Par Ousmane DIENG
La Banque Africaine de Développement (BAD), une Institution sensée refléter l’excellence, promouvoir l’éthique et la bonne gouvernance en Afrique se débat pour gérer une crise interne qui secoue sa Présidence, ses instances de contrôle et son personnel d’encadrement, sur fonds d’un rapport d’alerte mal géré en interne et qui se retrouve dans la place publique.
Pendant ce temps, le Président de la Banque Mondiale (BM), Monsieur David MALPASS annonce l’amorce d’un processus favorable à l’annulation à terme de la dette des Pays Africains suite au plaidoyer du Président Macky SALL soutenu par ses homologues africains et relayé par le Pape FRANCOIS, le Président Emmanuel MACRON et les leaders africains et d’ailleurs. Nous sommes dans une bonne dynamique.
Concernant la BAD, quel observateur ou leader du continent, soucieux d’une transformation rapide de l’Afrique et de sa compétitivité dans le monde, ne s’indignerait pas face à la crise qui couve au sein de cette Institution dans un contexte de renouvellement du mandat de son Président ?
À travers ce conflit, l’institution panafricaine nous offre un « spectacle » digne des pratiques et suspicions que nous observons généralement au sein des Petites et Moyennes Entreprises. Toutefois, plaçons notre confiance en son Conseil d’Administration et le Conseil des Gouverneurs pour réhabiliter l’Institution et son image en tirant toutes les conséquences de cette affaire regrettable et inquiétante opposant son Président et une partie du personnel d’encadrement. L’équation est simple à résoudre : Qui a raison et qui a tort ?
Si les accusations graves à l’encontre du Président de la BAD ne sont pas avérées, alors point de protection des supposés lanceurs d’alertes.
Pour l’heure, l’Afrique à travers ses entreprises, ses ménages, ses médecins, son personnel soignant et ses opérateurs économiques s’intéresse à la gestion de la pandémie de Covid-19 et de ses conséquences économiques à court et moyen terme.
L’appel du Président Macky SALL en faveur de l’annulation de la dette des États africains a permis dans l’immédiat d’obtenir des résultats probants ci-après :
- l’allégement immédiat de la dette décidé par le Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International (FMI) de 25 pays dont 15 pays africains ;
- la suspension provisoire du service de la dette de 76 pays dont 40 pays africains, décidé par le G20 regroupant les premières puissances économiques du monde.
In fine, on aboutira certainement à l’annulation de la dette des États africains afin de limiter l’impact négatif de la pandémie du Covid-19 sur nos économies. Les arguments économiques et financiers ne manquent pas pour plaider en faveur de cette cause hautement légitime. Il s’agit pour l’essentiel :
- de libérer des ressources financières suite à la baisse dans le budget de l’État, des dépenses relatives au service de la dette ;
- de financer le déficit budgétaire résultant d’une part, des ressources mobilisées en faveur des plans de riposte et de résilience contre le Covid-19 et d’autre part, de la baisse des recettes (fiscales et non fiscales) résultant de la récession économique. Le recours à l’endettement additionnel est un impératif sous la contrainte de sa soutenabilité par rapport au PIB en décroissance ;
- de la dégradation du solde extérieur de la balance commerciale résultant d’une baisse substantielle des recettes provenant d’une part de la chute des prix des matières premières et des volumes des biens et services à l’exportation et d’autre part, à l’augmentation des coûts des importations et des conséquences sur le taux et les réserves de change ;
- de l’absence ou de l’impossibilité de recourir au Quantitative Easing (QE) – le rachat massif de titres de dettes des États et des acteurs financiers – par les Banques Centrales du Continent.
Le plaidoyer du Président de la Banque Mondiale nous rassure principalement en ce qui concerne l’encours de la dette antérieure contractée par les États africains et dont l’impact réel sur la vie et le quotidien des populations peine à être démontré. Le constat est implacable : nous avons une dette à rembourser par plusieurs générations d’africains.
Nous partageons l’argumentaire développé ci-avant à savoir l’impact de la dette sur les populations au regard des difficultés dans la gouvernance et la transparence auxquelles l’Afrique a été confrontée par le passé et probablement, dans une moindre mesure de nos jours. Qu’on se dise la vérité, l’Afrique a manqué d’ambition.
Quid de l’impact de la dévaluation du FCFA intervenue le 11 janvier 1994 sur le service de la dette des pays de l’UEMOA et de la CEMAC ? À l’époque, cette décision était-elle justifiée au plan économique, monétaire et financier ? Ou bien la décision politique a-t-elle pris le dessus sur la souveraineté monétaire des États et les décisions de l’homo œconomicus doté d’une analyse rationnelle ? Quelle est l’impact (le manque à gagner) de cette dévaluation sur le PIB nominal et sur la maitrise de l’inflation dans la zone FCFA ?
Vivement la légitimité que pourrait retrouver la Banque Mondiale auprès des leaders et des économistes du continent après les conséquences désastreuses sur le niveau de pauvreté résultant des politiques d’ajustement structurel imposées à l’Afrique dans le passé. Le processus d’industrialisation, la production agricole pour l’autosuffisance alimentaire, la promotion du service public de qualité notamment dans la santé, l’éducation et la formation ont été entravés par les programmes d’ajustement structurels et le manque d’ambition de nos gouvernants.
Toutefois, il serait léger d’ignorer la propension des agents économiques (entreprises et ménages) exerçant leurs activités sur le continent à opposer une attitude réfractaire à rejoindre le secteur formel. Il est urgent de formaliser les activités entrepreneuriales afin de booster les performances commerciales de nos Petites et Moyennes Entreprises et industries dans un marché concurrentiel à l’échelle continental et mondial.
Il s’agira de bannir le secteur informel pour emprunter le cercle vertueux de mise à niveau de nos entreprises à travers la normalisation des process de production, la promotion de la bonne gouvernance et le contrôle, mais aussi la transparence dans l’accès à la commande publique, la fiabilité de l’information comptable et financière, la conformité au plan juridique pour une meilleure protection sociale des travailleurs. Cette transformation générera une hausse substantielle des ressources budgétaires de nos États.
L’évasion fiscale à travers des montages juridiques et financiers complexes favorisée par des règles et des pratiques de la mondialisation de l’économie a également sa part de responsabilité dans la faiblesse des ressources budgétaires des États et particulièrement ceux de l’Afrique.
De ce qui précède, nous ne pouvons qu’encourager et soutenir le plaidoyer en faveur de l’annulation de la dette publique extérieure des États africains et la restructuration (rééchelonnement sans pénalité) de la dette privée dans un processus de concertation à l’échelle continentale à travers des réunions techniques avec les créanciers et les partenaires au développement.
Auteur de l’article : Ousmane DIENG
M. Ousmane DIENG a acquis une expérience professionnelle de 17 années dans le conseil et l’audit. M. DIENG a fondé le Cabinet de conseil INGENIOUS Partners Consulting spécialisé dans la stratégie, le Conseil Financier, l’entreprenariat, l’organisation, l’optimisation des performances, le contrôle et l’économie.