C’est un épisode rocambolesque de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Arrêtée au Canada, le 1er décembre 2018 puis remise en liberté sous caution le 12 décembre décembre de la même année, Meng Wanzhou, la numéro deux de Huawei est accusée par les États-Unis d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran dans une affaire où le filtrage des appareils téléphoniques et la recherche des preuves, au delà de tout encadrement légal, a précédé l’acte d’inculpation. Ainsi, l’extraterritorialité du droit américain fondé sur les orientations de sa politique étrangère (Maintien de sanctions contre Cuba, retrait de l’accord nucléaire iranien) devient la norme sur le droit international.
Les États-Unis ont à ce titre demandé son extradition, ce que l’avocat de la défense, David Martin, qualifie de « portée juridictionnelle extravagante ». La police canadienne et les services frontaliers ont commis un abus de procédure doublé d’une collusion avec le FBI lors de l’arrestation de Meng Wanzhou, soulignent les avocats canadiens de cette dernière. Pour Richard Peck, l’un des avocats de Meng Wanzhou, ce dossier d’extradition est «inhabituel» et «unique» : «cela donne lieu à trois arguments en faveur de l’abus de procédures. […] L’un d’entre eux est lié au président de l’Etat requérant et son affirmation qu’il pourrait faire ce qu’il voudrait de Madame Meng, ce que nous considérons comme un commentaire scandaleux », a-t-il déclaré lors de l’audience de lundi.
La fille de Ren Zhengfei, fondateur de Huawei, la plus grande société privée de Chine, est l’héritière « naturelle » de la compagnie. Née en 1972, elle dispose d’une longue expérience dans le monde des télécoms et des affaires. A vingt ans, elle interrompt sa scolarité pour travailler pendant un an à la China Construction Bank avant de rejoindre Huawei pour y travailler comme secrétaire. En 1997, elle reprend des études supérieures en comptabilité et obtient une maîtrise à la Huazhong University of Science and Technology. De retour à Huawei, elle en devient vers 2010 la directrice financière, et, en mars 2018, la vice-présidente du conseil d’administration. Personnage central de Huawei, son arrestation organisée par les américains dans une procédure souffrant de plusieurs vices de procédures a tous les aspects d’un sandale mondial dont ne pourrait se prévaloir Washington et Ottawa, un axe du bien en guerre contre un axe du mal allant de Téhéran à Pyongyang.
Lors d’une audience, David Martin a affirmé que les autorités canadiennes avaient délibérément retardé l’arrestation de Meng Wanzhou de plusieurs heures, lors d’une escale à Vancouver en décembre 2018, et ce dans le but de recueillir des preuves contre elle. Ce «plan préétabli» a permis aux autorités canadiennes, à la demande de la police fédérale américaine, de fouiller ses appareils électroniques ; le but étant que le FBI reçoive des numéros de série électroniques et des images des appareils de Meng. Alors que le Canada invoque une inspection douanière de routine, la défense affirme quant à elle qu’il s’agit là d’un abus de procédure.
Par ailleurs, le service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait au préalable souligné que le FBI ne serait pas présent lors de l’arrestation de Meng, «afin d’éviter la perception d’influence». Le SCRS était donc, selon les dires de la défense, «conscient de dissimuler l’implication du FBI». À ce titre, le porte-parole du ministère chinois des Affaires Étrangères, Zhao Lijian, souligne que le document du SCRS est bien la preuve «que toute l’affaire Meng Wanzhou est un incident politique grave». «Cela en dit long sur les calculs politiques des États-Unis pour supprimer délibérément Huawei et d’autres entreprises chinoises de haute technologie. (…) Nous exhortons une fois de plus le Canada à prendre au sérieux la position solennelle et les préoccupations de la Chine, à libérer immédiatement Meng et à assurer son retour en toute sécurité en Chine, et à ne pas s’engager davantage dans la mauvaise voie», ajoute-t-il.
Dans le fond de l’affaire, le gouvernement fédéral des États-Unis ne déposera des accusations criminelles contre Huawei que le 28 février 2019, accusant la filiale américaine de Huawei et une entreprise, Skycom, d’être une filiale iranienne de Huawei. Selon ces accusations, Meng Wanzhou a utilisé deux sociétés écrans, Skycom et Canicula Holdings, pour vendre des équipements télécoms à l’Iran en 2010, en contravention des sanctions. Avec ces mêmes procédés, Huawei aurait commercé avec la Syrie jusqu’en 2017, violant l’embargo américain. Or, la violation d’un embargo américain n’est pas un délit au Canada d’où le retour de l’accusation avec de nouveaux actes d’accusation de « fraude bancaire », et « fraude électronique ». En janvier 2020, le procès pour extradition s’est ouvert à Vancouver, opposant des juristes chevronnés. Le 27 mai, un juge canadien a estimé que la demande satisfait aux incriminations réciproques entre le Canada et les Etats-Unis, rapprochant la numéro deux de Huawei d’une extradition.
Au delà du fond du dossier, cette affaire renseigne sur les rapports à questionner entre les systèmes judiciaires occidentaux dans le contexte de la bataille pour le maintien de l’avantage technologie des anciens pays industrialisés contre le reste du monde. Le géant chinois présent sur le continent africain depuis 1997 est au centre de la course mondiale vers la 5 G et les technologies de pointe. Huawei vend plus de smartphones que les entreprises de l’Ouest. Le marché africain, un enjeu au coeur de cette guerre commerciale mondiale, saura-t-elle se positionner en fonction de ces intérêts vu que la justice, instrumentalisée dans un sens comme dans un autre, semble passer par pertes et profits ?
Un commentaire
Le Canada le sbire parmi les sbires des USA.
De gré ou de force il faut obéir aux USA comme la France depuis Sarkozy à aujourd’hui.