Le gouverneur de la BCEAO, Tiémoko Meyliet KONE, et Patrick LEGLAND, Professeur affilié à HEC Paris, abordent la question de l’impact de la Covid-19 sur les banques africaines en général, celles de l’UEMOA en particulier. Les entretiens croisés ont été réalisés en marge du lancement conjoint, le 18 juin 2020, d’un partenariat entre la BCEAO et HEC Paris pour accompagner les banques à travers une offre de formations digitales. L’occasion d’interpeller le gouverneur de la Banque Centrale de l’UEMOA sur le plan de riposte mis en place contre la covid-19 et le professeur de finance sur les tendances du secteur bancaire en général. Exclusif.
Monsieur le Gouverneur, le monde connaît une crise sans précédent avec la pandémie coronavirus et ses implications financières, économiques et sociales. Quelles sont les mesures mises en place par la BCEAO pour accompagner les États de l’UEMOA ?
La BCEAO a, dès le début de la pandémie, mis en place un dispositif de suivi et d’évaluation de son impact sur le système bancaire, sur le financement des activités économiques, sur l’inflation et sur la croissance macroéconomique. Cela a permis à la Banque Centrale de cerner très tôt les difficultés rencontrées par les différents acteurs et, donc, de prendre des mesures ciblées, en ligne avec les instruments dont elle dispose. Pour les banques, la crise s’est traduite très tôt par une aggravation des besoins de liquidité. Afin de réduire ces tensions et permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle d’intermédiation financière, essentiel dans cette période de crise, la BCEAO a entrepris d’apporter les liquidités nécessaires au secteur bancaire. Ainsi, depuis fin mars 2020, la Banque Centrale conduit les adjudications de liquidité sur ses guichets de refinancement à taux fixe. Dans cette configuration, toutes les demandes présentées à ses guichets sont généralement satisfaites. Cette mesure a permis de réduire considérablement les risques de pénurie de liquidité sur le marché monétaire, mais aussi d’aller vers une contraction sévère de la distribution du crédit bancaire.
De plus, les taux d’intérêt sur le marché monétaire se sont nettement détendus. La BCEAO a également pris certaines mesures en faveur des entreprises, dont plusieurs opérant dans les secteurs tertiaire et secondaire présentaient des risques élevés de faillite. Notre objectif est surtout de contribuer à préserver l’outil de production et de permettre aux entreprises touchées par la pandémie de rester viables et de maintenir les emplois et les revenus. Dans ce cadre, nous avons demandé aux banques et aux institutions de microfinance d’accorder des reports d’échéance de crédits à leur clientèle, entreprises comme particuliers, qui rencontrerait des difficultés pour honorer le paiement de leurs échéances. Je dois préciser que ces reports d’échéances, négociés pour une période de 3 mois renouvelable, se font sans charge d’intérêt, ni frais, ni pénalités de retard. En contrepartie, la Banque Centrale a posé des actes d’incitations en direction des banques et institutions de microfinance, sous la forme d’un assouplissement dans l’application du dispositif prudentiel et du cadre comptable en vigueur.
Déjà vers la fin mai 2020, près de 800 entreprises et 3.500 particuliers ont été concernés par ces reports d’échéances. Parmi les autres actions décidées en faveur des entreprises, je dois rappeler que la BCEAO a institué un système de cotation des entreprises non financières. Les créances bancaires portées sur celles qui ont une bonne signature sont refinançables par la Banque Centrale. Ce dispositif a permis d’identifier plus de 900 entreprises dans l’UMOA, qui ont ainsi bénéficié d’un accès plus facile aux crédits bancaires. Concernant les États membres, la BCEAO a pris des dispositions pour les appuyer dans la mobilisation de ressources financières à faible coût, pour résoudre les difficultés de trésorerie liées à la crise sanitaire. Pour faire simple, il s’agissait de rendre des ressources disponibles immédiatement pour faire face aux dépenses urgentes, sachant l’attente souvent longue, face aux délais habituels de réception des concours attendus des partenaires extérieurs.
Ainsi, en collaboration avec l’Agence UMOA-Titres, nous avons accompagné les États dans l’émission de bons du Trésor, dénommés “Bons Covdi-19”. Et pour inciter les banques à souscrire à ces titres à des conditions vraiment favorables, la Banque Centrale a créé un guichet spécial de refinancement. Ce nouveau guichet a permis aux banques de refinancer les bons Covid-19 achetés sur le marché régional de la dette, à un taux fixe de 2,50%. La liquidité ainsi obtenue par les banques devrait leur permettre de poursuivre leur activité de crédit et de faire profiter aux autres secteurs de l’économie les ressources tirées de l’émission de ces bons Covid-19. Au terme de l’opération, les États ont pu ainsi mobiliser 1.172,6 milliards de F.CFA au taux moyen de 3,12%, largement inférieur au niveau du taux de sortie des émissions de bons sur cette maturité.
Parmi les autres décisions prises par la BCEAO, nous avons, en concertation avec la communauté bancaire et les établissements de monnaie électronique, impulsé une série d’actions pour réduire les coûts d’utilisation des moyens de paiement digitaux. L’objectif visé est d’encourager les usagers à les utiliser davantage durant cette période, qui impose aux populations de limiter les déplacements et les contacts physiques. Ces aménagements se sont traduits par une utilisation accrue des moyens de paiement digitaux dans l’UEMOA et ont eu un effet très positif sur l’inclusion financière des populations, notamment en termes d’accès aux services financiers numériques. Enfin, le 22 juin 2020, le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la BCEAO a décidé de baisser les taux directeurs de la Banque Centrale de 50 points de base, afin de soutenir les plans de relance économique mis en place dans tous les pays de l’Union pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. Désormais, les banques pourront disposer de ressources financières auprès de la Banque Centrale au taux d’intérêt de 2,00%, l’un des plus faibles en Afrique. Et les banques sont, bien évidemment, invitées à répercuter cette baisse du coût de leurs ressources sur les taux d’intérêt des crédits accordés à la clientèle, en particulier les PME/PMI très affectées par la crise sanitaire.
Professeur Patrick LEGLAND, la pandémie covid-19 est à l’origine d’une crise sans précédent. Quelle synthèse faites-vous des plans de relance initiés par la BCE et la BCEAO ?
Les plans de relance initiés par les Banques Centrales ont été tout à fait exceptionnels par leur montant, ampleur et réactivité. A ce titre la BCEAO a fait un travail tout à fait remarquable pour alimenter en liquidité le système bancaire de la zone UEMOA et indirectement les entreprises. Initiés par la BCEAO et l’agence UMOA titres, des Bons Assimilables Trésor (BAT) à trois mois dénommés «Bons Covid» ont été émis pour un montant de FCFA 1 172 Mrds, suivant les principes reconnus de l’International Market Association (ICMA). Tous les pays ont bénéficié de ces liquidités et notamment la Côte d’Ivoire avec FCFA 535 Mrds dans le cadre de trois émissions non-syndiquées. Autre mesure exceptionnelle à la fois forte et symbolique, la BCEAO a abaissé dès le 27 mars dernier son taux d’intérêt d’adjudication sur appel d’offre au niveau le plus bas jamais atteint par ce taux, à 2,5%. Plus technique, la BCEAO a élargi les supports admis en refinancement … La liste des mesures est très longue et impressionnante. Il est probable que la crise économique mondiale liée au Covid 19, sera profonde, longue, et vraisemblablement suivie d’une reprise lente. Les prochains risques à venir pourraient être la solvabilité de certains secteurs économiques. La BCEAO est parfaitement consciente de ces risques. Il est probable que de nouvelles mesures interviendront, en totale cohérence avec ce qui a été mis en place pour renforcer la solidité du secteur bancaire et la réglementation de Bale 3.
Monsieur le gouverneur, les États ont massivement souscrit (pour plus de 1.100 milliards de FCFA) aux “bons covid” mis en place par la BCEAO. N’ y a-t-il pas lieu de craindre un effet d’éviction du financement bancaire en faveur des États et au détriment du secteur bancaire ?
Non, il n’y a rien à craindre à ce niveau là. L’effet d’éviction redouté n’a pas eu lieu. La structuration des “bons covid”, en termes de maturité, et l’ouverture d’un guichet spécial dédié au refinancement de ces bons visent, non seulement à obtenir des coûts de sortie faibles pour les États, mais également à éviter de provoquer un effet d’éviction du secteur privé. Les effets issus des bons Covid peuvent être refinancés sur le guichet spécial de la BCEAO au taux fixe de base de la BCEAO, soit actuellement 2%, au lieu de 2,50% au départ. Sur cette base, les banques continuent d’avoir la liquidité qu’il leur faut auprès de nos guichets pour continuer à financer le secteur privé.
Professeur Legland, la crise devrait affecter le secteur bancaire au point de changer ses modèles économiques en imposant par exemple la banque en ligne ?
Les Banques Africaines ont déjà entamé depuis plusieurs années une mutation structurelle majeure afin d’accélérer la digitalisation et de favoriser l’inclusion financière. Bien sûr, il reste encore du chemin à parcourir, mais le travail déjà accompli par les banques africaines est impressionnant. La crise actuelle va certainement accélérer la digitalisation dans le prolongement des plans stratégiques qui avaient été définis par les différents Comités de Direction. Ne pas oublier qu’avant la crise Covid, les banques de la zone UEMOA étaient classées parmi celles ayant le plus fort potentiel de croissance au niveau mondial avec une rentabilité des capitaux propres à deux chiffres.
Monsieur le gouverneur, comment évaluez-vous l’impact de la covid-19 sur les banques africaines et celles de l’UEMOA en particulier ? Quelles sont les mesures prévues pour aider les établissements de crédit dans leurs missions de financement de l’économie ?
Je préfère limiter mon appréciation aux banques de l’UEMOA. Elles ont montré une résilience appréciable face à la crise sanitaire et à ses effets, malgré le contexte économique difficile. Quatre constats, établis sur la base des états financiers périodiques reçus à notre niveau et des enquêtes réalisées auprès des dirigeants des banques, permettent de dégager cette conclusion. En effet, les emplois bancaires ont progressé en mars-avril 2020, par rapport à la même période de l’année 2019. Le rythme global de mobilisation des dépôts a légèrement baissé sur la période, mais reste positif. Par ailleurs, la progression des créances en souffrance est faible, malgré l’augmentation des crédits accordés par les banques. Enfin, la rentabilité du secteur, estimée sur la base de l’excédent des produits sur les charges, est encore bonne. J’en déduis que cette résilience du secteur bancaire a été favorisée par les mesures prises par la Banque Centrale dès le mois de mars 2020, notamment pour prévenir les difficultés de trésorerie des banques et pour préserver la qualité de leur portefeuille. Cependant, compte tenu des incertitudes attachées à l’ampleur et à la profondeur de la crise et de ses effets, la Banque Centrale reste attentive à l’évolution de la situation économique et plus particulièrement à la santé du secteur bancaire. C’est dans ce sens que des dispositions sont déjà prises pour apprécier, au cas par cas, l’impact de la crise sur la situation prudentielle des établissements de crédit et prendre les mesures palliatives additionnelles appropriées. Pour contribuer efficacement à la relance des économies de l’Union, notre Banque Centrale veillera d’une part, à préserver la solidité et la solvabilité des banques, et, d’autre part, à prévenir tout risque systémique potentiel.
Professeur Legland, lors de la crise financière de 2008, nous avions vu le relèvement des ratios prudentiels des banques commerciales. Selon vous, quelles sont les évolutions réglementaires à anticiper tant en Afrique qu’en Europe du fait du covid-19 ?
Il est important de rappeler que toutes les crises économiques et financières ont été suivies d’un renforcement des réglementations bancaires. Le comité de Bale et la réglementation de Bale 1 a été créé en 1974 après la faillite de la banque Herstatt. Bale 2 a suivi la faillite de LTCM et la crise Mexicaine. La faillite de Lehman Brothers en 2007 a initié Bale 3, réglementation qui a été mise en place en 2017 – 2018. Depuis , Bale 4 et Bale 4,5 ont été enclenché. A chacune de ces étapes, la solidité des systèmes bancaires a été renforcée. Il est probable que la crise actuelle mettra en évidence des problématiques éventuelles de gestion actif-passif (ALM), d’autant plus si la sortie de crise se caractérisait par une légère repentification des courbes de taux. Autre sujet que les régulateurs regarderont probablement, la remontée inévitable et forte des coûts du risque, avec des impacts indirects sur la solvabilité. Chaque crise est différente, ce que nous vivons actuellement est exceptionnel par son ampleur mondiale et par les incertitudes induites.
Monsieur le gouverneur, bien avant la crise de la covid-19 et en dépit des efforts de la BCEAO, le financement des PME restait problématique. Comment remédier à la situation ?
L’amélioration du financement des PME est une priorité pour la Banque Centrale, car elles représentent 80 à 95% de l’effectif des entreprises de notre zone. Ainsi, sur mandat de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, la BCEAO a mis en place le Dispositif de soutien au financement des PME, lancé en 2018. Ce mécanisme repose sur une vision originale du partage du risque entre tous les acteurs de l’écosystème intervenant dans le financement des PME dans l’UMOA, à savoir les entreprises elles-mêmes, les structures d’appui et d’encadrement des PME, les établissements de crédit, la Banque Centrale et les États. La particularité du Dispositif PME réside dans la priorité accordée à l’accompagnement de ces entreprises. C’est pour cette raison que les Structures d’Appui et d’Encadrement constituent le centre névralgique du Dispositif. Elles sont sélectionnées, dans chaque État, par un Comité mis en place à cet effet, mais ont surtout pour missions d’accompagner les PME à satisfaire les conditions d’éligibilité au financement bancaire, en prenant en charge trois fonctions fondamentales. Tout d’abord, la fonction financière. Ces structures doivent aider à mieux structurer et élaborer les plans d’affaires des PME, ainsi que leurs états financiers. Ensuite, elles doivent assurer la fonction formation, car plusieurs de ces entreprises ont besoin d’un renforcement des capacités managériales, en vue notamment d’améliorer la qualité de leur gouvernance, au travers d’indicateurs de gestion et de performances précis.
Enfin, les Structures d’Appui et d’Encadrement doivent faire un suivi ex post, en veillant à aider les entreprises à gérer plus rigoureusement les remboursements de crédits et à mieux surveiller l’évolution des projets financés. Les États ont eux aussi un rôle important à jouer dans ce domaine. Ils doivent adopter des mesures d’incitation et de simplification pour un climat des affaires plus favorable à l’émergence des PME, en n’oubliant pas leur part dans la commande publique. C’est dans ces conditions que les banques pourront plus aisément apprécier la situation de ces entreprises et être plus enclines à leur accorder des financements adaptés à leurs besoins. Pour sa part, je puis vous assurer que la Banque Centrale a mis en œuvre toutes les actions qui relevaient de ses prérogatives pour que ce Dispositif fonctionne correctement. Elle a notamment mis en place un cadre spécifique pour faciliter le refinancement des effets qui seront tirés des PME, afin de fournir la liquidité aux banques qui acceptent de s’engager dans ce mécanisme. Toutefois, depuis le lancement de ce Dispositif en juillet 2018, les résultats enregistrés, bien que perceptibles, demeurent en deçà des attentes. Pour y remédier, nous avons prévu d’organiser des rencontres avec tous les acteurs, afin de mieux circonscrire les difficultés rencontrées et de prendre les mesures idoines pour la pleine efficacité du Dispositif PME.
Professeur Legland, nous assistons à un retrait progressif des banques françaises de l’Afrique. Est-ce à dire que le continent n’est plus une priorité pour le système bancaire français et européen ?
Oui certaines banques européennes ont revu et réadapté leurs dispositifs en Afrique. Des banques universelles européennes ont cependant maintenu des positionnements de premiers rangs. Le désengagement de certaines banques crée une opportunité unique pour de banques Africaines de continuer à se développer et à gagner des parts de marché. A ce titre, la nomination récente de l’un des grands spécialistes reconnus en stratégie bancaire, Serge EKUE, comme conseiller spécial du Président de la BOAD, est un signal fort de volonté de développement et de soutien des projets d’investissements en Afrique.
Monsieur le gouverneur, l’on constate que le taux d’inclusion financière augmente vite dans la zone UEMOA. Comment la BCEAO compte-t-elle accompagner cet élan d’un point de vue réglementaire et technique ?
Effectivement, le taux d’inclusion financière dans l’UEMOA s’est beaucoup amélioré ces dernières années, grâce aux initiatives prises par les États et la Banque Centrale, qui ont érigé l’inclusion financière au rang des priorités dans la zone. L’inclusion financière apparaît désormais comme un instrument privilégié pour favoriser l’insertion des couches sociales les plus défavorisées dans le tissu économique et social de notre région.
Promouvoir l’inclusion financière des populations de l’Union, revenait donc à actionner plusieurs réformes propices à l’innovation financière, à l’élargissement de l’accès aux systèmes de paiement et à la protection des usagers. Celles-ci concernent notamment la mise en place d’un cadre réglementaire adapté, de programmes d’appui spécifiques à certains secteurs d’activités et l’adoption de diverses mesures en faveur de la promotion de l’offre et de la demande de services financiers inclusifs. Toutes ces initiatives sont regroupées dans un document-cadre de politique et de stratégie régionale d’inclusion financière, adopté par le Conseil des Ministres de l’UEMOA, le 24 juin 2016. Le document traduit la volonté de la Banque Centrale de permettre à 75% des populations de l’UEMOA d’accéder aux services financiers à des coûts abordables dans un horizon de 5 ans. Il constitue une feuille de route claire et précise, qui affiche les ambitions et la vision de la BCEAO ainsi que celles des États en matière d’inclusion financière.
Je dois vous dire que les actions menées jusque là ont permis d’atteindre un taux d’inclusion financière de 59,8% en 2019 contre 37,2% en 2014. Cette évolution croissante est portée par la monnaie électronique, dont le taux d’accès est passé de 11,2% en 2014 à 39,4% en 2019.
Les évolutions enregistrées dans le secteur de la microfinance sont assez significatives. Vous pourrez constater que le taux d’accès aux services financiers décentralisés est ressorti à 21,67% en 2019 contre 17,5% en 2014.
Par ailleurs, je dois rappeler que la Banque Centrale conduit plusieurs chantiers majeurs, dont le Projet d’interopérabilité des services financiers numériquesqui permettra aux populations d’exécuter des transferts en temps réel où qu’elles soient dans l’Union, à partir de leur compte bancaire, de microfinance ou de leur porte-monnaie électronique. L’aboutissement du projet participera fortement à la réduction des coûts de sortie des services de paiement, en vue d’une inclusion financière accrue des populations et des petites et moyennes entreprises. L’interopérabilité contribuera également au développement de partenariats équitables et efficients entre plus de deux cents acteurs concernés dans l’UEMOA.
La promotion des services financiers numériques ne pouvant pas aller sans la sensibilisation et la mise à disposition de compétences nécessaires aux usagers des services financiers, nous avons élaboréun programme régional d’éducation financière,qui a été adopté cette année. Ce programme a pour objectif de donner aux populations les connaissances requises en matière financière, les rendant ainsi aptes à faire des choix éclairés et à décider de certaines transactions en toute connaissance de cause.
De plus, nous sommes conscients de la contribution du secteur de la microfinance à la lutte contre l’exclusion financière et nous allons accompagner la digitalisation. Il est vrai que les institutions de microfinance doivent s’adapter à l’environnement actuel pour rester compétitives. Cette adaptation passe notamment par la numérisation des services offerts. Les avantages procurés par les nouvelles technologies au secteur de la microfinance lui permettent ainsi de bénéficier d’un rayonnement plus étendu dans les zones reculées, à travers des transactions sécurisées, fiables et à moindre coût pour les populations. Pour cela, un guide pratique est en cours d’élaboration, pour apporter aux SFD une méthodologie conforme aux standards internationaux, et qui prend en compte leurs spécificités.
Dans cette même dynamique, des avancées notables sont enregistrées vers l’accès des systèmes financiers décentralisés au système de paiement régional. Il s’agit là, principalement, d’apporter aux Structures Financières Décentralisées concernées, l’accompagnement nécessaire au développement de leurs activités, en les aidant à améliorer la qualité des services financiers offerts et à accroître l’usage des moyens de paiement électroniques par leur clientèle.
Pour terminer, je voudrais ajouter que ces actions sont bien soutenues par l’adéquation du cadre réglementaire et de surveillance de l’écosystème des services financiers, par rapport aux risques émergents. En effet, le développement de l’écosystème actuel nous a conduit àengager un dialogue avec les nouveaux acteurs, en particulier les fintech, pour un encadrement plus approprié.
Enfin, sachez qu’une relecture de l’Instruction régissant la monnaie électronique est en cours, pour prendre en compte les évolutions intervenues depuis son entrée en vigueur, ce afin d’identifier les amendements susceptibles d’en renforcer la portée. Les nouvelles dispositions, contenues dans cette Instruction, devraient prendre en compte les évolutions de l’environnement, notamment en termes de risques et de protection des consommateurs.
Professeur, HEC Paris a initié une série de webinaires dans le cadre d’un partenariat avec la BCEAO. Pouvez-vous revenir sur les objectifs de cette initiative ?
La BCEAO a initié il y a 8 ans un partenariat ambitieux avec HEC-Paris pour renforcer les capacités managériales des dirigeants de banques, avec la mise en place de programmes certifiants en management général et en ressources humaines. Dans le contexte de la crise actuelle, le Gouverneur a souhaité renforcer cette coopération à travers une offre de formations digitales, contextualisées aux enjeux actuels. Le lancement officiel de ces programmes 100 % en ligne s’est tenu le 18 juin avec plus de 1000 dirigeants de banques centrales et de banques africaines de la zone UEMOA. J’ai animé le premier webinaire proposé aux banques par le Centre Ouest Africain de Formation et d’Etudes Bancaires (COFEB) le 26 juin sur le thème « Impact de la crise COVID19 sur les Banques Africaines » Trois axes sont développés : l’impact de la crise Covid 19 actuelle sur les banques de la zone UEMOA, comment les Banques Africaines peuvent adapter leur gestion des risques, et enfin les opportunités de sortie de crise pour les Banques Africaines. Les objectifs sont à la fois de favoriser les partages d’expériences et de présenter les outils et méthodes enseignés dans le Master International Finance (MIF), programme « phare » de HEC-Paris classé depuis nombreuses années meilleur Master en Finance dans le monde.