Par Benoit Ngom, Président Fondateur de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA) et de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice et les Droits Fondamentaux en Afrique (IHEJDA).
En pleine crise sanitaire, alors que l’ombre menaçante du COVID19 s’étendait au-dessus des continents et que le Sénégal comptait sa première victime en la personne de l’illustre Pape Diouf, la presse nationale créait l’événement en publiant, fait relativement rare en Afrique, une tribune du Chef de l’Etat sous le titre «L’Afrique et le monde face au covid-19 : point de vue d’un Africain – Par Macky Sall, Président de la République du Sénégal».
Cet appel est en parfaite adéquation avec une initiative que nous avions en partage avec quelques juristes africains visant à lancer un appel à l’endroit des dirigeants de notre continent pour une meilleure capitalisation des expertises africaine dans la Phase post Pandémie COVID19. A cet égard, nous pensions que pour beaucoup de raisons, le Président du Sénégal pouvait être porteur de cet appel à l’action auprès de ses pairs africains pour lui conférer la portée politique souhaitée.
Cependant, après avoir lu cette contribution fondamentale du chef de l’Etat, nous nous sommes dit que ce qui nous restait à faire était de participer au mieux à la réalisation des idées contenues dans ce texte.
Sous ce rapport, il nous semble que c’est une occasion rare qui est offerte à l’intelligentsia du Sénégal afin que chacun selon sa spécialité enrichisse cette réflexion du Président de la République en indiquant les initiatives qui pourraient être prises pour aider au développement harmonieux du Sénégal après COVID19. Ce que notre organisation ne manquera pas de faire.
Dialoguer avec un Président qui exprime son désir d’agir et qui s’en est donné les moyens nous parait à la fois souhaitable et opportun.
En effet, jamais avant lui, depuis l’indépendance du Sénégal, le Président de la République n’aura confondu, en même temps dans ses mains, l’ensemble des pouvoirs constitutifs de l’Etat, la liberté d’évaluer seul les moyens dont il a besoin et le mandat souverain d’agir selon son bon vouloir.
Ainsi après avoir obtenu le vote de la loi d’habilitation pour décréter l’Etat d’urgence, il a mis en place un Programme de Résilience Économique et Sociale (PRES), d’un coût global de 1.000 milliards de FCFA, soit environ 2 milliards de dollars US, en vue de lutter contre la pandémie et soutenir les ménages, les entreprises et la diaspora …et a créé un Fonds de Riposte contre les Effets du COVID-19, FORCE-COVID-19, financé par l’État et des donations volontaires, pour couvrir les dépenses liées à la mise en œuvre du PRES.
Dans cet esprit, nous semble-t-il, le chef de l’état dispose d’une « fenêtre de tir » pour mener sans difficulté, l’ensemble de la nation vers les cimes de l’émergence en préparant la gestion économique et sociale de l’après COVID19. Cette opportunité d’action pourrait permettre au chef de l’Etat d’accentuer les programmes de transformation culturelle, économique et sociale nécessaire à une certaine refondation du Sénégal qui s’appuierait sur une nouvelle forme de gouvernance et le développement de nouvelles solidarités.
C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que chaque peuple se trouve enfermé dans les frontières de son territoire national sans possibilité légale d’en sortir ou presque. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, nous sommes face à nous- mêmes sans la présence des autres pour orienter nos actions.
C’est donc en ayant foi en nous-mêmes que nous allons montrer à la face du Monde que, comme le dit le Président, «l’Afrique, berceau de l’humanité et terre de vieille civilisation, n’est pas un no man’s land. Elle ne saurait, non plus, s’offrir comme terre de cobayes. Exit également les scénarios catastrophistes qui s’évertuent à dessiner un futur d’apocalypse pour le continent». L’intervention exceptionnelle du Groupe des Ambassadeurs africains basés en Chine, le 10 avril dernier, pour dénoncer les traitements discriminatoires que subissent les africains dans ce pays présage peut-être d’une volonté du Continent de ne plus se faire marcher sur les pieds en silence.
C’est aussi la première fois que beaucoup d’hommes et de femmes comme moi ont pu évaluer l’étendue de notre expertise nationale dans les domaines les plus pointus de la médecine. L’apparition, à travers les médias, de ces experts sénégalais dont les noms n’étaient connus que de quelques initiés a aiguillonné une vaillante jeunesse scientifique pressée et fière de montrer ses capacités à travers ses inventions.
C’est le moment de prôner sans ambages la rupture par rapport à certains travers du passé. C’est le moment de croire d’avantage en nous-mêmes, de penser de plus en plus par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
Le Président est à l’abri de toute pression venant d’un camp de l’espace politique des lors que les leaders de l’opposition à l’unanimité ou presque ont accepté son programme, et qu’il bénéficie de la bénédiction de tous les chefs religieux, alors que la population dans son ensemble est à son écoute. Ainsi est-il libre de n’écouter que la voix de la raison pour insuffler à son peuple plus de patriotisme.
C’est donc le moment pour les intellectuels du Sénégal de se regrouper en fonction de leur spécialité pour proposer des initiatives concrètes qui vont dans le sens de la réalisation du «Programme de Résilience Economique et Sociale» adopté par l’ensemble du corps social. Ces initiatives, toutefois, doivent se dérouler sous le sceau de la rigueur et à l’abri de tout opportunisme inapproprié, et de tout sectarisme de mauvais aloi.
En ce sens, certains départements ministériels doivent s’ouvrir d’avantage aux Think-Tank de la société civile dont les Etudes et les recherches devraient d’abord servir au pays. Une telle coopération, par exemple, aurait pu permettre, à n’en point douter, de mieux assurer la restitution au niveau des sphères intellectuelles et universitaires des résultats des nombreuses et prestigieuses initiatives de la diplomatie sénégalaise.
Le Président de la République pourra ainsi veiller à une mobilisation coordonnée de l’élite sénégalaise et, à cet effet, sous sa haute autorité, mettre en place une structure dédiée.
Le Président MACKY Sall a une bonne occasion de consolider le leadership diplomatique du Sénégal et de contribuer à l’instauration d’un Nouvel Ordre Mondial si les africains au sortir de cette sombre période montrent leur ferme volonté d’agir ensemble et qu’ils décident de prendre leur destin en main en comptant d’abord sur eux-mêmes. En clair, les leaders africains doivent accepter de développer des actions solidaires et concertées.
C’est dans cette perspective , me semble-t-il, que le 2 décembre 2019 à Dakar fut porté par la voix du chef de l’Etat du Sénégal à la connaissance de la communauté internationale, le texte dénommé «Consensus de Dakar» dont l’idée est : «de faire en sorte que la conférence de Dakar contribue à faire converger une position de principe qui soit consensuelle sur un impératif délicat à savoir comment trouver le juste équilibre entre le développement durable et la dette soutenable ». En clair, il s’agirait d’une relecture africaine du «Consensus Washington».
Sous ce rapport, il n’y a pas de doute que la communauté internationale se faisant l’écho de l’invite œcuménique du Pape François, entendra positivement « l’Appel de Dakar » en réservant un accueil favorable à la proposition d’annulation de la dette présentée au nom de l’Afrique par le Président Macky Sall.