Par Rodrigue Fenelon Massala Kengue, grand reporter.
Derrière les minarets et les appels à la prière, le printemps Touarequo- Bambara est-il en marche au Mali ? L’ancien Soudan français est en ébullition politique, religieuse et inter-ethnique. L’épicentre des tensions géostragiques du Sahel se situerait bien quelque part entre le mont Koulouba et la place de l’Indépendance. Depuis son palais, le président Ibahima Boubacar Keïta, chrono à la main, voit non sans inquiétudes, la montée des manifestations du Mouvement du 5 juin, sous la bannière de l’Imam Mahmoud Dicko, un wahabite modéré qui dit ne pas faire de la politique. Entre les deux hommes, c’est un combat à mort qui semble engagé sous l’oeil impuissant de la CEDEAO et des partenaires internationaux.
Pour le géostratége et diplomate Sénégalais Serigne Saliou Cissé, « le Mali vit une mutation polico-sociale et religieuse qui s’assimile au printemps Arabe ». A la seule différence que la CEDEAO tente de jouer aux sapeurs-pompiers pour éteindre la propagation d’un feu qui risquerait de s’étendre dans la région « En effet, plus de deux décennies après la chute du mur de Berlin, la pensée keynésienne est quasi hégémonique et certains peuples aspirent à prendre le train du monde qui carbure à la vapeur capitaliste. Les temps ont changé, les satellites relaient les moindres persécutions subies par les couches opprimées. Si le climat du triangle d’or (8ème arrondissement de Paris) est très doux, le triangle du Sahel très chaud » !
Comme disait un grand philosophe chez nous, en Wolof: «il est moins pénible d’attacher sa ceinture de sécurité que de circuler en fauteuil roulant.» Le G5 Sahel qui regroupe 5 pays (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) et s’étend sur une superficie de 5 097 138 km2 sur la bande méridionale du désert du Sahara dénommée bande Sahélo-Sahélienne regarde le contexte malien avec craintes et appréhensions .
Les cinq pays totalisent 28 761 km de frontières (frontières endogènes entre les 5 pays membres et frontières exogènes avec treize pays dont plusieurs (Algérie, Libye, Soudan, Centrafrique, Nigeria) posent aux États du Sahel des problèmes sécuritaires majeurs. Créé en février 2014 suite à une convention signée à Nouakchott par les 5 Chefs d’État, le G5 se fonde sur le constat d’une similitude géographique, historique, culturelle et linguistique et d’une même série de vulnérabilités sécuritaires. Il a été constitué en réaction à l’aggravation de la crise malienne et de ses impacts régionaux. La situation sécuritaire de l’aire G5 et de la BSS additionne des menaces complexes et durables : terrorisme, criminalité et trafics illicites, rebellions armées, conflits intercommunautaires. La faiblesse des capacités des forces de sécurité des cinq États et leur inadaptation aux nouvelles menaces a conduit depuis le début de la décennie à un accroissement notable des présences militaires étrangères (France, États-Unis…) et internationales (MINUSMA…).
Dans ce contexte, l’objectif central et prioritaire du G5 tel qu’affiché est celui de la gestion des espaces frontaliers, la coordination des politiques de sécurité et de développement des cinq pays membres et celles des autres acteurs régionaux et internationaux destinées à apporter des réponses effectives aux différentes composantes de la crise. En environ 36 mois, le développement du G5 présente plusieurs caractéristiques significatives qui ont de fortes probabilités de peser sur ses chances de réussite. Malgré un engagement et des investissements internationaux significatifs, la violence extrémiste s’étend. Le nombre recensé d’attaques liées aux groupes islamistes au Sahel a doublé tous les ans depuis 2016 pour atteindre 465 en 2018, soit plus d’un par jour. La force G5-Sahel, formée des troupes de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina et du Tchad, devait comprendre 5.000 hommes. Elle ne compte aujourd’hui que 4.000 soldats.
L’idée de cette force était de faire monter en puissance les armées régionales pour épauler, voire, à terme, remplacer l’armée française, qui conduit au Sahel l’opération Barkhane (4.500 militaires) contre les terroristes depuis 2014 dans le prolongement de l’intervention menée dans le Nord malien l’année précédente. The Mali Game Of Throne! Comme on dit chez nous «Mieux vaut prévenir que guérir.».
Cependant, l’émotion ne doit pas débouter la raison. La colère ne doit pas renforcer la myopie sur la dramatique actualité malienne. Toute lecture hystérique des tragédies d’Ogossagou, Koulagon, D’ogon en particulier, et des évènements du Mali, en général aide et aidera, longtemps encore, les pêcheurs en eaux troubles qui ont suffisamment troublé les eaux, conformément à un agenda truffé de sous-agendas bien cachés. En effet, il fallait être le roi des naïfs pour croire que la France avait déclenché SERVAL, en janvier 2013, puis ajouté BARKHANE, en août 2014, dans le but philanthropique de «libérer» bénévolement le Mali des griffes de l’intégrisme religieux et armé. Les jeunes soldats aux yeux bleus et aux cheveux blonds ne crapahutent pas et ne meurent pas sous le chaud soleil du Sahara-Sahel, pour les beaux yeux des Bambaras. La contrepartie existe.
De 1960 à nos jours, le Centre du Mali n’a jamais brûlé ; en dehors des conflits de routine et de basse intensité entre éleveurs et agriculteurs. Mieux, Mopti est le berceau d’un des Présidents du Mali, en l’occurrence, le Général Amadou Toumani Touré dit ATT. Question : pourquoi ce havre de coexistence durablement paisible entre les sédentaires Dogons, les éleveurs Peulhs et les pêcheurs Bozos, s’est subitement transformé en crématoire pour tous ? Chronologiquement, l’enchainement des faits est saisissable. C’est la naissance du Front de Libération du Macina (un avatar de l’irrédentisme et du djihadisme armés au Mali, créé par le Peulh Amadou Kouffa) qui a mis le feu aux poudres. Depuis fin (sans fin) de la colonisation, la doctrine de la France en Afrique est intangible. De Jacques Foccart à Frank Paris : La France flatte le Président, ménage l’opposant et aide le maquisard . Des œufs répartis dans trois paniers. Au Mali, on flatte Ibrahim Boubacar Keita, on menace Soumaïla Cissé, on aide Alghabass Ag Intalla du MNLA, on épargne Iyad Ag Ghaly du GSIM et on fait semblant de tuer Amadou Kouffa. Et l’on regarde L’Imam Dicko prendre son envol avec les autres chefs religieux .