« Pour les pays les plus pauvres cependant, le pire est à venir », écrit la Banque Mondiale dans un article, pessimiste à notre avis, posté sur son site sous la signature de Mari Elka Pangestu, la toute nouvelle directrice de des pratiques Globales (recherches, données, relations internationales) à la banque Mondiale. Ancienne ministre du commerce en Indonésie entre 2004 et 2011 puis ministre du tourisme et de l’économie, Mari Elka Pangestu, tout économiste de formation qu’elle est, n’a pas le don de la divination, aucun des experts de la Banque Mondiale n’ayant prévu, en janvier dernier que bientôt, il va falloir une autorisation de sortie en plein Paris, la police et l’armée pour forcer les gens à rester chez eux.
Bref, l’article publié par la nouvelle recrue de la Banque Mondiale se fonde sur le même constat, ressassé un peu partout depuis l’apparition de la pandémie: « Ils (les pays pauvres) sont profondément défavorisés pour affronter la crise : leurs systèmes sanitaires sont fragiles et leur accès à des fournitures médicales indispensables précaire, tandis que leur économie est moins résiliente aux chocs et fortement tributaire des échanges commerciaux. Les pays les plus pauvres risquent d’être bientôt touchés sur tous les fronts, et la catastrophe économique et sociale qui les frappera aura des effets qui se propageront dans l’ensemble du monde, en favorisant la diffusion du virus et en mettant en péril le redressement de l’économie mondiale ».
L’article poursuit en appelant à la générosité des pays riches: « La coopération pour aider ces pays à éviter le pire n’est pas seulement un impératif moral : elle est dans l’intérêt de tous ». Et l’auteur d’user de ce bon vieux conditionnel pour parler d’une possible contamination à grande échelle de ces pays là, évitant (faudrait-il l’en louer) le mot « Afrique », sans doute pour éviter la polémique. « Si la grande majorité des cas d’infections au coronavirus signalés jusqu’à présent ont concerné des pays développés, le nombre de contaminations dans les pays en développement pourrait augmenter considérablement dans les prochains mois », lit-on dans un mode plutôt prophétique, l’auteur n’apportant aucun argument scientifique ou économique pour appuyer ses prévisions.
Tout en réfutant la vision apocalyptique de la Banque Mondiale quant à une propagation du virus dans les pays en développement (dont la majorité se trouve hélas en Afrique), nous sommes toutefois d’accord avec l’institution que les mesures de restriction prises pour faire face à la pandémie vont se traduire par une crise économique et financière sans précédent dans ces pays développés. Car, comme l’écrit le rapport, « parmi les pays les plus touchés par le coronavirus, dix-sept sont des plaques tournantes essentielles dans les réseaux du commerce mondial, ce qui contribue à amplifier les répercussions économiques pour les pays en développement.
Les pays pauvres seront frappés par la pénurie des médicaments: « dans les 20 pays en développement les plus touchés par la pandémie, cinq partenaires commerciaux seulement assurent l’importation de 80 % des produits indispensables à la lutte contre le coronavirus. Les restrictions déjà imposées sur les exportations de masques de protection vont probablement entraîner une hausse des prix de plus de 20 % ; en cas d’escalade des restrictions, les prix pourraient même flamber de plus de 40 %, poursuit l’auteur de l’article.
Autre menace qui pèse sur les pays pauvres, la pénurie alimentaire puisque, souligne l’ancienne ministre indonésienne, « 80 % en moyenne des importations alimentaires des pays en développement proviennent de trois pays seulement, et cette proportion grimpe même à plus de 90 % dans les pays fragiles et en situation de conflit, ce qui les rend extrêmement vulnérables aux changements de politique commerciale dans les pays exportateurs ».
Pour rappel, le groupe de la Banque Mondiale a mis sur pied un mécanisme de financement accéléré de 14 milliards de dollars afin d’accompagner les efforts déployés par les pays et les entreprises pour prévenir, détecter et faire face à la propagation du coronavirus, en mobilisant notamment les dispositifs de financement commercial et de lignes de crédit de la Société financière internationale (IFC). De même, le Groupe de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont appelé à la suspension des paiements au titre du service de la dette pour les pays IDA sollicitant un délai de grâce, afin de leur permettre de disposer d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire. « En outre, nous nous tenons prêts à déployer, au cours des 15 prochains mois, un soutien financier de 160 milliards de dollars dans le but de continuer à aider les pays à faire face à la crise, améliorer leur résilience et favoriser leur redressement », souligne l’auteur du rapport.