Le secteur aurifère ouest-africain vient de vivre une petite révolution des oeillets. La Mauritanie vient d’obtenir de Tasiast Mauritanie Limited S.A. (TMLSA), filiale à 100% de Kinross Gold Corporation, un taux de royalties de 6% dans le cadre du projet « Tasiast Sud » contre 3% négociés en 2006 avec Red Back Mining, ancien propriétaire de la mine d’or située à 300 kilomètres au nord-est de Nouakchott dans la région de l’Inchiri.
Négocié par le ministre des Mines sur instructions présidentielles alors que le cours de l’or culminait à 1 700 onces, ce contrat dont le cadre de principe a été publié sur le site de TMLSA est assorti d’une condition importante: en effet, les royalties passent à 6, 5% dès que le cours de l’once franchit les 1 800 dollars, ce qui ne relève pas de l’exceptionnel compte tenu du mouvement haussier constaté sur le métal jaune depuis la crise économique et financière née de la covid-19. Avec ces conditions, le contrat mauritanien présente le taux de royalties le plus élevé d’Afrique, tout juste derrière la Tanzanie et bien loin du Ghana. Ce n’est pas tout.
L’accord entérine la création d’une nouvelle entité (Tasiast Sud) où l’Etat détient de facto 15% du tour de table sans bourse délier et une option de 10% au cours du marché. Jusque-là maintenu à l’écart de la gestion, l’Etat mauritanien a obtenu deux strapontins dans le conseil d’administration, sous forme d’un siège plein avec droit de vote et d’un siège d’observateur. Par le passé, plusieurs suspicions pesaient sur le fonctionnement et les recettes de la mine au quotidien. L’Etat pourra désormais suivre au près cette rubrique. Reste à savoir si la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMPH), soigneusement maintenue à l’écart de ces négociations, portera les 15% conclus entre le ministre du Pétrole et des Mines, Mohamed Abdel Vetah et J. Paul Rollinson, Ceo de Kinross.
La nouvelle entité hérite d’une licence de 30 ans. Il s’agit en fait de la conversion de la licence d’exploration de Kinross en licence d’exploitation. Parallèlement, les deux parties, l’Etat et TMLSA, se sont entendues sur les arriérés que la première devait au second sous forme de remboursement de TVA sur le fuel et que la seconde doit à l’autre sous forme de droits liés à la nouvelle licence. Le solde, âprement négocié, soit 25 millions de dollars USD, rentrera dans les caisses de l’Etat dès le premier juillet, soit bien avant la signature du contrat et son enregistrement légal. Détail important, le nouveau contrat comporte une exonération sur la TVA, précisent des sources bien informées.
Le succès de ces négociations vient, à notre avis, des instructions données au ministre des mines, appelé à être « constructif » alors que jusque-là les hautes autorités du pays prônaient plutôt une option stricte et au final peu rentable. Tout le monde gagne dans ce contrat, Nouakchott capitalisant sur le cours de l’or pendant qu’il est haut et TMSLA pouvant générer de la valeur dans ce projet d’extension stratégique suivi à Toronto, Sidney et dans toutes les places financières.
Au delà de l’avantage matériel, le pays, destination minière par excellence, envoie un signal fort au marché et conjure une éventuelle communication sur le départ de MCM, filiale du canadien First Quantum, annoncée sur le départ. Bref, fort de 95% des effectifs mauritaniens (pour 3 800 employés au total), la mine de Kinross repart sur de nouvelles bases pour une phase 1 du projet d’extension qui a porté sur la production de 8 000 à 12 000 tonnes de minerais par jour et une seconde phase qui portera le site au delà de 24 000 tonnes par jour. L’investissement estimé au départ, à savoir, 1 milliard de dollars par jour, devrait être revu à la hausse.