Le 11 juin dernier, Alpha Condé avait donné le ton en répliquant sèchement à l’annonce unilatérale d’Air France sur son programme de reprise des vols en direction des pays africains. «La Guinée décidera seule, sans se laisser imposer, le moment de la reprise des vols internationaux» avait réagi le Président Guinéen dans une posture souverainisme qui, à bien des égards, rappelle le célébrissime « non » de la Guinée de Sékou un 28 septembre de l’année 1958.
Alpha Condé a martelé que la réouverture de l’Aéroportt de Conakry et la reprise des vols aériens internationaux dépendront exclusivement du programme défini souverainement par les autorités guinéennes, en fonction de l’évolution de la pandémie.
Ce jeudi 2 juillet 2020, il est revenu à la charge en instruisant son ministre en charge des Transports d’établir un protocole et un calendrier de reprise des vols commerciaux et une reprise progressive du trafic aérien international, sur la base du principe de réciprocité vis-à-vis du pays d’origine et selon des règles d’observation sanitaires strictes en rapport avec la covid-19.
Notamment l’’obligation pour les passagers à l’arrivée de disposer d’un résultat négatif récent de test à la Covid-19 ; de se soumettre également à un autre test à l’arrivée à Conakry ; sauf cas exceptionnel, de se soumettre à une contrainte de confinement à l’arrivée pour une durée qui sera définie en accord avec l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS). Il sera également mis en place une procédure particulière applicable au personnel diplomatique, aux experts et consultants étrangers, ainsi qu’aux techniciens des sociétés minières ou réalisant des contrats publics.
De quelle liberté ou souveraineté parle-t-on ?
Cette situation presque ubuesque met encore une fois à nu le rapport historiquement paternaliste de la France avec ses anciennes colonies d’Afrique, à tout point de vue : géopolitique, diplomatique et économique notamment. D’un côté, une France qui clame haut et fort sa volonté de rupture avec la Franceafrqiue mais qui a du mal à se défaire de ses vieux réflexes et qui entend résolument tirer parti de ses intérêts économiques et géostratégiques. De l’autre, une Afrique en manque de leadership révolutionnaire, qui peine à trouver les voix d’une véritable indépendance, l’indépendance économique dont les élites très souvent de connivence avec l’ancienne métropole, se cantonne dans un nationalisme obsolète et de circonstance.
Dans une Économie mondiale profondément intriquée, où la croissance s’allie avec l’ouverture des marchés, il certes difficile de parvenir à un idéal d’économie « offshore » cependant, il est impératif de se donner une certaine marge de manœuvre, d’avoir le pouvoir de décider des aspects qui touchent au fonctionnement de chaque État souverain. C’est malheureusement le péché originel des États africains, qui se cantonnent dans une situation d’éternels « assistés ».
La déclaration d’Alpha Condé de « rompre le cordon ombilical » avec la métropole « colonialiste » ou « néocolonialiste » aurait eu son tout son sens si la Guinée en particulier ou l’Afrique en général était dans une posture de reprise en main de sa destinée économique. Malheureusement ce discours raisonne comme un vœu pieux car les réalités sont tout autre. Comment y parvenir alors que, l’aéroport de Conakry, est détenu à 49 % par les Aéroports de Paris Management (ADPM), l’Agence Française de développement (AFD) et la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Bordeaux (CCIB) ? Comment y parvenir quand le terminal à conteneurs du port de Conakry est géré par Bolloré ? et ce qui en reste, par les Turques et les Russes. Des infrastructures éminemment souverainistes.
Comment y croire si la Guinée qualifiée de scandale géologique à cause de ses immenses ressources naturelles s’engouffre dans une économie désuète de rente minière en différant ou déléguant la création de richesses aux multinationales qui rapatrient la valeur ajoutée dans leur pays d’origine ?
Il est temps que l’Afrique sorte du nationalisme populiste pour se mettre au diapason d’un monde en pleine mutation où l’indépendance se gagne sur le front des « guerres économiques ».