S’achemine-t-on vers de la Force multinationale mixte (FMM) composée des armées du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad déployées pour lutter contre la secte terroriste Boko Haram qui sévit dans la région du Lac Tchad ? Officiellement non. Si au sein de la troupe les soldats ont sans doute le cœur à l’ouvrage – en témoigne de cinglantes déculottées administrées à l’ennemi -, tel ne serait pas le cas dans certains états-majors et dans certaines allées du Pouvoir.
Des «complaintes» et des «insinuations» captées ça et là font planer le risque d’un effondrement prochain de cette coalition militaire. Selon de fiables informations, la déclaration faites le 08 avril 2020 par le président tchadien Idriss Déby Itono selon laquelle «aucun soldat tchadien au-delà des frontières» aura eu le mérite de remettre au grand jour, «le malaise» au sein de la coalition. S’il est indéniable que le déploiement de l’armée tchadienne a permis de réduire la force de frappe des terroristes, bien que leur capacité de nuisancesoit toujours élevée, il est aussi vrai que certains dirigeants formant cette coalition de la FMM ne supportent que peu ou prou, «le chantage des dirigeants tchadiens».
Au Cameroun, les propos d’Idriss Déby ne sont pas passés inaperçus. Si publiquement les autorités camerounaises dont l’armée est engagée dans plusieurs fronts «n’ont pas jugé utile de réagir pour ne pas se tromper d’ennemi commun qui est Boko Haram», des sources militaires n’ont cependant pas manqué de souligner que «le Cameroun est un pays majeur dans la lutte contre Boko Haram». Une manière de relativiser la position des autorités tchadiennes donnant l’impression que seule leur armée fait le boulot, notamment dans les îles du Lac Tchad. Encore que, «avant le déploiement de la Force multinationale mixte, le Cameroun est resté seul au front pendant près de deux ans, contribuant ainsi non seulement à la sécurisation de ses frontières, mais également à celles des pays voisins» a confié un officier supérieur. Une allusion à peine couverte au Nigeria et au Tchad, pays où l’armée camerounaise a parfois franchi les frontières nationales exerçant son droit de poursuite des terroristes. Raison pour laquelle Yaoundé pense qu’il « faut rester uni face à l’ennemi, et le cas échéant, parler des problèmes que connaît la FMM, laquelle, il faut le reconnaître, a besoin d’être restructurée dans l’optique visant le renforcement de son efficacité», argumente pour sa part, un diplomate du système des Nations unies.
La déclaration du président tchadien sur ce supposé déploiement de ses seuls soldats a provoqué la réprobation au Niger et au Nigeria, deux pays nommément cités par les autorités tchadiennes dont les armées auraient quasiment abdiqué, laissant à l’armée tchadienne seule, la reconquête et la sécurisation des îles duLac Tchad. Pour calmer le jeu, Ndjamena a dû revoir ses codes langagiers d’après le Ministère des Affaires étrangères pour qui les propos du président Idriss Déby ont été «sortis de leur contexte et interprétés de façon erronée».
Ainsi, le 12 avril, le Gouvernement tchadien a déclaré que «les propos du Président de la République relatif à la décision du Tchad de n’envoyer dorénavant aucun soldat au-delà des frontières nationales dans le cadre d’engament individuel des troupes tchadiennes pour lutter contre le terrorisme dans le bassin du Lac-Tchad, se rapportent au contexte des opérations conduites dans l’espace dudit bassin, théâtre d’opérations réservé à la Force Multinationale Mixte (FMM) de la Commission du Bassin du Lac-Tchad ».
Dans la foulée, le Tchad a dépêché des émissaires au Nigeria et au Niger pour expliquer les circonstances ayant amené le Tchad à prendre cette décision qui n’est ni le désengagement de la FMM, de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), de la Force Conjointe du G5 Sahel, encore moins de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). En réaffirmant «la détermination et l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée sous toutes leurs formes, aussi bien à l’intérieur de son territoire que dans le cadre des forces susmentionnées», les autorités tchadiennes ont voulu désamorcer une bombe qui aurait pu entrainer des conséquences néfastes dans la région.
Reste la sortie de la pandémie du COVID-19 et l’organisation d’un sommet des dirigeants des pays de la région pour restructurer la FMM dont on attend toujours que l’Union africaine, l’Union européenne, les Etats-Unis et les autres partenaires au développement débloquent des moyens financiers promis permettant de porter une estocade définitive à Boko Haram dont des attaques meurtrières démontrent, malheureusement, sa capacité de nuisance.