Dès le lendemain du décès du premier ministre Amadou Gon Coulibaly, dauphin désigné de Ouattara, les ténors du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ont appelé le président Alassane Ouattara à reprendre le flambeau afin de se porter lui même candidat. En l’absence d’une alternative et d’un plan B, plusieurs cadres du RHDP à l’instar de Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP et de Adjoumani Kobena, ministre de l’Agriculture, par ailleurs porte-parole du RHDP, ont multiplié des interventions publiques pour appeler le président Ouattara à revenir sur son engagement vieux de mars 2020, quand il déclarait avec la solennité républicaine et le panache de l’ancien haut commis du FMI, « place aux nouvelles générations ».
S’exprimant sur RFI de ce lundi 20 juillet, Adama Bictogo ne s’est pas embrassé de nuances à propos de Patrick Achi, Ministre, Secrétaire Général de la Présidence et de Hamed Bakayoko, ministre de la Défense, deux profils pressentis comme potentiels successeurs du défunt Amadou Gon Coulibaly: « j’ai du respect pour eux mais pour l’heure, ils n’apparaissent pas pour cet enjeu d’octobre 2020 comme étant le choix de la majorité de la base ».
Auparavant, Adjoumani Kobena, porte parole du RHDP, a déclaré le 15 juillet au Parc des Sports de Treicheville lors de la cérémonie d’hommage à Amadou Gon Coulibaly, en présence du chef de l’état Ivoirien, le message suivant: »monsieur le président, Amadou m’a laissé un message pour vous. Il a dit que votre mission n’est pas terminée ». Jusque-là ces appels de pied, s’ils n’ont pas reçu une approbation officielle, n’ont pas aussi été rejetés clairement. Bien au contraire, au fur et à mesure du suspens, une certaine logique du troisième mandat est entrain de prendre place, au risque d’entacher l’image de celui qui se surnommait « le champion de la gouvernance ».
Va-t-on vers la violation de la constitution ivoirienne de 2016 ? Interrogé, un constitutionnaliste ivoirien, parlant sous couvert de l’anonymat, rappelle l’article 183 de la constitution actuelle : «la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution». Il faut dire que cet article fait partie des dispositions transitoires inscrites dans la nouvelle Constitution. L’idée d’un 3ème mandat, le président Ouattara le sait, est anticonstitutionnelle, inacceptable et irréalisable en Côte d’Ivoire , car toutes les dispositions antérieures qui ne sont pas contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles ne sont pas abrogées.
Ainsi, l’article 35 de l’ancienne constitution de 2000 devenu article 55 dans la constitution en vigueur (2016), relative à la limitation des mandats à deux, continue de produire ses effets. A l’en croire, suivant la continuité législative, le Président de la République qui est à son deuxième mandat ne peut en briguer un autre, dès lors que la Loi fondamentale le lui en interdit. Et notre constitutionnaliste de faire des précisions : » Il y a la continuité législative dont il est question dans l’article 183. Il n’y a donc pas de suspension ». Et cela s’impose à tous. Au regard de l’article 183, ce n’est pas parce qu’il y a une nouvelle Constitution, voire une nouvelle République que tout ce qui existait avant sera caduc… » pas du tout s’exclame- t-il !
En effet, aux yeux du constitutionaliste, une candidature de Alassane Ouattara dans le contexte actuel violerait la Constitution dans sa lettre et dans son esprit. En dehors de la légalité ou non d’un nouveau mandat, il y a l’engagement moral pris devant le parlement ivoirien, le 5 mars dernier, de ne pas se porter candidat à l’élection présidentielle de 2020. Un engagement salué par tous les partenaires et qui devait donner au président le couronnement politique d’une présidence en deux mandats où il aura véritablement servi à faire bouger les lignes économiques grâce à un programme ambitieux d’investissements dans les infrastructures. Au soir de son deuxième mandat, l’ancien haut fonctionnaire de la BCEAO et haut commis du FMI devrait choisir entre la démocratie et l’héritage politique et économique laissé à ses cadets ou, à l’inverse, la perpétuation du pouvoir sans possibilité de rentrer dans l’histoire.