Par Dr Camara el hadji Alioune, Maître de conférences titulaire à l’Université de Thiès, Sénégal.
Depuis que le Président Macky Sall a demandé l’annulation de la dette (de même que les chefs d’Etats de la zone CEMAC), bon nombre d’économistes sont sortis pour exposer autour de la problématique de l’endettement. Bien que les questions qu’ils soulèvent soient pertinentes, le contexte actuel devrait nous amener à sursoir le débat sur cette problématique qui au regard de la littérature ne date pas d’aujourd’hui.
A mon humble avis, la question qui se pose dans ce contexte du Covid-19 est de savoir s’il est légitime ou non de demander l’annulation de la dette ; est-ce que les pays du Nord sont dans l’obligation d’annuler notre dette publique ?
Pour répondre à cette question, revenons sur l’avis du président français, Emmanuel Macron, exprimé le 15 avril 2020 dans les ondes de RFI : « Quand on regarde comment toutes les économies développées ont répondu à la crise, on a fait deux choses : un choc de politique monétaire et un choc de politique budgétaire. Les banques centrales, la Banque d’Angleterre, la FED, la BCE, ont eu une politique monétaire massive au mois de mars, sans précédent en termes de rapidité et de magnitude. Et ensuite, une réponse budgétaire, que les gouvernements sont en train de prendre. Dans ce contexte, il n’y a pas d’équivalent monétaire sur le continent africain, et c’est la double peine : il n’y a pas la possibilité de faire cette création monétaire et ce mouvement justement nécessaire aux économies ».
L’aveu du Président Macron est de taille ; il avoue que les pays de l’UE tout comme les Etats Unis ont monétisé leur dette à travers leur banque centrale respective et la banque d’Angleterre a mise en marche une planche à billets (traduction en langage du président Macron « politique monétaire massive ») pour faire face à l’impact du Covid-19. Toutefois, selon le président Macron, nous ne pouvons pas utiliser le même outil pour faire le même exercice. Ceci pour dire que selon son argumentation, ce n’est pas de gaité de cœur qu’il soutient l’annonce du Président Sall mais plutôt pour des raisons de logiques morales.
Seulement, au vu des relations entre l’Afrique et les occidentaux, depuis le temps de l’esclavage (en passant par les guerres) jusqu’à nos jours, ces derniers nous doivent trois fois plus que ce qu’ils nous réclament comme dette. Donc cette dette n’existe pas, nous ne devons absolument rien aux occidentaux ; la demande d’annulation de la dette et plus que légitime. A propos de cette légitimité, nous avons lu et approuvé la contribution de l’actuaire et financier CISSE ABDOU (*) sur les colonnes de FinancialAfrik au 30 Mars 2020 pour son article intitulé : «la France ne peut pas nous refuser des pratiques monétaires qu’elle met en œuvre depuis 2015».
Dans son communiqué du 22 mars 2020, la BCEAO accepte l’émission de bons du trésor dénommés bons Covid-19 ; bons d’une maturité de trois mois, émis sur le marché financier régionale pour faire face aux dépense immédiates liées à la lutte contre la pandémie du Covid-19. Avec le concours de l’Agence UMOA-Titres, elle procèdera à la structuration et programmation de ces émissions ; un guichet spécial est ouvert par la BCEAO pour permettre aux banques un refinancement de ces bons dès le jour de l’émission ou au plus tard un mois après acquisition pour la durée récente du titre.
Bien que la décision de la Banque centrale soit un premier pas non négligeable, nous l’incitons à aller plus loin pour monétiser nos futurs projets publics et sortir complètement du cercle vicieux de la dette, comme l’a si bien proposée CISSE ABDOU (référence ci-dessous).
Dr Camara el hadji Alioune
Maître de conférences titulaire à l’Université de Thiès.
(*) Les deux articles de l’actuaire et financier CISSE ABDOU : https://www.financialafrik.com/2020/03/30/abdou-cisse-la-france-ne-peut-pas-refuser-a-la-zone-cfa-des-pratiques-monetaires-quelle-met-en-oeuvre-depuis-2015/ https://www.financialafrik.com/2017/12/29/les-titres-financiers-cfa-obligations-une-solution-pour-acceder-aux-services-publics-monetaires/