Dans l’industrie humanitaire, les trois visages de l’innocence ont pour nom « l’enfant », « la femme » et « l’Afrique ». Si vous voulez lever de l’argent auprès de Bill et Melinda Gates ou de la Fondation George Soros et que vous vous appelez Oxfam ou Médecins Sans Frontières, il y a de très fortes chances que votre affiche publicitaire du « fundraising » contienne l’une de ces trois catégories.
D’où la persistance des campagnes de communication en cours actuellement à relayer l’image d’une Afrique sur le point de s’effondrer sous la faix du coronavirus alors que la réalité est tout autre. « La pandémie s’accélère en Afrique » titrait le 12 juin Le Monde et 20Minutes, suivis le lendemains par Les Echos, avec les mêmes mots. Le Nouvel Obs avait pris les devants avec « Coronavirus : au Sénégal « cela risque d’être une hécatombe »« , en ouvrant bien les guillemets. Le même message est relayé outre-atlantique par le New York Time qui cite des épidémiologistes inquiets du trend africain.
Mais, en dépit de la virulence des prédictions appuyées par une Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle-même au centre d’une enquête, l’Afrique résiste, bousculant les plans de com et les éléments de langage de la com humanitaire. Devrait-on dès lors intégrer le visage du parfait « coupable » dans les plans de com, le blanc de plus de 50 ans, ou, au contraire, se livrer à une prophétie auto-réalisatrice sur un continent où des relais locaux, gouvernementaux et de la société civile, avaient ayant parts de marchés dans l’industrie humanitaire et, de ce fait, ont intérêt au maintient du statu quo? En tout cas, les faits, comme disait Paul Kagamé, sont têtus. Les chiffres aussi.
Au 10 juillet, 523 706 cas de coronavirus étaient confirmés sur le continent africain contre 12 507 849 cas dans le monde. L’Afrique représente 4% des cas. Attention, les africains ne font pas suffisamment de tests, rétorque-t-on souvent, en brandissant le test par million comme indicateur plus fiable. Mais que dire donc des décès, « juges de paix », selon Didier Raoult ?
Le virus Covid-19 a déjà coûté la vie à 12 000 personnes en Afrique contre un total de 560 000 décès dans le monde, soit 2,1% de létalité sur le continent noir. Pendant ce temps, l’Europe fait officiellement état de 200 000 morts et les USA connaissent l’une des propagations les plus rapides dans le monde, avec 3 200 000 cas déclarés au 10 juillet ?
En réalité, ce n’est pas tant du virus qu’il s’agit que du marketing conservateur de l’industrie humanitaire. D’où l’alarmisme des grands médias et des acteurs de l’humanitaire au moment même où le Brésil a franchi allègrement 1,8 millions de cas déclarés. Les humanitaires savent bien traiter avec une Afrique fragile et malade mais pas avec une Afrique résiliente. Le coronavirus marque à coup sûr un tournant symbolique du discours dominant de l’industrie humanitaire.