Les Comores et ses 800 000 habitants, son économie largement dépendante des 300 000 comoriens de la diaspora (plus de 20% du PIB et la première rentrée de devises) seraient-ils l’exception africaine qui viendrait démentir les scénarios alarmistes des transferts d’argent vers l’Afrique pour l’année en cours ?
Alors que la Banque Mondiale pronostique pour 2020 une chute moyenne de 23% des transferts d’argent en Afrique, le petit archipel de l’océan Indien vent d’annoncer via la Banque Centrale des Comores, une embellie nette sous forme d’une hausse surprise de 33% desdits transferts au 31 mai soit 74 millions d’euros contre 56 millions en 2019. De l’aveu même des officiels comoriens, il s’agit là d’une offrande divine aussi inattendue que salutaire pour une économie insulaire largement impactée par la pandémie.
Est-ce que cette tendance contracyclique attribuée selon le Gouverneur de la Banque Centrale des Comores à la « solidarité traditionnelle » et inaltérable des Comoriens est-elle observée dans d’autres pays africains ? Il faudra encore patienter quelques semaines voire jusqu’à septembre pour analyser les premiers chiffres officiels consolidés mais d’ores et déjà et selon les recoupements des sources des professionnels du transfert d’argent, tout indique que les flux sont en net reculs…validant ainsi les tendances officielles !
Dans ce conditions, comme hypothèse à l’exception comorienne, on peut invoquer les caractéristiques structurantes de la diaspora comorienne, majoritairement installée en France métropolitaine, Mayotte et la Réunion et, pilier économique de l’archipel et voute sociale des familles. Au point de développer en réaction notamment à la cherté des circuits de transferts d’argents formels, un système parallèle intracommunautaire particulièrement élaboré, reposant sur des porteurs physiques sur l’honneur identifiés par le village d’origine. Dans le contexte pandémique, la suspension depuis le 25 mars des liaisons aériennes entre la France et Moroni (principal corridor) a dû stopper net les mouvements de ces convoyeurs physiques si bien que beaucoup d’émetteurs ont pu se résigner à emprunter les réseaux formels…ce qui expliquerait en partie la hausse observée des transferts officiels ! S’il était avéré, ce phénomène devrait être observable dans les pays africains aux mêmes urgences sociales et dotés de réseaux de transferts informels particulièrement structurés : Mali, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Guinée…
Par ailleurs, alors que tout indique que la diaspora sera moins nombreuse à passer l’été au « pays » (peur du Covid, cherté des transports…), on peut penser que ces flux records aux Comores pour les cinq premiers mois de l’année, soient anticipatoires des pics d’été qui coïncident habituellement avec l’organisation des « grands mariages », cérémonies traditionnelles estivales et fastueuses largement financées par la diaspora.
Enfin, aux Comores comme ailleurs en Afrique, il y a cette stratégie individuelle des diasporas : le pouvoir d’achat libéré par l’absence de vacances au pays d’origine réputées onéreuses, pourrait être affecté par les migrants pour rétablir ou augmenter les transferts vers les familles et…compenser quelque part leur absence physique en été !
Samir Bouzidi
Ethnomarketer spécialiste des diasporas africaines
CEO Impact Diaspora