La célèbre société de renseignement privé, Black Cube, à l’issue d’une opération d’infiltration de plusieurs mois, est parvenue à monter un dossier solide sur les dissimulations du géant Minier Vale dans le cadre du contentieux qui l’oppose à Steinmetz et sa filiale BSGR. Un retournement complet de situation depuis la condamnation de cette dernière en avril 2019 par la «London Court of International Arbitration».
Black Cube : l’espionnage au service de la vérité
Le dossier constitué par Black Cube, déposé au tribunal de New-York, est la conclusion de plusieurs mois d’une opération d’infiltration des agents de la société, pour la plupart anciens de services de renseignement israéliens. Spécialisée dans la résolution des enjeux et litiges business, l’agence de renseignement privé a pour principale activité le «soutien en contentieux judiciaires» et s’est distinguée à de nombreuses reprises dans des affaires de haut niveau : Alstom/Afcon en 2016 ; identification d’un réseau de corruption de grande ampleur au sein du système judiciaire Panaméen en 2019, etc.
C’est son savoir-faire en ROHUM (Renseignement d’Origine Humaine) et en cartographie qui a permis à Black Cube la collecte des éléments du dossier prouvant aujourd’hui les dissimulations de Vale lors de la procédure arbitrale. Pour parvenir à ses fins, l’agence a créé tout un écosystème de sociétés-écrans, de sites internet et de profils fictifs sur les Réseau sociaux. En d’autres termes c’est une mise en scène de grande ampleur que Black Cube a montée afin de soutirer les témoignages des employés et dirigeants de Vale qui pensaient s’adresser à de banals consultants ou collecteurs de fonds, suivant les scénarii utilisés. Une opération ambitieuse dont l’exécution fût rondement menée.
Un différend déjà ancien
Le différend qui oppose le géant minier Vale à BSGR, filiale de Steinmetz, est ancien. A l’origine, en 2010, la prise de participation de Vale à hauteur de 51% de BSGR et la création d’une co-entreprise pour l’exploitation de deux blocs du plus important gisement de minerai de fer prouvé du monde à Simandou en Guinée. Or en 2014, le président de Guinée révoquait les licences d’exploitation acquises en 2008 par Steinmetz, pour cause de corruption : une mise en accusation contestée formellement et dès l’origine par Steinmetz. Cette dernière a d’ailleurs été précisément blanchie de ces accusations, ainsi que toutes les personnes concernées, par la Haute-Cour de Justice de Guinée depuis février 2019.
A la suite de cette révocation, Vale engagea des poursuites auprès du tribunal arbitral de Londres contre Steinmetz qui l’aurait frauduleusement et sciemment poussée à investir dans sa filiale coupable de faits de corruption. A l’issue d’une longue procédure, Vale obtient de Steinmetz en 2019 un dédommagement de son investissement à hauteur de deux milliards de dollars. Un jugement vivement contesté et marqué par une attitude douteuse de Vale dans le partage de sa documentation interne doublé d’une procédure étrange de destruction [des documents]. Un faisceau de signaux douteux ayant poussé Steinmetz à faire appel aux services de Black Cube.
La conspiration d’un géant minier…
Or les investigations très poussées de Black Cube ont précisément mis en évidence que Vale était parfaitement au courant de l’éventualité de faits de corruptions autour des licences d’exploitations.
Comme l’a déclaré M. Beny Steinmetz au Financial Times: « Vale était au courant des rumeurs mais ils ont fermé les yeux, les oreilles et le nez pour conclure l’affaire« . L’entreprise minière aurait cependant décidé d’agir comme le met en évidence le témoignage d’un ancien dirigeant de Vale, Jose Carlos Martins : « Nous savions que quelque chose n’allait pas (…) mais Simandou constituant pour nous la seule porte vers le marché africain (…) le conseil me dit d’y aller quand même». Afin d’illustrer la décision du directoire de Vale, M. Martins n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher une métaphore éloquente en comparant l’affaire à une femme atteinte du VIH : «Vous l’amenez dans votre chambre d’hôtel, elle est nue, merveilleuse, puis elle dit : « Un petit problème, je suis peut-être atteinte du SIDA », d’accord ? C’est un problème. »
En outre, Black Cube fait ressortir que Vale, avant la révocation des licences, camouflait déjà sa volonté de quitter l’accord pour des raisons purement financière et commerciales. Ainsi, le PDG de Vale, Murilo Ferreira, considérait à l’époque que le projet n’était plus viable du fait de la hausse des exigences du gouvernement de Conakry : celui-ci voulant contraindre le groupe à la construction d’une voie de chemin de fer, afin que les flux d’exportation de minerai passent par la capitale de Guinée, Conakry, et non via le Libéria.
Outre la déloyauté originelle de Vale dans la co-entreprise, c’est sa sincérité au cœur même de ses propres accusations qui est remise en cause, et cela dans le cadre d’une procédure officielle. De plus, les révélations de Black Cube sont, du même coup, de nature à innocenter Steinmetz et BSGR auprès de la «London Court of International Arbitration» et ainsi lever une indemnisation indûment imposée.
… déjà connu pour sa culture de la dissimulation
Vale n’en est pas à sa première affaire. En effet, à la suite de la catastrophe de la rupture du barrage minier de Brumadinho (Brésil) en 2019, l’entreprise et ses dirigeants ont fait l’objet de poursuites judiciaires pour homicide et falsification de rapports d’experts pointant les failles de sûreté dudit barrage. D’autres audit (dont celui de l’entreprise allemande de sécurité Tüv Süd) ont également révélés d’importantes failles de sûreté à l’encontre d’au moins trois autres barrages de Vale ainsi qu’une véritable culture de la dissimulation au sein du groupe.
Au regard de la situation on ne peut que souscrire à la décision de Steinmetz de faire appel à la société Black Cube. La maestria de ce service de renseignement privé a permis de déjouer la politique de dissimulation et de rétention de l’information de Vale pourtant dénoncée depuis longtemps par Steinmetz. Au regard des preuves qui s’accumulent contre Vale et, inversement, des blanchiments en cascade de Steinmetz, cette dernière peut espérer bientôt voir se profiler une réouverture ainsi qu’une révision de la procédure d’arbitrage qui l’a injustement condamnée l’année dernière. Gageons que cette affaire incitera le directoire de Vale à revoir sa gouvernance et sa politique de confidentialité.