Dans un rapport daté du 6 avril 2020, Oxfam se dit extrêmement préoccupée par le risque que la pandémie de Coronavirus COVID 19 vienne frapper les plus vulnérables, notamment les 5 millions de personnes déplacées au Sahel et en République centrafricaine. « Pour ces millions de personnes surexposées, se protéger du coronavirus est presque mission impossible en raison du manque d’eau et de leurs conditions de survie », estime l’ONG britannique.
L’étau se resserre autour Burkina Faso, pays qui compte le plus grand nombre de cas de COVID-19 confirmés de la région et fait face à une crise humanitaire sans précédent, avec plus de 800 000 personnes déplacées. Des cas se rapprochent dangereusement de localités où vivent des milliers de personnes déplacées, pour la plupart sans accès suffisant à l’eau. A Kaya, sur l’un des sites de personnes déplacées, Kagoné Issouf, représentant de la communauté témoigne : “Ici cette maladie fait encore plus peur que les groupes armés. Nous sommes tous découragés. Nous manquons de tout pour mettre en place l’hygiène et les mesures de prévention nécessaires sur le site”.
Dans les régions du Sahel et du Centre Nord du Burkina Faso qui accueillent la plupart des personnes déplacées, seule la moitié de la population avait accès à des sources d’eau potable avant l’épidémie. La surutilisation d’infrastructures hydrauliques limitées détériore encore l’accès, dans certaines zones accueillant de nombreuses personnes déplacées, l’accès à l’eau a encore été réduit de 40%. Les femmes sont en première ligne, c’est souvent à elles que revient la charge d’aller trouver de l’eau et de prendre soin de la famille.
Au-delà du manque d’eau, la promiscuité et son risque d’accélérateur dans la propagation du virus est également très alarmante « Pour ce qui est de la distanciation sociale, la situation est encore plus grave, car les abris sont supposés recevoir un maximum de sept personnes, mais la réalité est toute autre, nous nous retrouvons avec 15 à 20 personnes par abri », alerte Huguette, Ingénieure eau, hygiène et assainissement pour AGED, Association pour la Gestion de l’Environnement et le Développement (AGED) partenaire d’Oxfam au Burkina Faso. Face à la nouvelle menace du coronavirus, les attaques des groupes armés ne cessent pas pour autant et les défis auxquels sont confrontés les acteurs humanitaires se complexifient chaque jour, réduisant ou menaçant constamment l’accès humanitaire aux populations vulnérables. Au Tchad par exemple, dans la région du Lac où Oxfam intervient, le gouvernement a déclaré la région zone de guerre en raison des opérations que l’armée y mènent en riposte à la dernière attaque des groupes armés se revendiquant de Boko Haram.
En République centrafricaine, considérée par l’ONU comme l’un des pays «moins préparés» au monde à faire face à l’épidémie de Covid-19, une personne sur deux a besoin d’une aide humanitaire et environ 70% des services de santé sont fournis par des organisations humanitaires. Clarisse Kemby qui assure la promotion de la santé publique pour Oxfam en RCA témoigne: “face à cette menace de pandémie, si nous ne pouvons pas augmenter l’aide que nous apportons notamment sur la sensibilisation et l’hygiène, je n’ose même pas imaginer ce qui va se passer”.
Sur le terrain, les équipes s’adaptent pour continuer d’apporter une aide vitale aux populations et transformer les programmes afin de les protéger au mieux du coronavirus mais cette nouvelle crise est l‘épreuve de trop pour une réponse humanitaire qui était déjà à bout de souffle face à l’explosion des besoins et au manque de financement. “La vie de millions de personnes, déjà éprouvées par des crises terribles, est en jeu au Sahel et en République Centrafricaine. Cette pandémie n’a pas de frontières, personne ne sera en sécurité, tant que nous n’aurons pas les ressources pour que tout le monde soit en sécurité. Plus que jamais, nous avons besoin de l’appui de la communauté internationale pour faire face” conclut Adama Coulibaly, Directeur Régional d’Oxfam en Afrique de l’Ouest et du Centre.