Depuis peu, un conflit couve entre la société Arise Mauritanie et la Direction du Port Autonome de Nouakchott au sujet de la construction d’un Terminal à conteneur ainsi que d’un quai pétrolier. Arise (filiale de OLAM/TEMASEK Holdings) exécute ce projet en vertu d’un contrat PPP signé le 05 octobre 2018 avec le gouvernement Mauritanien. Il s’agit d’un investissement de presque 400 millions de dollars dans lequel participe le fonds d’investissements Meridiam.
Contre toute attente, les nouvelles autorités portuaires de Nouakchott ont commencé récemment à soumettre Arise à des pressions administratives dont le but avoué n’a pas encore été révélé. Toutefois et à l’heure où ces lignes étaient rédigées, nul ne sait encore les griefs retenus à l’encontre de Arise, pas plus que les motivations réelles du Port de Nouakchott. Le voile reste entier sur cette situation que les observateurs de la place y vont chacun, à qui mieux-mieux, de sa petite analyse confinée.
Quoi qu’il en soit, il nous semble qu’avant de s’en prendre directement à Arise, il faudra commencer par s’intéresser à ceux qui ont permis à Arise d’être là et légalement. Il y a toute une chaine de prise de décisions à remonter pour situer les responsabilités dans le cas où il y aurait – supposées ou réelles – défaillances ou malversations. Car, Arise n’est pas venue s’imposer par elle-même.
Ce premier contrat PPP en Mauritanie portait déjà en lui-même les symptômes courants des actions gouvernementales improvisées et menées tambours battants par de hauts dépositaires de la puissance publique obéissant «à la baguette» à un Exécutif personnifié.
Autant les PPP sont déjà décriés pour de multiples raisons, autant la Mauritanie s’est empressée, en 2017, à concevoir une loi sur les PPP pour ensuite immédiatement introduire dans le pipeline tout un portefeuille de projets candidats à ce mécanisme.Faut-il rappeler que l’établissement d’un contrat PPP implique beaucoup de temps, beaucoup d’intervenants de différentes disciplines et une bonne dose de décision souveraine.
Ainsi, pour dénoncer pareil contrat, il est d’une légèreté affligeante que de commencer par s’attaquer à la partie prenante contractuelle qui – jusqu’à preuve du contraire – n’a pas encore failli à ses engagements. Ce n’est pas pour dédouaner Arise – loin s’en faut – mais pour dire que si le Gouvernement Mauritanien souhaite réparer un tort portant préjudice à son peuple, il devra actionner les mécanismes appropriés en commençant par la genèse de cette sulfureuse affaire.
Car, le risque dans ce dossier réside moins dans l’avènement du conflit en soi que dans l’image que la Mauritanie va refléter sur le monde des affaires. De toute évidence, cette prise de conscience trouve sa pleine justification dans les aspirations affichées par le Gouvernement actuel en vue d’attirer les investissements étrangers (IDE). Ainsi donc, la prudence devra être de mise avant d’enclencher toute action de ce genre ; autrement, l’effet escompté ira à l’encontre des politiques et stratégies de développement prônées par l’Etat Mauritanien.
Il nous plait de rappeler que dans son discours à la Nation, à l’occasion de la célébration du 59ème anniversaire de l’indépendance nationale le 28 novembre 2019, le président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouany, annonçait «la création d’un conseil supérieur de l’investissement qui contribuera à l’amélioration du climat des affaires, l’attraction des investissements et l’appui au partenariat entre les secteurs public et privé».
A en croire que – dans cette affaire comme dans d’autres – la recette immuable est la suivante : à chaque fois que l’on veut berner le peuple – et s’enrichir à ses dépens – on invente une belle histoire d’attraction des investissements étrangers que l’on ficelle convenablement après avoir pris la précaution de bien tisser une sorte de toile d’araignée autour. Ensuite, on mijote le tout à la sauce de la temporalité en prenant bien soin d’y rajouter les précieux ingrédients que sont l’ignorance de la masse, la cupidité des uns et des autres, la mauvaise foi des législateurs et les ambitions des partenaires étrangers. Le tout, le temps d’une saison…électorale.
En pareil cas et sous d’autres cieux, les responsabilités auraient été définies et la justice serait passée; ensuite l’histoire se serait occupée de l’incruster dans les mémoires.
En Mauritanie, les limites de la vision prospective est, pour certains, le bout de leur nez, pour d’autres leur ventre, et pour le reste «ne sais pas» comme dans les sondages publics. Les mauritaniens sont-ils le le seul peuple au monde à avoir compris que le futur c’est le présent ? Carpe diem.
Arrêtons cette pratique bien arabe et africaine de vouloir à chaque fois de faire payer «aux Etrangers» les conséquences de la mauvaise gouvernance au sommet. Nous sommes tentés de dire que c’est un modèle économique – et gouvernemental – que nous avons érigé au grand bonheur de la multitude qui se délecte de pareils agissements au nom d’une pseudo-souveraineté.
Le pathétique dans tout cela est que l’ignorance de la masse la fait se délecter à chaque fois que ses gouvernants l’enfoncent davantage dans la misère à travers des mécanismes de concussion rompus à toute épreuve. Le cercle vicieux est ainsi maintenu par la manipulation et la mauvaise foi.
A y regarder de plus près, la Direction du Port Autonome de Nouakchott n’en a pas après Arise, mais ses griefs inavoués sont plutôt à l’encontre du Croquemitaine. Et ce n’est pas une soudaine vertu qui est le moteur de la frénésie actuelle dont on espère en voir bientôt le dessous des cartes dévoilé. Toutefois aussi, il est grand temps de nous ressaisir, de nous ébrouer et de rattraper le coche de la mondialisation.