un lobby revanchard, qui rêve du paradis perdu, parle de trahison de De Gaulle et je ne sais quoi encore». De son côté, Emmanuel Macron, a déjà envoyé une invitation (acceptée) à son homologue pour une visite d’Etat retardée par la crise sanitaire actuelle.
Bref, le téléphone est rétabli entre Paris et Alger même si certains officiels continuent de croire que le mouvement de contestation Hirak, qui fonctionne de la même manière que les Gilets jaunes, bénéfice de beaucoup de sympathie dans les milieux politiques parisiens.
La France et l’Algérie s’étaient séparées en 1962 au terme des centaines de milliers de pieds noirs et de harkis expulsés de l’ex- colonie et d’un million de «martyrs» chez cette dernière. Aujourd’hui encore, le contentieux mémoriel n’est pas encore réglé. Du président Nicolas Sarkozy, chantre des bienfaits de la colonisation à Emmanuel Macron, alors candidat d’En Marche, auteur de la formule choc selon laquelle la «colonisation est un crime contre l’humanité », on le sait, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et l’homme qui avait joliment séduit tout un continent en disant :«la France a installé les droits de l’homme en Algérie, simplement elle a oublié de les lire», aujourd’hui locataire de l’Elysée, confronté à la plus grande crise sanitaire et économique de la France depuis 1940, a perdu sa belle prose à l’épreuve des travaux et des jours.