Le rapport carabiné du groupe des lanceurs d’alerte à la Banque Africaine de Développement (BAD) continue de faire parler de lui. Le document explosif de 11 pages, dont la première version, rédigée en janvier 2020 dans l’anglais de Harvard, avait été parcourue par Financial Afrik, était adressé au Comité d’éthique, un organe situé à une marche avant le Conseil d’administration, lui même devant rendre compte au conseil des gouverneurs, clé de voûte de l’institution.
Ce comité d’éthique compte un membre important. Il s’agit de Steven Dowd, président du comité de l’audit (donc bien informé) et administrateur représentant des Etats-Unis de Donald Trump, qui n’est ni plus ni moins que le premier actionnaire non régional de la BAD avec, selon le dernier rapport annuel de la BAD 2018 disponible sur le site de l’institution un pouvoir de votre de 6,627% devant le Japon (5,522 %), l’Allemagne (4,162%), le Canada (3,863 %) et la France (3,779 %).
Dans l’entourage du président Akinwumi Adesina, il se murmure que cet américain, qui s’est systématiquement opposé à tous les projets et initiatives du président de la Banque Africaine de Développement, serait l’inspirateur de ce rapport rédigé à l’américaine, c’est -à-dire, dans un style factuel et précis. L’on voudrait empêcher la réélection du nigérian, seul candidat à sa succession, soutenu par la Côte d’Ivoire, pays hôte, la CEDEAO et l’Union Africaine. Depuis la publication de ce rapport ébruité avant que le comité d’éthique saisi n’ait rendu son verdict, c’est le branle-bas de combat au sein du conseil des administrateurs.
Certains gouverneurs poussent discrètement pour la mise en place d’un comité indépendant chargé de mettre la lumière sur les 20 cas de mauvaise gestion relevés dans le rapport, allant des recrutements jugés irréguliers et du népotisme, à des appels d’offres et autres rémunérations indues. Evoluant dans un environnement « confiné » depuis le déclenchement de la crise du nouveau coronavirus (Covid-19), la Banque Africaine de Développement (BAD) s’est aussi invitée dans les travées politiques de l’Union Africaine où le très peu diplomate président sud-africain, Cyril Ramaphosa, président en exercice de cette institution panafricaine, a mis en place un quatuor de financiers dont l’ancien président de la banque africaine, le rwandais Donald Kaberuka, prédécesseur d’Adesina et qui a snobé toutes les assembles annuelles de la BAD depuis la fin de son deuxième mandat en 2015, pour une initiative de mobilisation de fonds anti-Covid auprès des grandes institutions internationales.
Premier hic, le président de la Banque Africaine de Développement venait, une semaine plus tôt, de lancer sa propre initiative pour mobiliser 10 milliards de dollars. Deuxième hic, cette initiative sud-africaine cristallisée sur « les quatre fantastiques » ignore royalement l’Afrique du Nord, poussant d’ailleurs le Roi du Maroc, Mohammed VI, à s’entretenir avec Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire et Macky Sall du Sénégal pour une démarche commune et continentale plus inclusive.
Prenant son téléphone, le président sud-africain s’est entretenu avec plusieurs dirigeants de la SADC (Conférence de Coordination pour le Développement de l’Afrique Australe) au sujet de la banque panafricaine qualifiée d’institution trop ouest-africaine. D’aucuns murmurent que le clash sera bientôt inévitable entre l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire au sujet de la BAD.
De son côté, l’administrateur américain, très influent, tentera de gagner à sa cause les autres membres non régionaux qui (cas du Japon, favorable à Akinumi Adesina) ne sont pas tous favorables à sa thèse. Bref, l’on se dirige vers une réélection du président Akinwumi Adesina plus compliquée que prévue . Selon nos informations, il n’y aura pas de réélection par acclamation comme ce fut le cas pour ses deux prédécesseurs Donald Kaberuka et Omar Kabbaj qui en ont eu l’honneur en leur temps. « La réélection de Adesina se fera par vote entre le 24 et le 25 août », soit 5 jours avant la fin de son mandat, précise-t-on de source généralement bien informée. Le mandat du président Adesina vient à terme le 31 août prochain. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sur la lagune Ebrié et la fameuse enquête du Comité d’Ethique du Conseil d’Administration aura rendu ses conclusions.
La BAD a été considérée comme l’unique institution africaine qui a réussie. En tant que première banque pan africaine de développement du continent, ce dernier n’a vraiment pas besoin d’un tel scandale qui risque de l’éclabousser, affecter sa notation par les principales agences de rating internationales (Standard & Poor, Fitch, Moody’s etc.) et sa crédibilité auprès de la communauté internationale et des principaux partenaires techniques et financiers de l’Afrique. God Save ADB !