Par Ousmane DIENG*
Cet article est motivé par un élan de solidarité et un esprit panafricain. En effet, nous suivons de près l’évolution de la crise politico-sociale en cours au Mali. Pour avoir eu l’opportunité d’effectuer plusieurs séjours de courte durée à Bamako au Mali dans le cadre des activités de conseils, il nous semble important dans le cadre d’une réflexion constructive d’adresser ses mots et ses conseils au peuple Malien. Nous pouvons comprendre aisément l’aspiration du peuple pour un monde meilleur qui promeut la bonne gouvernance. Votre combat est légitime ! Toutefois, il devra être mené dans un cadre de concertation qui, nous le pensons, aboutira nécessairement à un accord heureux à travers des solutions concrètes pour répondre favorablement aux préoccupations des uns et des autres. Le Mali est dans une bonne dynamique. Laissons le soin aux politiques et à la société civile de définir un plan d’actions de sortie de crise. En ce qui nous concerne, nous, professionnels de l’économie et de la finance, mettons à votre disposition des propositions concrètes dans nos domaines de compétence pour baliser l’horizon pour un futur apaisé qui pourrait réduire à néant le risque de retomber dans les travers du passé.
Le risque d’une balkanisation du Mali
L’intelligentsia Malienne et sa valeureuse classe d’entrepreneurs devront faire preuve d’un sursaut national et d’un patriotisme pour affranchir le Mali des démons d’une balkanisation. Ce pays riche en histoire et au rayonnement culturel qui traversa des siècles peine encore à se relever depuis la chute de l’empire du Mali et plus récemment, après l’implosion de la Fédération du Mali qui le privera ainsi d’un accès direct à l’océan Atlantique à partir du Sénégal et par conséquent son enclavement.
Toutefois, le destin commun des peuples de la défunte Fédération du Mali et ceux des anciennes colonies de l’Afrique-Occidentale Française les a réunis autour de l’essentiel sur les rives des fleuves (le Niger et le Sénégal) offrant ainsi une source de vie et de développement agricole. Ces bassins hydrographiques constituent le socle par excellence de la promotion de l’autosuffisance alimentaire. Une autosuffisance ardemment recherchée de nos jours par nos gouvernants. Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 ont mis en évidence, ce qui parait opportun depuis des siècles à savoir la promotion d’une agriculture moderne intégrant toute la chaine de valeur allant de la production à la transformation. Un levier indispensable pour réduire considérablement le déficit structurel de la balance commerciale de nos pays et limiter ainsi les tensions récurrentes sur nos réserves de change.
Le Mali a su œuvrer dans l’intégration régionale citée en exemple de modèle de réussite autour des fleuves du Niger et du Sénégal, là ou des tensions géopolitiques naissent sur le Nil entre l’Éthiopie et l’Égypte qui croisent le fer autour des enjeux de production agricole, d’approvisionnement en eau et l’impératif d’une fourniture en électricité pour soutenir l’économie.
L’histoire retiendra que la politique est parvenue à faire imploser la Fédération du Mali en dépit de l’hospitalité (Téranga) légendaire des peuples épris de paix et d’entente cordiale. La ville centenaire des valeureux cheminots de Thiès au Sénégal en est une parfaite illustration ainsi que la ville historique de Tombouctou sous l’empire du Mali, puis sous l’empire Chérifien (le Maroc).
Présentement on ressasse des conflits entre les populations du Mali (Bambaras, Malinkés, Peuls, Dogons, Touaregs, Arabes, …) comme si l’on ignorait le passé récent du Rwanda même si, ce pays d’Afrique de l’Est a su se réconcilier entre ses peuples pour inspirer l’Afrique ; comme pour dire à la jeunesse du continent que c’est possible (Yes we can) d’emprunter le chemin de la réconciliation et de la prospérité.
La contrainte majeure du Mali, également valable pour l’essentiel des pays de notre cher continent, réside principalement dans sa gouvernance. Et pourtant, le Mali a su dans son passé récent présenter à l’Afrique un de ses beaux visages qui incarna la bonne gouvernance sous le magistère d’Apha Oumar Konaré. Les Maliens sont mieux placés pour en juger. C’est le ressenti que nous avons, vu de l’extérieur.
Cette digression se justifie pour heurter la conscience collective de la jeunesse du continent et l’éprouver en des termes simples et mais lourds de sens : Et si la mal-gouvernance était le reflet de nos comportements individuels et nos rapports les uns envers les autres ? Ce qui est reproché au Mali est valable dans les autres pays d’Afrique, peut-être à des degrés moindres ou à des exceptions près. La mal-gouvernance est le ressenti le mieux partagé sur le continent.
Fondons notre espoir sur le peuple qui osera enfin se poser les bonnes questions lors du choix de nos gouvernants et sur la crédibilité des Institutions garantes des joutes électorales. Votre combat est légitime mais dans la non-violence. Nous vous exhortons à continuer dans cette dynamique de paix et d’attente.
Faire le pari de l’économie verte pour promouvoir l’agriculture et l’énergie
Le Mali à travers la découverte de l’hydrogène « naturel » par son secteur privé dynamique, détient entre ses mains une réelle opportunité pour se lancer dans l’économie verte. Il s’agira de :
- promouvoir des projets d’envergure de production et de distribution d’électricité produite à partir de l’hydrogène « naturel » dans le cadre des programmes du mix énergétique des pays de la CEDEAO ;
- fournir l’électricité nécessaire et à bas coût pour la réhabilitation et la modernisation du réseau ferroviaire Ouest Africain, essentiel au commerce intra africain ;
- promouvoir des projets d’installation d’une industrie chimique de production d’engrais à partir du site gazier de production d’hydrogène « naturel » pour relancer une filière agricole labélisée « écoresponsable » autour des vallées du fleuve Sénégal et du fleuve Niger (Sierra Leone, Guinée, Mali, Sénégal, Mauritanie, Niger, Benin, Nigéria).
Afin de mitiger le risque politique notamment les barrières à l’entrée inhérentes aux facteurs politiques et l’intelligence économique qui sied le mieux pour une production de l’électricité à partir de l’hydrogène « naturel » et de l’injecter dans le réseau interconnecté Ouest-Africain, il est impératif que le secteur privé Malien à l’instar du pari réussi de la chaîne hôtelière « made in Mali » qui a su se faire une place dans l’espace UEMOA, doit se positionner en qualité de producteur et distributeur d’électricité. Ce positionnement stratégique devra se faire à travers des concessions et des contrats de fourniture d’électricité dans l’espace CEDEAO. Les pays qui ont su mettre en place des cadres réglementaires favorables trouveront un intérêt à une fourniture d’électricité propre et compétitive. Il s’agira pour des raisons stratégiques de cibler également l’électrification rurale, les pôles économiques et industriels dans le cadre de concessions de production et de distribution d’électricité.
Promouvoir l’accès à l’habitat social
Suites aux difficultés rencontrées dans la promotion et la mise en œuvre du programme des logements sociaux dont les causes sont pour l’essentiel imputables aux pesanteurs de l’environnement des affaires et de l’économie du Mali, nous recommandons fortement, la relance de ce projet ambitieux en privilégiant la structuration ci-après du financement du programme et d’une levée de fonds pour les crédits promoteurs.
Il s’agira pour l’essentiel de proposer en garantie, l’engagement irrévocable de domiciliation des indemnités de logements des agents et des fonctionnaires de l’État dans un compte séquestre alimenté par le Trésor public au profit des prêteurs (banques, bailleurs de fonds, fonds d’investissements, …).
Ce compte séquestre sera nanti et fera office d’une garantie « monétisable » au besoin. Cette structuration aura le mérite de limiter et de palier le recours aux crédits acquéreurs pour l’achat des logements que les fonctionnaires et les agents de l’État devraient solliciter auprès des banques. Cette structuration est assimilable à de la location-vente de logements sociaux. Elle pourrait-être dupliquée dans d’autres pays du contient en quête de promotion des logements sociaux et de l’habitat décent pour leurs concitoyens.
Cette sureté (compte séquestre monétisable) peut être confortée par des souscriptions aux produits d’assurance vie et/ou d’assurance perte d’emploi que les acquéreurs éligibles au programme des logements sociaux pourraient souscrire. En ce qui concerne les acquéreurs du secteur privé ou du secteur informel, une banque commerciale ou une banque spécialisée dans l’habitat pourrait endossée le rôle dévolu au Trésor Public dans l’exemple cité ci-avant lors de la structuration de la levée de fonds.
Il est important de réfléchir sur la possibilité pour le Trésor public en l’occurrence l’entité qui portera les crédits promoteurs ou l’entité Ad hoc ou le véhicule d’investissement dédié à l’opération « logements sociaux » de se refinancer auprès de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire (CRRH-UMOA) dans l’hypothèse d’un décalage entre la maturité des crédits promoteurs et celle de la durée de paiement des logements sociaux (location-vente) ou de remboursement des crédits acquéreurs.
Au plan organisationnel, une ou des Sociétés Civiles Immobilières (SCI) de construction et/ou de gestion devront être créées dans le cadre des programmes des logements sociaux.
L’État Malien devra au préalable se prononcer pour confirmer l’éventualité d’une monétisation de la garantie proposée et par conséquent l’engagement irrévocable à domicilier dans des comptes séquestres dédiés, les indemnités de logements ou des retenues à la source sur les salaires des agents et des fonctionnaires éligibles et adhérents au programme des logements sociaux.
Perspective qui nous semble plausible et souhaitable
Nous sommes confiants quant à la capacité du Mali à emprunter le chemin raisonnable pour la préservation de son entente et de sa cohésion sociale sans pour autant renoncer à son aspiration légitime à savoir un avenir meilleur dans un environnement des affaires propice à une croissance économique inclusive. Nous sommes disponibles pour aider dans ce sens.
Aux autres pays d’Afrique, ce qui se joue au Mali ne nous épargne guère et nous concerne au premier plan. Ayons juste l’intelligence d’esprit d’escalader cette pente raide sans trébucher mais avec la ferme volonté d’aspirer à des lendemains meilleurs.
A propos de Ousmane DIENG
M. Ousmane DIENG a acquis une expérience professionnelle de 18 années dans le conseil et l’audit. M. DIENG a fondé le Cabinet de conseil INGENIOUS Partners Consulting spécialisé dans la stratégie, le Conseil Financier, l’entreprenariat, l’organisation, l’optimisation des performances, le contrôle et l’économie.