Par Alioune Camara
Début janvier 2020, on pouvait voir des vidéos sur la toile et les réseaux sociaux qui sonnaient comme des alertes sur ce qui s’avérera être une crise sanitaire mondiale majeure décimant des milliers de vies dans plusieurs pays. La pandémie Coronavirus (ou COVID 19) est devenue, en un rien de temps, l’ennemi à abattre. Dans ce combat d’envergure internationale, l’Afrique n’est pas en reste et s’organise.
A l’exemple, des décisions aux multiples conséquences prises par le Président de la République du Gabon, Ali Bongo Ondimba, et son homologue ivoirien, Alassane OUATTARA, qui ont dû déclarer l’état d’urgence sur l’ensemble de leur territoire national. A découlé de ces décisions, le confinement souvent partiel de la population exhortant ainsi tous les acteurs économiques, publics comme privés, à revoir leurs systèmes organisationnels où le télétravail est devenu la norme, de gré ou de force, et non l’exception, comme à l’accoutumée.
En effet, les circonstances que nous vivons aujourd’hui avec la propagation de la pandémie, encore inimaginables il y a quelques mois, représentent pour les entreprises un défi de taille qui menace leur survie économique; certaines ayant même été contraintes de fermer boutique. En cette période de grande incertitude, le travail à distance constitue une excellente opportunité à la fois de résilience et de valorisation de la dimension humaine de la relation professionnelle à condition de redéfinir le contrat de confiance entre le manager et ses collaborateurs. S’il est vrai que le manager doit faire preuve de certaines qualités sur le lieu de travail, ces qualités sont décuplées lorsqu’elles doivent être appréhendées sous l’angle de la distance où l’implicite doit faire place à l’explicite.
A l’instar de la théorie de la relativité d’Albert Einstein, E=mc2, dans le cadre du travail à distance, l’équation s’écrirait plutôt E=C3 où E serait le travail d’équipe à distance et C3 le cumul d’une communication structurée, d’un charisme avéré et d’une confiance incontestée. Le premier pré-requis d’un travail en équipe de qualité est la confiance. Si elle est bien appréhendée dans un environnement de travail ordinaire, la confiance dans le contexte du télétravail revêt une série de caractéristiques qui requièrent une toute autre approche.
Le Centre de Leadership Créatif, centre américain expert des questions de leadership, nous invite à considérer deux types de confiance envers le manager, celle basée sur son expertise et celle basée sur ses qualités intrinsèques d’individu, chacune étant composée de deux éléments: – la confiance expertise:
● la crédibilité: elle recouvre l’expertise, la capacité d’analyse et de résolution de problème qui s’exprime par les mots;
● la fiabilité: elle recouvre le comportement cohérent et stable, la maturité professionnelle et la capacité de faire et s’exprime à travers les actions, le degré d’engagement; – la confiance interpersonnelle:
● la sécurité: il s’agit ici du sentiment de sécurité que l’on crée notamment à travers l’empathie, la capacité à parler de sujets délicats;
● le focus: il s’agit ici de la capacité à se focaliser sur soi-même ou sur les autres. Sur ce postulat, un manager ou un collaborateur crédible, fiable, avec de grandes qualités interpersonnelles mais une tendance à se focaliser sur lui-même bénéficierait d’un faible capital confiance auprès des autres. Pour établir cette confiance quant à l’expertise, les professeures Larson et Makarius, dans un article de la Harvard Business Review, suggèrent la réunion de trois critères:
– l’expérience: parce que l’expertise peut n’être que théorique, il est important de partager avec votre équipe l’expérience que vous avez accumulée au gré des années en lui faisant bénéficier de cas très concrets sur lesquels vous avez eu à travailler et qui lui permettra d’identifier l’ensemble des compétences à votre escarcelle;
– la rapidité: prendre l’initiative de finaliser des tâches le plus rapidement possible et informer les autres de l’état d’avancement; – la réactivité: se montrer réactif dans les réponses aux courriels car, à distance, disponibilité et réactivité sont clé pour des relations de confiance de qualité. En second lieu, un charisme avéré doit sous-tendre la confiance. Selon Aristote, le charisme est l’alchimie d’un triptyque entre la logique, l’éthique et l’empathie et c’est exactement ce qu’il convient de développer en télétravail. Mon expérience des entreprises en Afrique subsaharienne m’a montré qu’il existe une confusion assez profonde entre l’autorité liée à la fonction et le charisme. Pour y palier, trois pistes:
– savoir partager la vision: en usant des techniques de langage efficaces pour communiquer clairement son message telles la métaphore, le story telling, le contraste, les questions rhétoriques…;
– définir des objectifs clairs: au-delà de leur clarté, les objectifs fixés à l’équipe doivent être suffisamment ambitieux et réalistes et également l’occasion de montrer vos valeurs, que ce en quoi vous croyez dépasse votre propre personne;
– valoriser la communication non-verbale: soigner la fluidité du discours, l’éloquence en supprimant les hésitations et les répétitions, en jouant astucieusement avec ses intonations, ses pauses et même sa gestuelle. Troisième élément d’un travail d’équipe efficient, et dont l’importance est accrue à distance, une communication structurée en trois temps à travers des réunions pertinentes. En amont, le déroulé de la réunion doit être clair (points à aborder, la raison et le temps imparti pour chaque point, apport attendu de chaque participant…).
Pendant la réunion, comme confirmé par plusieurs études, il convient, autant que faire se peut, d’en limiter le temps et le nombre de participants et d’en définir les règles (s’annoncer, être concis, précis). S’assurer constamment que tous les participants bénéficient du même degré d’information est aussi une donnée à prendre en compte.
La clôture de la réunion doit permettre de s’assurer de l’alignement entre les processus, les personnes et les résultats en questionnant la manière dont l’équipe a travaillé pour atteindre les objectifs de la réunion, en incitant aux échanges entre participants quant à leur feedback sur des faits saillants, des préoccupations ou des problèmes non résolus et enfin en vérifiant que les résultats escomptés ont bel et bien été atteints. Plus que jamais, à l’aube d’un probable changement de fond de nos habitudes de travail, les circonstances de la vie nous invite à mieux exprimer et exploiter nos soft skills, ces compétences dites douces souvent négligées mais qui, dans un monde de plus en plus dématérialisé, constituent des éléments clé de différentiation entre collègues, entre entreprise