Débusquer le racisme derrière chaque expression ou l’art de s’attaquer aux symptômes pour mieux cacher les causes. C’est la nouvelle loi du marché. Celle qui force Mars à réfléchir à faire évoluer son célèbre Oncle Ben’s, soit la marque de riz la plus vendue depuis la deuxième guerre mondiale, afin d’adhérer à la tendance Black Live Matters et, au passage, de continuer à engranger des ventes. Le patron d’Amazon, Jeff Bezos, a atteint le niveau de Che Guevera, du commerce en ligne s’entend, en chassant un client agacé par l’écriteau « Black Live Matters ». Un de perdu, mille de trouvés. Le voilà qui rejoint le discours dominant rappelant sous certains égards, quarante ans plus tard, l’éphémère«Touche pas à mon pote»d’un certain Bernard Henri Levy avec Harlem Désir, Fodé Sylla et Malek Boutih.
Poussant sa remise en question encore plus loin, L’Orèal a décidé de suspendre les notions « éclaircissants » ou « blanchissant », indique le géant français des cosmétiques dans un communiqué publié en anglais samedi 27 juin, sans plus de détails, notamment sur un retrait immédiat ou non des rayons. Pour sa part, la filiale indienne d’Unilever a choisi de rebaptiser sa crème éclaircissante pour la peau jusque-là commercialisée sous le nom de « Fair & Lovely ». L’entreprise anglo-néerlandaise a promis de ne plus recourir au mot « Fair » car la marque se dit « engagée à célébrer tous les tons de peau »
Pour n’avoir pas pris la vague au bon moment, Facebook a vu sa capitalisation boursière fondre de 7 milliards de dollars, vendredi, alors que la liste des grandes marques internationales promettant de boycotter le réseau social s’était considérablement allongée. Pressée par Coca Cola et Unilever, Mark Zuckerberg a fini par intégrer une notice anti-raciste sur le réseau sans atteindre, dans ce registre, twitter. Le petit oiseau avait envoyé un courageux carton jaune symbolique à Donald Trump lorsque celui-ci avait déclaré que « si les émeutes reprennent, les balles reprennent » dans son registre « la loi et l’ordre » tiré du répertoire des suprémacistes blancs.
Toute occasion étant bonne pour le buzz et, acte ultime du capitalisme, la vente, les marques surfent donc sur la vague et font de l' »anti-racism washing » pendant que de petites mains en Asie conditionnent la marchandise et que des mineurs en Afrique, variables d’ajustement en temps de pandémie, travaillent avec ou sans masque et sans couverture sociale, à expédier la marchandise. Bien entendu, la division violente du travail n’est pas en cause.
Pour autant, le réflexe des grandes marques de l’Occident (pendant ce temps, l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient sont étrangement à l’écart du débat) , toutes genou à terre, dans une posture marketing ou militante en hommage à George Floyd, bien qu’insuffisant, est à saluer. Est-ce le début de la moralisation du capitalisme sachant que tous ceux qui s’y sont essayé ont échoué ?
Pourvu que l’anti-racisme, aussi puissant que les mouvements des « indignés » et de « Occupy Wall Street » ne soit pas qu’une rose d’été sous fond de protestations devant les statues inertes alors que des lois et règles vivantes empêchent le continent africain d’évoluer dans les chaînes de valeur pour accéder au marché à conditions égales. A coup sûr, les marques n’auront pas le chèque blanc vis-à-vis des consommateurs qui savent lire, derrière le discours, la réalité des conditions de production et de partage des profits et le conservatisme des conseils d’administration monocolores merveilleusement oubliés.