Le président Umaro Cissoco Embalo de la Guinée Bissau veut passer d’un régime parlementaire à un régime présidentiel fort. Le projet suscite bien des critiques en raison de son caractère jugé «anticonstitutionnel» selon certains juristes rappelant qu’un tel changement doit être porté par le parlement. Pour bien en comprendre les enjeux, nous nous sommes entretenus avec Alfred Baloucoune, Juriste, Economiste, Professeur à La Sorbonne et Responsable des Juridictions du parti indépendantiste Bissau guinéen, le PAIGC, en France.
Celui qui désigne encore Umaro Cissoco Embalo comme « le candidat autoproclamé président » demande en toute urgence aux organisations internationales de reconsidérer leur “position très ambiguë et sybilline” pour que l’ordre constitutionnel, l’état de droit et la sécurisation des organes souverains soient rétablis en Guinée Bissau. « Au 21 ème siècle, nous devons, poursuit-il, nous mobiliser pour la « tolérance zéro contre les coups d’Etat”. Désignant le gouvernement actuel par une “coalition de terroristes et de putschistes avec la complicité de l’armée”, normalisant à ses yeux, “la libéralisation du trafic de drogue, de la criminalité, de la propagande tribalisme”, Baloucoune en appelle à la communauté internationale.
“Nous appelons la CEDEAO à respecter notre souveraineté ainsi que les lois et la constitution de notre pays à travers des décisions qui seront à prendre après le 22 mai”. Et de rappeler sa position de principe et celle de son parti (PAIGC) en rappelant l’article 127 de la constitution Bissau guinéenne : « Toute révision constitutionnelle doit passer par le parlement ». “Umaro Sissoco Embalo n’a aucune habilitation pour entreprendre sa révision ni son changement en régime présidentiel. «L’initiative de la révision appartient au députés. » Que la communauté internationale assume ses responsabilités : “nous ne voulons pas un président de fait mais de droit”, conclue Alfred Baloucoune.
Un commentaire
Un vrai paradoxe. Le PAIGC, parti majoritaire en Guinée- Bissau mobilise en son sein de plusieurs éminences grises. Mais paradoxalement, cette éminence grise ne met pas son intellect au service de ce pays. On se contente d’utiliser les mêmes règles pour aboutir aux mêmes résultats. Le Président Cissoko a vu juste de vouloir renforcer les pouvoirs du Président. Nous sommes dans un pays où les pouvoirs sont partagés et au final, personne n’est responsable des mauvais résultats. Le jeu doit être clarifié et le peuple saura à qui demander de compte. Telles que les institutions fonctionnent ici, il faudrait que le Premier Ministre et le Président s’accordent pourque les choses marchent. Dans ces conditions, à quoi devrait servir le projet de société du Président ? La constitution actuelle a fait son temps avec ses résultats. Manifestement, tous les acteurs politiques doivent avoir l’humilité de constater les limites de cette constitution. Le Président précédent en avait fait les frais. Aucun des programmes soumis par les premiers Ministres nommés par lui n’avait réussi à obtenir le vote de leur programme. Le statu quo a trop duré. Les intellectuels doivent se mettre ensemble pour réfléchir et sortir ce pays du cycle vicieux de l’instabilité.