Par Mokoko Théophane, Managing Partner d’INFINITE CAPITAL.
L’Europe, La Chine, aux côtés de l’OMS, s’accordent à dire que le risque d’une «hécatombe sanitaire» pèse sur le continent Africain. Pour cause, le manque de structures adéquates de prise en charge, couplé à l’insuffisance de moyens financiers conséquents. Pour la première fois dans l’histoire contemporaine du monde, ce n’est pas l’Afrique qui tend la main au monde, mais c’est le monde qui vient prétendument au chevet de l’Afrique. Intéressant certes, mais pourquoi donc ?
A ce jour le nombre de morts enregistré à la suite du COVID-19, en Afrique, n’atteint même pas le quart de celui des pays développés. Les causes annoncées sont régulièrement d’ordre pathologique (les Africains souffrent de pathologies apparentées, tel que le paludisme et la malaria), peut-être climatiques (les fortes chaleurs ne favoriseraient pas une propagation a grande vitesse) ou encore liée aux coutumes (médecine traditionnelle). Et pourtant l’Afrique, continent le plus pauvre, où le taux de salubrité est le plus élevé, parvient jusqu’à présent à contenir cette pandémie.
Le FMI et la Banque Mondiale, «volant au secours» des Etats Africains, ont décidé d’apporter des aides chiffrées a plusieurs centaines de millions de dollars pour faire face au COVID-19. Officiellement, ces aides sont des prêts dits a taux zéro, avec des délais de remboursement assez faibles. De plus, suite à l’engagement de la France et de l’Europe d’annuler la dette de certains pays, l’on est en droit de se poser la question de savoir, de quel type de dette s’agit -il essentiellement ? Il s’agit des dettes souveraines, c’est-à-dire des dettes contractées directement a l’endroit des Etats. Ce sont généralement des dettes dites bilatérales. Seul bémol, cette tendance était valable dans les années 80 et ne représente plus aujourd’hui qu’une infime portion du stock global de dette sur le continent.
Depuis le début des années 2000, les Etats Africains se sont endettés, entre 80 et 90% , auprès d’acteurs privés (banques, traders, fonds spécialisés etc..). Cette tendance a été accentuée par le fait que ces bailleurs privés ont une capacité à mobiliser des ressources de façon plus importante et de manière plus rapide. Ce recours aux bailleurs privés est une option inévitable pour permettre aux pays sous-développés de rattraper/combler les retards infrastructurels. Cependant, il est reproché à bon nombre de pays Africains un surendettement exacerbé, ce qui fait que les critères de convergence régionaux en matière de respect des limites du niveau d’endettement (70%-80%), sont casi-en passe de ne pas être respectés.
Avec ces nouvelles «aides», il est clair que nos Etats vont demeurer dans la spirale. De plus, notons que nombre de ces pays ont des économies essentiellement adossées sur les revenus de la rente pétrolière ; les tous récents soubresauts sur les marchés des commodities vont à n’en point douter créer des déséquilibres macroéconomiques profonds. Ces pays n’ont pas le même niveau de résilience que les pays développés.
Amputation budgétaire de l’Union Africaine
Si les Etats sont à la recherche de réponses individuelles face au COVID-19, c’est bien parce que l’Union Africaine peine à apporter une réponse Africaine réelle. Notons que le budget de l’UA avoisinait les 800 millions de USD en 2018, et doit osciller autour de $ 1 milliard USD en 2020. Environ 20% à 30% de cette enveloppe pourrait être amputé afin d’apporter une vraie réponse coordonnée, plutôt que de de financer une institution déjà suffisamment budgétivore. Cette amputation pourrait concerner les lignes suivantes:
a) Reduction de moitié de salaires pour les hauts cadres et cadres moyens sur une période de 3 à 6 mois.
b) Fermeture momentanée de certaines missions non cruciales.
Les $ 300 millions USD dégagés de ces coupes budgétaires pourrait permettre d’acquérir 50 mille respirateurs d’une valeur de $6000 USD. A raison à peu près de 600 à 700 respirateurs par Pays membre. Notons que chaque pays membre s’est engagée à contribuer a hauteur de 0.2% de son PIB afin de soutenir le budget de l’U.A. En somme, l’Afrique ne doit guère tomber dans le piège d’une riposte calquée, mais surtout apporter une réponse en adéquation avec les réalités du continent.