Le 2 juillet 2020, l’ONG britannique Global Witness et la plateforme française de lanceurs d’alerte PPLAF ont publié un rapport intitulé «Des sanctions mine de rien», qui a fait aussitôt l’objet d’une plainte documentée devant les juridictions françaises. Nous avons pris le temps de décrypter les faits et les arguments de ladite enquête. Nous avons aussi parcouru la plainte déposée par l’avocat d’Afriland First Bank CD au parquet de Paris, siège du PPLAAF. Nous avons également pris le soin de questionner des juristes sur les interdictions et règlements OFAC d’ailleurs disponibles sur le site web de l’OFAC. La matière est essentiellement technique et ne pourrait souffrir de l’usage du mode conditionnel dont ont fait recours les ONG dans une enquête que nous présentons en 8 points factuels. Eclairage.
Une confusion sur la nature technique des sanctions OFAC
Les sanctions OFAC ont un contenu précis; elles indiquent exactement les interdictions que le client sanctionné et toute banque gérant les avoirs de ce client doivent observer. Elles ne privent pas forcement le client sanctionné du droit d’ouvrir un compte dans une banque. Il se trouve que Global Witness et PPLAAF ont cru devoir redéfinir les sanctions OFAC comme suit : «Interdiction d’entrer dans une banque». De là s’est tissée une vaste campagne qui ne se base pas sur la moindre transaction violant les interdictions OFAC et qui ignore même le contenu réel des sanctions OFAC. Conscientes du fait qu’il leur était impossible de démontrer qu’Afriland First Bank CD a violé une interdiction OFAC, Global Witness et PPLAAF ont vite pris la précaution d’écrire dans leur rapport que la banque aurait «contourné» l’OFAC.
Une confusion sur la nature technique des «personnes liées»
Ici encore, l’OFAC et le Trésor américain définissent précisément ce qu’ils considèrent comme personne liée à un client de banque. L’OFAC définit la personne liée comme suit :
– Pour les personnes physiques, les membres de la famille rapprochée (père, mère fils, frères, sœur, grand-père, grand-mère, petits-enfants)
– Pour les personnes morales : les entreprises appartenant au même groupe que la personne sanctionnée (lien d’au moins 50% du capital).
Or, Global Witness et PPLAAF considèrent une foule de clients travaillant avec Afriland First Bank RDC (des clients qui ne répondent nullement au critère OFAC) comme liés à Dan Gertler et les peignent en un réseau criminel. Nous avons passé au peigne fin des critères OFAC l’ensemble des personnes incriminées dans le rapport de Global Witness/PPLAAF et nous n’avons vu aucun élément qui permet de les désigner comme personnes liées. Nombreuses sont celles qui ne sont tout simplement pas clientes d’Afriland First Bank CD. C’est ainsi que Global Witness et PPLAAF redéfinissent la notion de client lié : un client aperçu dans le hall de la banque en train de discuter avec Dan Gertler est lié. Un Rabbin est forcément lié à Dan Gertler. Tout membre de la communauté israélite qui ouvre un compte bancaire est lié à Dan Gertler. La Gecamines, société d’Etat, est liée à Dan Gertler, etc.
Des conclusions tirées de l’exploitation de faux documents
Global Witness et PPLAAF ont publié un encadré dans leur rapport pour confirmer avoir été prévenues que les documents qu’elles détiennent et qu’elles prennent pour des « preuves » étaient de faux documents. Les deux ONG se sont néanmoins empressées d’ajouter qu’après « examens approfondis », elles ont abouti à la conclusion que ces documents sont authentiques. Or, la plainte déposée par Afriland First Bank CD mentionne d’abord la fausseté des documents produits et ensuite le vol de certains documents bancaires par deux ex-employés soumis à des pressions irrésistibles. A l’analyse, il s’avère que la kyrielle des versements espèces effectués par des personnes dites liées n’existent tout simplement pas. Le fait que ces employés aient ensuite quitté le pays dans des circonstances identiques en 2018 et 2020 met à mal le cadre précis du lanceur d’alerte.
Dissimulation de la vérité sur la source des fonds atterrissant dans les comptes du «groupe Dan Gertler»
Dans leur enquête, qui a voulu démontrer qu’Afriland First Bank CD recyclerait des fonds mystérieux collectés par Dan Gertler à des sources inconnues, les deux ONG n’ont pas fait cas de ce que Glencore, une des plus grandes sociétés minières du monde et une des grandes sources du chiffre d’affaires du «groupe Dan Gertler», publie justement aux Etats-Unis, dans son rapport annuel 2018. Lisons plutôt: «Après un examen attentif de ses options et obligations juridiques et commerciales envers un large éventail de parties prenantes, Glencore a réglé son différend avec les différentes entités affiliées à Dan Gertler, d’une manière qui visait à répondre de manière appropriée à toutes les obligations et préoccupations applicables. Suite à la désignation par le Gouvernement américain («USG») de Dan Gertler et de ses sociétés affiliées en tant que ressortissants nationaux spécialement désignés («SDN»), leur imposant ainsi des sanctions de blocage et des sociétés détenues à 50% ou plus par eux, le Groupe Glencore a dû examiner s’il était en mesure de respecter les obligations contractuelles d’effectuer des paiements de redevances et de pas-de-porte à l’égard de KCC et Mutanda. À la suite des procédures judiciaires et des négociations, ces obligations sont désormais remplies autrement qu’en dollars américains et sans la participation de personnes américaines, ce qui, selon Glencore, répond de manière appropriée à toutes les réglementations applicables en matière de sanctions. »
Ce rapport annuel que Glencore a fait circuler aux Etats-Unis et partout dans le monde, y compris sur les marchés financiers dit en clair ceci : «Notre fournisseur Dan Gertler est sous sanction de blocage (Blocking en langage OFAC) et non d’interdiction de compte bancaire (Prohibiting en langage OFAC). Nous avons donc continué de payer les royalties à notre fournisseur, mais en prenant soin de le payer dans une devise autre que le dollar américain et en prenant soin de le payer dans une banque qui n’est pas US-Bank tel que défini par OFAC. Nous avons donc respecté toutes les interdictions OFAC. » Voilà ce que l’un des plus grands groupes miniers du monde publie dans son rapport annuel 2018 communiqué aux autorités fiscales américaines, aux marchés financiers, etc.
Une volonté dissimulée de dicter la conduite à suivre à un gouvernement souverain
Les juges du tribunal de commerce de Lubumbashi en RDC viennent de condamner l’Etat congolais à payer la somme de 151 881 175, 96 Euros à Dan Gertler (jugement RH : 729/2019). Ce qui est intéressant, c’est l’argument utilisé par les juges de Lubumbashi. « Les règlements et lois des Etats-Unis d’Amérique n’ont pas qualité de traités bilatéraux entre nations et ne sauraient s’appliquer en RDC ».
Cette position des juges de Lubumbashi est en parfaite cohérence avec l’OFAC qui, tout au long de ses règlements, affirme en permanence deux choses :
- Nos règles ne sont applicables que par les US Banks (c’est-à-dire les banques créées sous droit américain) ;
- Nos règles ne concernent que le dollar américain.
Manifestement, les ONG Global Witness et PPLAAF et George Soros à travers l’Open Society Foundation (qui finance ces deux ONG) semblent vouloir pousser le monde vers une application planétaire systématique des lois et règlements américains. S’agirait-il des prémices du gouvernement mondial qu’Open Society appelle de ses vœux à travers ses nombreuses ramifications, ONG et activistes ? La question mérite d’être amplement posée quand on lit les recommandations faites en fin de rapport par ces deux ONG qui instruisent littéralement le Trésor américain d’opérer sine die un «débarquement» aéroporté sur Kinshasa pour «punir» la RDC et Afriland First Bank CD qui disent, chez l’un comme l’autre, n’avoir pas violé les interdictions OFAC. Or, il est constant que l’OFAC pose simplement des interdictions précises à respecter pour protéger la monnaie américaine mais n’envisage nullement de règlementer la marche du monde au grand dam de George Soros et Cie.
Rapport rédigé au conditionnel
Parfaitement conscientes de leurs forfaitures ci-dessus présentées, Global Witness et PPLAAF ont rédigé la quasi-totalité de leur rapport au conditionnel. Or, le conditionnel est par définition le mode temporel du doute et de l’incertitude. Dès la première page, on lit : « L’homme dont nous parlons n’est pas le client type des banques kinoises. Selon les registres de la banque, il s’agirait de Shlomo Abihassira… » Le conditionnel revient à la page 2 : « Le présent rapport présente des éléments de preuves donnant à penser que ce milliardaire pourrait désormais avoir accès à un réseau de sociétés-écrans… »
Outre le conditionnel, le rapport utilise largement le verbe « sembler » qui est également la traduction du manque de certitude. A la page 32, on lit : « Voilà comment en dépit des sanctions, Gertler semble continuer à dégager d’énormes bénéfices financiers… »
Il en est de même des expressions telles que « laisser penser que » : « Aucun des éléments collectés par Global Witness et PPLAAF ne laisse penser que de telles mesures ont été prises. » (p.33)
Parlant de sujets aussi sérieux que le blanchiment d’argent et la violation des règles OFAC, le rapport utilise à la fois le conditionnel et le verbe sembler à la page 3 : « il semblerait que nous ayons à faire à un dispositif qui viserait à blanchir d’importantes sommes d’argent… » (p.3) A la la page 8 : « Il semble s’agir d’une société fictive. » et toujours à la page 8, on lit : « Global Witness et PPLAAF ne peuvent pas prouver de façon irréfutable que Gertler a bien établi ce réseau complexe pour échapper aux sanctions américaines depuis 2017. »
Dans la même page 8, les auteurs ajoutent ceci :
« Global Witness et PPLAAF n’affirment pas que l’évasion des sanctions est une infraction criminelle, mais qu’une telle activité pourrait saper le principe même et le but de la loi Global Magnitsky, et appellent à l’ouverture d’enquêtes concernant les personnes qui auraient pu faciliter cette évasion de sanctions. »
En résumé, Global Witness et PPLAAF affirment qu’elles ne peuvent rien prouver mais qu’il faut régenter le gouvernement de la RDC. Ce rapport qui est porté devant les tribunaux intervient dans un contexte politique particulier et des enjeux miniers importants. L’alliance entre le président Félix Antoine Tshisekedi et son devancier, Joseph Kabila, ne fait pas l’affaire de nombreuses entreprises minières présentes en RDC et qui pensaient que l’alternance politique allait mettre un terme aux réformes minières. Or, ce n’est pas le cas.
Pour rappel, le code minier révisé en mars 2018 prévoit une hausse des redevances sur les minerais classiques de 2 % à 3,5 % et allant jusqu’à 10 % sur les minerais considérés comme stratégiques, tels que le cobalt, le cuivre et le coltan.
Une affaire orientée
Dans leur rapport, Global Witness et PPLAAF pointent du doigt l’ensemble du secteur bancaire de la RDC. La rubrique «Ces banques qui ferment les yeux» à la page 31 contient le développement suivant : «Le nouveau réseau de sociétés de Gertler et sa capacité à faire circuler des millions de dollars en RDC et à l’étranger repose largement sur les faiblesses des réglementations bancaires congolaises et la négligence d’institutions financières dotées de faibles règles de conformité. Une fois encore, les mouvements de millions de dollars en argent liquide de sources non vérifiées semblent ne pas avoir été remarqués ou même ignorés».
Trois banques sont citées de façon spécifique. Curieusement, au niveau des instructions de punition que Global Witness/PPLAAF adressent à l’OFAC, au Trésor américain et à l’Union européenne, l’on remarque que la cabale ne vise qu’une seule (Afriland First Bank CD) ainsi que les autorités gouvernementales de la RDC.
«Follow The Money» : savoir qui finance Global Witness et PPLAAF permet de mieux comprendre le véritable objectif de leur rapport
Quel est le point commun entre Global Witness et PPLAAF ? Le PPLAAF est financé par OSIWA (Open Society Initiative for West Africa), la branche sous-régionale d’Open Society Foundation, la fondation de George Soros qui dit défendre latransparence, la justice sociale, les libertés individuelles et la bonne gouvernance. Open Society Foundation figure également au nombre des organisations qui financentGlobal Witness. Non seulement George Soros finance Global Witness, mais il le contrôle à travers son fils Alexander Soros qui est administrateur de Global Witness.
Quelle est la moralité de George Soros ? Pour le savoir, il faut se rendre sur le site internet de la Maison Blanche qui abrite une pétition appelant le Département de la Justice à «déclarer immédiatement George Soros et toutes ses organisations et membres du personnel comme étant des terroristes, et à confisquer toutes ses richesses personnelles et organisationnelles ainsi que ses biens en vertu de la loi sur la confiscation des biens civils ». Il suffisait de réunir 100.000 signatures pour justifier l’ouverture d’une enquête. La pétition en a recueilli 252.250 à la date du 14 juillet 2020 !
La moralité du président du conseil d’administration du PPLAAF, William Bourdon, est tout aussi sulfureuse. L’avocat français clame haut et fort qu’il lutte pour la démocratie, la justice et les libertés fondamentales. Or, un enregistrement de conversation téléphonique circule de façon virale sur internet dans lequel le soi-disant chantre des libertés et de la démocratie s’engage à participer, aux côtés des Emirats Arabes Unis, à une cabale contre le Qatar. Pour dissimuler la manœuvre, il conseille à son interlocuteur de trouver une voie détournée pour virer son effort de guerre. L’avocat dit : « Autant à titre personnel, vu qui je suis et que je suis l’image de ce cabinet, je ne prendrai jamais le risque qu’on dise que le cabinet Bourdon est financé par la monnaie émiratie au service de la déstabilisation du Qatar par l’Arabie saoudite. Ah ben ça, le seul moyen ce serait de financer cette opération d’une façon étanche sans que qui que ce soit puisse dire que l’argent vient des Emirati… »
Voici ce que l’Ecole de Guerre Economique de Paris affirme dans une note du 19 juillet 2017 :
« Enfin les campagnes des Organisations de la société civile (OSC) sur la transparence dans les industries extractives constituent par ailleurs un levier utile pour déstabiliser des pays ou des régimes ciblés par Soros comme la République Démocratique du Congo voire certaines entreprises (Beny Steinmetz Group Resources ou le groupe Fleurette de Dan Gertler) ».
Quand on rapproche cette analyse de l’Ecole de Guerre Economique de Paris au fait que George Soros a investi dans de nombreuses sociétés minières quasiment exclues du juteux gâteau minier de la RDC, il devient assez aisé de comprendre à qui profite le crime de mise en accusation systématique et mensongère d’Afriland First Bank CD et de la République démocratique du Congo.
En guise de rappel, voici la galaxie minière où Soros a investi et qui ne parvient pas encore à se trouver une place en RDC :
Barrick Gold, Chevron, Conoco Phillips, Exxon, Shell et San Leon Energy, mais aussi le groupe brésilien Petrobras via sa filiale africaine Petrobras International Braspetro (BIP, ou encore Eland Oil & Gas et Africa Oil via le fonds Helios Investment Partners (HIP).