Réagissant à la crise dite des «16 allégations des lanceurs d’alerte»qui paralyse la Banque Africaine de Développement depuis plusieurs semaines, cinq anciens vice-président ont publié ce dimanche 21 juin une lettre appelant à un «consensus».
Les signataires de la lettre ouverte, le mauritanien Ousmane Kane, le tchadien Bedoumra Kordje, le malien Birama Sidibé, le zimbabwéen Sakala Zondo et le sud-africain Mandla Gantsho, se disent préoccupés par la crise entre le président de la BAD, Akinwumi Adesina, et certains actionnaires réclamant une enquête indépendante.
Notant que 11 anciens chefs d’Etat africains avaient appelé à la prudence et au respect des règles de l’institution dans une déclaration commune du 29 mai, les anciens vice-présidents estiment qu’une enquête indépendante est nécessaire, dans l’intérêt du président de la Banque Africaine de Développement, du personnel, des actionnaires et de l’institution elle-même.
Rappelant que la BAD avait perdu son triple A au milieu des années 90 et qu’il lui a fallu 10 ans pour le retrouver, au terme d’une réforme douloureuse, les signataires de la lettre saluent la déclaration du président de la BAD du 27 mai dans laquelle celui-ci indiquait ne pas être opposé à une enquête indépendante.
Les anciens vice- président saluent aussi la position du groupe du conseil des gouverneurs d’agir rapidement pour un examen rapide et indépendant de la question. Le groupe termine sa correspondance en appelant les gouverneurs, régionaux et non régionaux, à agir de concert pour la défense de la réputation et de la crédibilité de la banque.
Voici la lettre intégrale signée par les cinq vice-présidents
La Banque africaine de développement – Appel pour un consensus
Nous sommes d’anciens vice-présidents de la Banque africaine de développement (BAD). Nous avons servi la BAD pendant des décennies et continuons à avoir un intérêt dans son succès.
Nous sommes préoccupés par les nouvelles largement médiatisées du différend entre le Président de la BAD et certains actionnaires, au sujet d’allégations faites contre le Président de BAD par un groupe de lanceurs d’alerte, et en particulier sur la question de savoir s’il devrait y avoir ou non une enquête indépendante sur ces allégations.
La création de la Banque africaine de Développement a été le travail de visionnaires africains, en collaboration avec d’autres personnalités au sein de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. Pour aboutir à cet exploit, il a fallu surmonter les doutes de beaucoup de pays africains, ainsi que le scepticisme du monde extérieur. L’ouverture du capital de la Banque aux non-régionaux est le résultat d’un débat approfondi. Sa mise en œuvre a permis à la Banque de se hisser à la côte de crédit AAA et d’établir ainsi, au fil du temps, un bilan qui lui a ouvert les marchés des capitaux, à de très bonnes conditions financières ; une performance que nous célébrons aujourd’hui. Le Fonds africain de développement (FAD) a réussi à mobiliser des ressources concessionnelles, principalement des pays membres non régionaux. Pour les 33 pays membres régionaux éligibles uniquement au financement du FAD, l’accès à ces ressources est le principal avantage qu’ils tirent du Groupe de la BAD. Le Fonds Spécial du Nigéria a également apporté une contribution substantielle au financement du développement des pays membres régionaux.
Les membres non régionaux de la Banque africaine de développement jouent un rôle essentiel dans son financement et le financement du Fonds africain de développement. Le pouvoir de vote actuel de 60 :40 entre les membres régionaux et non régionaux est le résultat de décisions prises dans le cadre d’exercices précédents d’augmentation générale du capital de la BAD et de renouvellement du FAD. L’exigence de la double majorité dans l’élection du Président reflète la reconnaissance du rôle important que jouent tout autant les membres régionaux et les membres non régionaux. Les succès enregistrés récemment au terme des négociations pour l’augmentation générale du capital de la Banque africaine de développement et pour le quinzième renouvellement du Fonds africain de développement sont accompagnés d’un certain nombre d’engagements pris pour renforcer la gouvernance de l’institution.
La prise de décision par consensus a été la pratique de la Banque. Plus tôt la situation actuelle sera résolue, mieux ce sera pour l’institution. La multiplication de déclarations et de contre-déclarations dans les médias n’est pas dans l’intérêt de la Banque et risque de nuire à sa réputation et de compromettre son avenir. La confiance de toutes lesparties prenantes est nécessaire au succès de la Banque. Par conséquent, il conviendrait d’explorer une solution qui nous semble potentiellement consensuelle.
Nous notons que 11 anciens dirigeants africains ont signé le 29 mai 2020 une déclaration appelant à la prudence et soulignant la nécessité de respecter les règles, les procédures et les structures de gouvernance de la Banque. Selon eux, «la gouvernance consiste à respecter les règles, les lois et les systèmes de gouvernance établis des organisations. Dans le cas de la BAD, bien qu’il puisse exister des différences entre les parties, la meilleure façon de les régler est de respecter d’abord les règles, les procédures et les structures de gouvernance de la Banque. » (traduction par les auteurs). Nous soutenons pleinement cette affirmation.
Nous croyons qu’il est dans l’intérêt de la Banque, de ses actionnaires, de son président et du personnel qu’une investigation indépendante examine les allégations et les éléments de preuve et tire des conclusions claires qui guideront la conduite des activités de la Banque à l’avenir. Sans une telle investigation, la situation actuelle place la Banque, son Président et ses structures de gouvernance sous un jour défavorable, avec des conséquences potentiellement négatives pour sa notation de crédit et pour sa réputation en général. Il faut se rappeler que la BAD a perdu sa cotation triple AAA au milieu des années 90 suite à une crise de gouvernance, et elle ne l’a retrouvé qu’une dizaine d’années plus tard au prix d’un vif redressement et de réformes douloureuses.
Nous saluons la déclaration du Président de la BAD du 27 mai 2020 indiquant qu’il n’est pas opposé à une investigation indépendante : «Je suis convaincu que des processus équitables, transparents et justes qui respectent les règles, les procédures et les systèmes de gouvernance de la Banque et de l’État de droit, prouveront en fin de compte que je n’ai pas violé le Code de déontologie de cette institution extraordinaire.» (Traduction par les auteurs). Une telle perspective l’honorerait et grandirait alors sa réélection éventuelle.
Nous saluons la décision du Bureau du Conseil des gouverneurs d’agir rapidement pour un examen indépendant et crédible de la question. Il est important pour l’Afrique que sa première institution financière soit au-dessus de tout soupçon, et qu’elle soit exemplaire dans sa gouvernance.
Plus généralement, nous estimons que l’engagement politique de l’Afrique pour la bonne gouvernance est un acquis. Elle devrait alors, dans toutes ses initiatives, imposer le respect du monde en matière de transparence, d’éthique et de conformité aux règles établies. Ceci est une exigence pour une mobilisation maximale de ses énormes ressources internes (voir le Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, dirigé par le Président Thabo Mbeki, ancien Président de l’Afrique du Sud), c’est aussi une condition nécessaire pour un partenariat fructueux avec le reste du monde. Nous estimons que ces considérations ouvrent la voie à une solution, par le haut, à la crise qui prévaut actuellement au sein de la Banque africaine de développement. Nous conjurons les gouverneurs, régionaux et non-régionaux, à saisir cette opportunité pour démontrer à la face du monde leur attachement aux succès, à la bonne réputation et à la crédibilité du Groupe de la de la Banque africaine de développement.
Anciens vice-présidents de la BAD:
BEDOUMRA Kordje GANTHSOMandla
KANE Ousmane
SAKALA Zondo
SIDIBE Birama
Un commentaire
Il est urgent et important que la lumière soit faite sur cette affaire de La BAD seulement il est très difficile de faire confiance aux nigérians tout le monde le sait les nigérians ont toujours pensé qu ils étaient plus intelligents que tout le monde ils n ont jamais respecté les non nigérians africains c est mon point de vue connaissant bien le Nigeria pour m y être rendu 50 fois pour travailler durant les années 1992 a 2000
Un ex consultant à la BAD