Moins d’une semaine après le coup d’envoi donné par le président Macky Sall pour acheminer 100 000 tonnes de vivres sur l’ensemble du territoire sénégalais, (dans le cadre de la lutte contre le COVID-19), la polémique éclate. Des organes de presse font état d’irrégularités dans l’attribution de certains lots de ce marché juteux en ces temps de disette. Les autorités réfutent ce qu’elles qualifient d’«allégations». Les réseaux sociaux en rajoutent une couche citant de grandes personnalités, hommes d’affaires et célébrités, tous bénéficiaires de «deals».
Au milieu de la polémique, deux entreprises ( Avanti Suarl et Afri & Co Suarl,) appartenant à l’homme d’affaire libanais Rayan Hachem, jusque-là connu pour être le promoteur de Planet Kebab, restaurant -fast food, sont désignées à la vindicte populaire. Patriotisme économique exaspéré ou xénophobie décomplexée ? Trop tôt pour trancher. Les deux établissements ont en tout cas gagné deux marchés d’une valeur estimée à plus de 18 milliards de FCFA pour l’importation de denrées (du riz en général) dans le cadre de l’aide alimentaire pour la lutte contre la Covid-19.
Interpellé, le ministre conseiller en communication à la présidence de la République, Seydou Gueye, accuse un lobby impressionnant (ONG, société civile, activistes, médias …) de vouloir salir l’image du Sénégal «mais cela ne passera pas», assure-t-il, tout en réaffirmant que l’Etat jouera la carte de la transparence en impliquant tous les acteurs pour que la distribution soit faite de manière équitable. Les autorités ne vont ménager aucun effort afin que les denrées aillent aux nécessiteux et non aux militants politiques, raille ce cadre du pouvoir qui croit savoir que derrière la bronca, il y a divers intérêts qui cherchent des dividendes politiques ou économiques.
Crainte du «coronavirus politique»
Jusque-là muet, Ousmane Sonko, arrivé en 3e position au scrutin présidentiel du 24 février 2019, avait tiré sur la sonnette d’alarme. «Nous sommes en crise. Mais en aucun cas, il ne faudrait pas qu’un franc destiné à ce combat se retrouve là où il ne devrait être. Il ne faut pas que cet argent se retrouve ailleurs que dans la lutte contre le Covid-19 », avertissait le leader du parti dénommé Patriote du Sénégal pour le travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF), courant mars, à sa sortie d’audience avec le chef de l’Etat, dans le cadre des consultations politiques et citoyenne. «Il ne faut pas que cet argent serve à acheter des [voitures] 4-4’’ ou tombe dans les proches des ‘’lobbys’’».
S’exprimant dans une radio privée sénégalaise, jeudi 16 avril, l’ex député du parti au pouvoir (Alliance pour la République), Moustapha Diakhaté, a appelé, lui, à dessaisir le gouvernement de Macky Sall du pilotage du Force Covid-19 «pour empêcher le pillage des deniers publics et assurer les meilleures conditions d’une gestion inclusive et transparente des 1000 millions francs de CFA ».
Dualité entre rapidité et transparence
Pour rappel, l’attribution des divers marchés dans le cadre de cette vaste opération de distribution de vivres s’est faite à travers le décret présidentiel 2020-781 du 18 mars 2020 portant dérogation au code des marchés publics. Le procédé garantit une distribution diligente mais pas forcément une transparence optimale. Par souci justement de transparence, l’Autorité Régulation des Marchés Publics avait été sollicitée pour garantir et concilier cette double exigence de transparence et de rapidité.
Dans la foulée, un avis de commande ouverte en procédure d’urgence avait été lancé et publié dans trois (3) différents quotidiens de la place par le ministère du développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale pour l’achat de :
-Riz brisé non parfumé en sac de 50 kg : 5000 tonnes
– Sucre en conditionnement de 10 ou 5 kg : 500 tonnes
– Huile en conditionnement de 5 ou 10 litres : 10.000 litres
– Pâtes alimentaires en conditionnement de 5 ou 10 kg : 1000 tonnes
– Savon en pack de 18×300 grammes unités : 10.000 packs
Dans le dossier de candidature, le ministère demandait aux soumissionnaires de fournir trois éléments :
– Une facture proforma indiquant les quantités proposées et les prix.
– Une attestation sur l’honneur indiquant les quantités des stocks disponibles qui doivent être supérieures ou égales aux quantités minimales fixées ci-dessus
– Un échantillon de chaque produit proposé
Sur cette base, quatre (4) entreprises ont proposé le prix de 275.000 FCFA la tonne soit le coût le moins cher sur le marché.
Il s’agit des entreprises :
– Comptoir commercial Mandiaye Ndiaye pour 30.000 tonnes
– Bambouck pour 5000 tonnes
– Avanti SUARL et Afri and Co pour 65.000 tonnes
Pour rappel, le gouvernement sénégalais a annoncé un fonds de 1.000 milliards de francs CFA destiné à la « riposte contre les effets du coronavirus ».
Sur ce montant total, 50 milliards de francs CFA, soit 5% sera destiné à l’achat de vivres.