Le monde est dans un moment historique. Les organisations changent et l’entreprise, lieu de production des biens et services, connaît une mutation profonde depuis l’avènement du covid-19 et la panoplie de mesures restrictives qui ont suivi, rappelle d’emblée Didier Acouetey, CEO de AfricSearch, en introduisant le panel virtuel co-organisé avec le cabinet de conseil en Relations Publiques Global Mind Consulting, le 2 juillet 2020, et consacré à l’impact de ces mutations sur les ressources humaines, en présence de plusieurs DRH et experts du domaine.
“Dans une première étape, il a fallu, à partir d’un plan d’action clair, garantir la continuité du service et la sécurité des collaborateurs”, rappelle Katala Soro-Loua, (Head of RH West & Central Africa Bayer) qui insiste sur une communication claire envers le management et le personnel. Dans un deuxième temps, poursuit-elle, l’organisation a mis en place le télétravail en épargnant les personnes vulnérables, celles qui prennent le transport en commun.
Nadine Tano Dallys, (Regional HR Business Partner Groupe de la Banque Mondiale Abidjan) abonde dans le même sens: “les enjeux sont les mêmes pour les entreprises. On a dû, en plus de ce qui a été dit, travailler sur le soutien psychologique compte tenu de l’anxiété et de l’incertitude”. Les intervenants reconnaissent que le télétravail ne diminue en rien les performances de l’entreprise mais encore, insiste Mme Tanoh Dallys, que la gestion par objectifs soit clairement définie avec des outils d’évaluation des performances. Ce mode de fixation des objectifs est un “impératif” pour le manager, réagit Didier Acouetey s’interrogeant sur la pertinence de la semaine de la productivité d’une semaine de travail de 5 jours à raison de 8 heures par jour.
La bonne maîtrise des outils informatiques et des plateformes techniques reste évidemment un préalable. “Il est possible de faire aujourd’hui un recrutement sans forcément être en face à face avec un candidat”, estime Nadine Tanoh Dallys persuadée que l’impact de la pandémie sur les cabinets de formation pousser ces derniers à faire recours à des systèmes de formation à distance.
Pour sa part, Mohamed Kaba, ( Directeur régional Afrique francophone et Directeur RH Groupe Rémunérations et avantages ECOBANK) prend l’exemple d’Ecobank où le covid-19 a été une formidable opportunité d’utiliser les outils de collaboration, la capacité à sécuriser le personnel et le client. “Notre première communication a été lancée en direction du personnel le 17 mars. Le 23 mars, nous avons mis en place un plan de travail avec un tiers du personnel en télétravail”.
Reste à savoir si cette tendance au télétravail est irréversible et survivra à l’après covid-19. “Nous sommes dans une organisation orientée vers la performance”, opine Mohamed Kabo qui pense qu’une nouvelle organisation de travail se mettra en place, avec en ligne de mire, des plans d’économie sur les voyages et l’injection d’un certain nombre de programmes sur le digital. L’avenir du télétravail dépendra des choix managériaux à faire dans chaque entreprise et variables selon les secteurs. Comme le dit encore madame Soro, “on ne va pas décider du télétravail, si ce n’est pas rentable pour l’entreprise”.
En définitive, si la pandémie a décalé les programmes de recrutement, le marché du travail n’est pas pour autant fermé. Des postes de middle management sont à pourvoir et des jeunes profils dotés d’aptitudes en informatique et capables de se mouvoir dans des systèmes d’organisation ouverts au télétravail sont recherchés. “La compétence digitale est un critère décisif”, insiste Didier Acouetey, attentif à la demande des multinationales et entreprises en nouveaux talents. Appelés “softs kills” en bon français, ces aptitudes sont des compétences non techniques et une valeur ajoutée par rapport au job”, renchérit Solange Soro.
L’innovation touchera aussi la fonction Ressources Humaines avec la centralisation de certaines fonctions. Quoi qu’il en soit, la fonction RH existera avec des mutations et évolutions liées à la digitalisation mais ne peut pas disparaître de l’entreprise en tant que fonction stratégique. Le manager ne remplacera pas le DRH qui a sa propre expertise. “La notion de chaîne et de maillon est importante” dans cette distanciation des fonctions de l’entreprise appelée à être plus efficace, conclut Joël-Eric Missainhoun, Managing Partner at Africsearch.