Les chroniques du prince Mandingue
Par Balla Moussa Keita.
Abidjan, juin 1989. Le mur de Berlin est tombé la même année. La radio soufflait la Perestroïka aux airs de « The Wall» de Pink Floyd. L’image du jeune chinois agitant son mouchoir face à un char tel David contre Goliath nous a tous télédeportés sur la mythique place de Tian’anmen qui n’était finalement pas si loin pour qui avait écouté le fameux discours chantonnant de la Baule de cette année –là face à des Kérékou, Mobutu et autres présidents de partis uniques qui allaient être emportés par les vents de l’Est.
Cela fait 5 mois que je travaillais à l’Agence Africaine de Presse (AAP), une agence d’édition et de publicité qui la menait rondement. En plus des supports nationaux, elle était aussi chargée d’éditer le Balafon, le journal de bord de la défunte compagnie Air Afrique. L’Agence Africaine de Presse couvrait 15 pays francophones africains et 13 de ces pays étaient déjà attribués aux employés qui étaient là avant moi et qui marquaient leurs territoires comme les grands fauves, ne laissant au novice que j’étais que le regard furtif d’une secrétaire au teint d’un noir vermeil rappelant l’éclipse lunaire en pays Agnan ou au Walo du Sénégal avec des yeux étoilés éclairant ce paysage sahélien interdit. Ah la belle époque !
N’arrivant pas à gagner suffisamment ma vie, j’eus le courage de demander au Directeur Général, Monsieur Claude Matarasso, un français d’Afrique, qui me répondit sur le champ, que les seuls pays qui n’étaient pas attribués étaient la Guinée et le Gabon. Sauf que, ajouta-t-il avec un hochement d’épaules, qu’il n’était pas question de faire le Gabon car chaque fois qu’il y a envoyé un quidam, il s’était fait refouler. La première fois c’était un français, parti d’Abidjan le matin et revenu le soir même. Puis ce fut un camerounais qui pour être bien traité, a été refoulé le lendemain non sans quelques frayeurs. Fort de toutes ces mésaventures, pour Monsieur Matarasso, il ne fallait jamais plus lui parler du Gabon. Catégorique.
Tranquillement, sans sourciller, il me répondit non et non. Je me levai sans broncher et retournai à mon bureau, atterré par la réponse reçue. Je m’efforçais cependant de rester lucide.
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