Appel à la solidarité internationale de Mohamed H’midouche, marocain, ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement (BAD).
Il y a soixante ans, la majorité des pays africains ont accédé à leur indépendance politique et ont mené un combat acharné pour assurer le développement socio-économique de leur population, très souvent en faisant appel à l’aide internationale, et faute de moyens financiers propres suffisants, en contractant une dette publique ou privée, devenue un « business » florissant et un fonds de commerce des bureaux d’études et des entreprises des pays du Nord.
Force est de constater que la dépendance de l’Afrique de ses anciennes puissances coloniales n’a pas du tout diminué et constitue encore un sujet de préoccupation majeur.
Un virus qui dévoile la fragilité des pays
La crise sanitaire mondiale liée à la pandémie du COVID-19 que vit l’humanité tout entière, en ce moment, a démontré la vulnérabilité de tous les pays, qu’ils soient du Nord ou du Sud, en raison du peu de moyens et d’investissements réalisés dans le secteur de la Santé. Le faible niveau des salaires et d’investissements dans les infrastructures hospitalières d’Afrique a entraîné une fuite des cerveaux (médecins, infirmiers, aides-soignants etc.) vers les pays du Nord (Europe, Canada, Etats-Unis entre autres) sans frais de formation pour ces derniers, entraînant une vulnérabilité des pays du Sud, qui se retrouvent en manque de personnel de santé suffisant afin de sauver la vie des populations affectées par le Coronavirus, importé de Chine ou des pays du Nord.
Selon les statistiques publiées sur le site de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019à la date du 15 avril 2020, les pays du monde entier ont enregistré 1.914.916 de cas confirmés, 123.010 décès, et 213 pays, zones ou territoires sont infectés. On observe également que les pays les plus affectés par le COVID-19 appartiennent à l’hémisphère Nord (Europe et Etats-Unis principalement) alors que la région Afrique reste la moins touchée par le COVID-19.
En Afrique, le nombre de cas confirmés de COVID-19 est passé à plus de 10.000 cas sur une population de 1,3 milliards de personnes et a causé plus de 500 décès. Bien que le virus ait été lent à atteindre le continent par rapport à d’autres régions du monde, l’infection a connu une croissance exponentielle, ces dernières semaines et continue de se propager.
Le premier cas de COVID-19 en Afrique a été enregistré, en Égypte, le 14 février, et a atteint le continent par l’intermédiaire de voyageurs revenant de points chauds en Asie, en Europe et aux États-Unis. Depuis lors, 52 pays au total ont signalé des cas. Au départ, principalement confinés aux capitales, un nombre important de pays africains signalent maintenant des cas dans plusieurs provinces. Selon le Chef du bureau Afrique de l’OMS, seuls deux pays sur 54 (les Iles Comores et le Lesotho) n’ont pas enregistré de cas de contamination par le virus).
L’état d’urgence sanitaire que l’humanité tout entière vit, aujourd’hui, représente un choc dévastateur historique, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il y a de cela trois quart de siècle avec un triple impact sanitaire, social et économique sans précédent, entraînant une grave récession, pire que la triple crise mondiale énergétique, agricole et financière de 2008-2019.
Et si on inversait les rôles ?
L’Afrique, a l’instar des autres pays du monde, s’est fortement mobilisée pour faire face au risque sanitaire causé par le virus. Un véritable élan de solidarité nationale a vu le jour. Des mesures de protection exceptionnelles ont été mobilisées dans le cadre d’une guerre sanitaire sans précédent. Parmi ces mesures, nous pouvons citer, entre autres, la déclaration d’état d’urgence sanitaire, la fermeture des frontières, de l’espace aérien et ports aux passagers, le confinement de la population, la mise en place de fonds spéciaux pour la collecte des contributions volontaires des Etats, de leurs administrations et des entreprises publiques, des établissements bancaires et des grandes entreprises, les salariés des secteurs publics et privés, la sensibilisation de la population par voie de médias sur les mesures d’hygiène à adopter pour éviter les infections, la mobilisation du corps médical du secteur public, privé et de l’armée, la distribution d’aide financière aux salariés admis au chômage technique, en raison du confinement obligatoire, la suspension des prélèvements des taxes, impôts et traites bancaires etc.
Pour faire face à l’impact négatif causé par le COVID-19, notamment la baisse drastique des recettes en devises générées traditionnellement par les exportations, le tourisme et les transferts de la diaspora africaine, les pays du Sud ont fait appel à la Communauté internationale et aux organismes financiers bilatéraux et multilatéraux afin de leur apporter l’aide d’urgence requise pour les aider à surmonter ces moments difficiles. D’autres voix se sont élevées ici et là pour demander une annulation pure et simple de la dette extérieure de l’Afrique, ce qui ne semble guère réaliste. Tout au plus, l’Afrique pourrait obtenir de ses partenaires techniques et financiers un moratoire ou le rééchelonnement de sa dette.
Par ces temps de crise mondiale, la solidarité entre les nations doit se manifester de façon très forte afin de soulager les uns et les autres, des affres causées par la pandémie du Coronavirus. Considérant que les pays les plus affectés par le virus sont situés dans l’hémisphère nord, il est du devoir moral des pays du Sud, et notamment d’Afrique, d’exprimer leur très forte solidarité avec les pays du Nord, en dépit de leur situation de vulnérabilité. A cet effet, et par altruisme, je lance un appel solennel à nos leaders, organisations panafricaines et communautés économiques régionales ainsi qu’à la société civile de tous les pays africains à se mobiliser, fortement, pour apporter aux pays du nord, lourdement affectés par le COVID-19 (et dont une partie des personnes décédées ou malades est originaire d’Afrique), une aide exceptionnelle et symbolique sous forme de produits en nature disponibles dans nos pays (café, cacao, arachide, poissons etc.). On pourrait aussi autoriser les bateaux de pêche des pays européens à pêcher, dans les eaux maritimes africaines très poissonneuses, à titre gracieux, pendant une période de trois mois. De plus, la remise, même symbolique (un pour cent par exemple), des fonds de solidarité collectés au niveau de chacun de nos pays africains, serait très fortement appréciée par nos amis des pays du Nord que nous sollicitons, à chaque fois que nous sommes exposés à des catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations, sécheresse etc.).
Vive la coopération internationale Sud-Nord !
Un commentaire
Et puis quoi encore, ça suffit qu’ils aient déjà allègrement profités des richesses de l’Afrique.