Par Moro Cissé, opérateur économique*
Alors que le directeur général du Port Autonome de Nouakchott (PAN) a interdit depuis ce vendredi matin l’entrée de l’enceinte au personnel de Arise Mauritanie, qui y dispose de bureaux provisoires en attendant la construction de leurs locaux, Mory Guéta Cissé, en opérateur économique, rappelle le bon sens, le droit et les usages. La nouvelle Mauritanie se construira avec (et non sans) une bonne image de pays disposant d’un environneent des affaires propices, respectueux de ses engagements et garantissant la protection des investissements et de la propriété privée. Par Moro Cissé.
Nous avons comme l’impression que notre fibre patriotique n’est mise à l’épreuve que lorsque nos intérêts personnels ou ceux des personnes que l’on veut défendre, et dont on se veut être le bras armé, sont mis en cause. Dans une structure organisée, il existe une hiérarchie des décisions et quand il s’agit de la signature d’un Etat souverain dont la continuité de l’action et de ses engagements est le gage de de la pérennité de son existence et de sa crédibilité, il y’a lieu de faire très attention aux actes que l’on pose pour ne pas ternir notre image au plan international et entrainer le pays dans des contentieux inutiles à l’issue incertaine.
Nous sommes un petit pays et nous nous connaissons et savons qui est qui ? et qui peut faire quoi, des idées novatrices il y’en a trop peu seul le mimétisme est la règle de la recherche du gain facile source de concurrence anarchique et des exemples sont nombreux , pour ne citer que les banques, les compagnies d’assurances, les boulangeries, les pharmacies, la pêche artisanale, industrielle, les usines de farine de poissons, les stations d’essence, les vieux Taxis Mercedes interdits en Europe, etc… et tout dernièrement l’envie d’être des opérateurs dans le domaine des infrastructures portuaires.
Que l’on ne s’y trompe pas : il n’y a aucun opérateur mauritanien ou groupe d’opérateurs privés nationaux capable de mobiliser les fonds nécessaires pour la réalisation des plates formes portuaires actuellement en construction et d’en assurer ultérieurement l’exploitation et la gestion quotidienne même dans le cadre d’un Partenariat Public Privé ; l’Etat a d’autres priorités pour ne pas s’endetter pour ce faire ni investir nos maigres ressources pour le financement de tels projets certes structurants mais nécessitant des investissements lourds ainsi qu’un niveau de technicité et de professionnalisme qui fait cruellement défaut actuellement.
Que nos opérateurs nationaux exerçant dans les domaines portuaires aient des ambitions cela est très normal et légitime mais il est inconcevable qu’un projet d’une telle dimension soit bloqué pour des raisons inconnues et, du seul fait du prince.
Arise Mauritanie est une entreprise nationale dûment enregistrée et ayant son activité principale en Mauritanie et bénéficiant d’un contrat de concession sur le domaine portuaire pour la réalisation de sa plateforme et, à ce titre comme toute entreprise implantée avec un niveau d’investissement de départ de 360 Millions de Dollars sans apport ni garantie de l’Etat mauritanien.
A ce titre, elle peut et doit bénéficier des avantages fiscaux que confère notre Code des Investissements aux entreprises agréées prioritaires car remplissant toutes les conditionnalités avec la création de plus d’un millier d’emplois durant la phase de construction de 18 mois environs et 500 emplois permanents au cours de son exploitation au terme d’une concession de 25 ans.
Les concessions sur tous les ports africains ont toujours suscité des polémiques, il en fut ainsi à Dakar, Lomé, Accra, Abidjan mais une fois la convention signée par les autorités compétentes, il faut s’orienter à mobiliser les ressources financières pour la réalisation des ouvrages et, nul ne peut s’imaginer l’arrêt des travaux d’un chantier de cette envergure pendant près de 3 mois sans aucune raison valable alors que selon les coupures de presse la moitié du budget d’investissement est déjà mobilisée et reflète le niveau des travaux effectués.
La signature d’un Etat est sacrée, elle engage sa dignité et sa crédibilité au plan national et international et constitue un instrument pour manifester son engagement et l’indépendance de notre nation ; aussi faudrait-il la respecter et la faire respecter par tout moyen de droit
Quel que soient les motifs que l’on peut évoquer rien ne peut justifier l’arrêt d‘un chantier depuis 3 mois avec près de 750 employés dont l’entreprise continue à assurer toutes les charges alors qu’un planning de travail adossé accord parties aux termes et conditions de la convention de concession est encore en vigueur et les retards éventuels dans la livraison et l’exploitation pourraient être reprochés à ARISE MAURITANIE
L’Etat est une continuité et sa signature doit être sacrée, si des imperfections sont constatées dans la formulation d’un contrat déjà signé et déjà mis en exécution, des arrangements sont toujours possible dans le cadre d’un gentlemen agreement et c’est le cas dans la plus part des contrats internationaux et, il y’a juste lieu de constituer une commission d’experts disposant d’expériences avérées dans le domaine pour revoir la convention et l’évaluer pour engager des négociations afin de solliciter éventuellement des aménagements ou d’autres facilités comme une route en deux fois deux voies pour tous les axes menant au PAN et principalement celle conduisant à la sortie de Nouakchott sur la Route de l’Espoir menant au Mali sans oublier la construction de restaurants et d’un foyer des marins dans l’enceinte du port.
L’Etat signataire de la Convention de Concession est la seule autorité pouvant décider de l’arrêt des travaux ou de la dénonciation de la convention et aucun ministère fut-il de tutelle ne peut se dérober de ses responsabilités en désignant une tierce entité comme autorité de tutelle et seule interlocutrice du concessionnaire en l’absence de l’Agent judiciaire et du Conseiller Juridique du Gouvernement et en totale violation des dispositions administratives et règlementaires en vigueur
Il n’est point nécessaire de vouloir créer des problèmes là où il ne pourrait y en avoir, sachons raison garder et reprenons-nous en agissant en professionnel et en toute responsabilité et ; faisons notre travail en interne avant de solliciter une rencontre avec ces investisseurs sachant que le monde nous observe et n’avons pas besoin de mal agir pour décrédibiliser notre administration et porter préjudice à un investisseur privé partenaire à notre développement.
Arise MAURITANIE est certes une jeune entreprise mais ses principaux actionnaires sont des professionnels connus à travers tous les ports et l’entrée dans son capital d’un partenaire financier pouvant contribuer diversement aux objectifs de développement de notre pays est un atout considérable qui mérite une haute appréciation au lieu de vouloir en faire une clause de rupture de contrat ce qu’une simple lettre d’information aurait suffi de combler
Par ailleurs, nul ne peut imposer à un potentiel investisseur des partenaires locaux dans son projet d’investissement car dans un partenariat, l’affectio sociétatis est l’argument le plus important, si des mauritaniens sont intéressés ils ont le choix de solliciter la construction d’une autre plateforme portuaire car la société Arise Mauritanie ne bénéficie pas d’un monopole exclusif sinon à l’expiration du contrat de concession la possibilité de reconduire le contrat sous d’autres formes ou son transfert à une autre entité est toujours envisageable
Pour la bonne réputation de notre pays, il est temps que les plus hautes Autorités se saisissent du dossier pour que les choses rentrent dans l’ordre au lieu de le banaliser en se déchargeant sur la Direction Générale du Port qui bien qu’étant un démembrement du Ministère n’est partie au contrat que pour les locaux loués à ARISE Mauritanie et, pour lesquels d’ailleurs une décision de résiliation du bail leur est déjà notifiée.
Ainsi, les investigations contre ceux qui ont signé la convention pourront continuer devant qui de droit et, que l’on permette à la société de continuer son travail en toute quiétude, car nous sommes un pays de droit et tout acte doit reposer sur le principe du respect de notre engagement et, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
De plus notre Nomenklatura semble oublier que nous vivons dans un village planétaire et que nos faits et gestes sont épiés et commentés et nous ne pouvons pas avoir une bonne note dans l’indice DOING BUSINESS qui influence et oriente les décisions des investisseurs si nous continuons certaines pratiques qui ne nous honorent pas et qui font perdre au pays certaines opportunités d’investissement
La manne gazière et pétrolière avec toutes les opportunités qui s’offrent au pays doit nous amener à des pratiques plus orthodoxes et au respect strict de nos engagements et à la mise en place d’un cadre juridique efficient pouvant sécuriser les potentiels investisseurs si nous voulons exploiter ces nouvelles ressources naturelles au mieux des intérêts du peuple mauritanien.
Les rumeurs font état de plusieurs scandales financiers signés par des Ministres de la République et, je voudrais rappeler à ce propos qu’un Ministre est un agent de l’Etat choisi par le Président de la République en vertu de son pouvoir discrétionnaire et, à ce titre compte tenu de la confiance réciproque qui les lie, il ne peut que se soumettre à la décision du chef lorsque celui-ci estime que tel projet est d’utilité publique pour le pays et l’invite à le signer.
De la même manière que ceux qui sont impliqués aujourd’hui dans la signature de certaines conventions contestées car ne pouvant pas dire un mot contre l’avis du chef même s’il est dans l’erreur, les nouveaux acteurs sont soumis aux mêmes contraintes qu’ils s’imposent au point de ne pas vouloir donner un avis qui pourrait ne pas correspondre aux vœux du chef ou d’une rumeur savamment distillée à dessein et c’est ainsi que tout finit par s’écrouler un jour par manque de loyauté vis-à-vis du chef mais surtout du peuple qui l’a élu.
Ainsi se pose le problème du choix des collaborateurs du chef sur la seule base de la clientèle politique sans tenir compte des critères de compétence, de probité intellectuelle et morale ce qui explique bien souvent des erreurs comme celle qui est en train de se produire en voulant s’acharner sur ARISE MAURITANIE qui ne doit pas avoir un lobby local derrière elle ou qui aurait peut- être refusé des offres de service de certains démarcheurs habitués des couloirs des ministères.
Face à cette injustice manifeste aux conséquences imprévisibles, on ne se pose pourtant pas de questions sur la quantité d’or exportée ni ce que la Mauritanie en tire ; on ne se pose pas non plus de questions sur les captures ni sur les exportation de la société chinoise de pêche concurrençant fortement la SMCP et, aucune évaluation de son contrat n’est à l’ordre du jour avec un personnel local sous forte pression et révocables à tout moment alors que l’on bloque les travaux d’une société qui s’installe et qui bénéficie d’une concession dûment signée par les autorités compétentes.
Par ailleurs, le choix par les deux parties de la Chambre de Commerce Internationale de Paris organe dédié comme chambre arbitrale en cas de conflit avéré est plus un recours en faveur de la Mauritanie sans préjudice des actions judiciaires qui pourraient être menées localement et cette pratique et clause apparait dans les clauses de financements internationaux de projets et dans les usages du commerce international et un tour dans les banques nationales pourrait confirmer cette pratique car il est fait mention dans les transactions commerciales internationales qu’en cas de litiges, les Règles et Usances Uniformes de la Chambre de Commerce International seront les seules applicables donc une telle clause applicable ailleurs en Mauritanie ne pourrait être utilisé comme une cause de nullité du contrat par rapport au droit local et notre pays a déjà gagné des procès par ce canal d’arbitrage.
De plus une convention de concession même quand elle donne au concessionnaire la faculté de fixer les prix, l’Etat dans son rôle régalien a toujours la possibilité d’intervenir pour réguler les prix en fonction de ses propres paramètres donc un tel argument n’est pas recevable et ne peut être invoqué pour compromettre un contrat, l’exemple de l’autoroute à péage objet d’une concession de l’Etat du Sénégal et le groupe EIFFAGE / SENAC est là pour nous édifier.
En ce qui me concerne, les seules questions qui vaillent d’être posées sont les suivantes et si les réponses ne sont pas favorables, je serai le premier à dénoncer le contrat pour en solliciter la révision dans l’intérêt des parties dans un esprit Gagnant / Gagnant comme il sied dans un partenariat responsable, autrement que l’on laisse ARISE MAURITANIE continuer ses travaux pour ne pas exposer le pays à des difficultés supplémentaires en plus de celles qui pourraient nous attendre dès la sortie du COVID19.
- ARISE MAURITANIE est- elle porteuse d’un projet utile pour la Mauritanie
- Le montant de l’investissement est-il compatible avec les travaux prévus dans le cahier des charges
- Les risques environnementaux ont-ils été évalués et pris en compte avec les solutions idoines mises en place
- Quel est l’impact positif d’un tel projet sur l’activité portuaire en termes de fluidité, de rotation et de diminution des frais de surestaries du fait des intempéries ainsi que de l’encombrement de l’espace portuaire
- Les projections des tarifs futurs sont-ils de nature à attirer le trafic destiné au Mali ou Rosso par rapport au port de Dakar ou Abidjan et de réduire les coûts intérieurs de manière à impacter sur les prix des biens importés et/ou exportés
- Le niveau des ressources financières attendues en faveur du Trésor Public lors de l’exploitation de la future plateforme est- il considérable en termes de TVA, BIC etc… .
- L’effectivité de la création d’emplois et la formation du personnel d’encadrement pour assurer la relève de la main d’œuvre étrangère suivant un calendrier préétabli.