Par Léopold Bossekota W’atshia*
L’Afrique Subsaharienne dispose des bases d’une croissance économique diversifiée que d’autres parties du monde comme Dubaï, Singapour ou la Corée du Sud n’ont pas: Agriculture et agro-industrie à valeur ajoutée au Kenya, en Tanzanie, au Cameroun, … ; transformation et valorisation des ressources minérales en Namibie, au Botswana, en Zambie, au Zimbabwe, en RD-Congo, en Guinée, au Burkina, … ; complexes pétrochimiques au Nigeria, en Angola, au Congo … ; fabrication de biens durables et de consommation, tourisme et divertissement au Botswana, en Afrique du Sud, au Ghana, … Et un secteur émergent dans les technologies de l’information au Rwanda ainsi que des services financiers en Iles Maurice !
Alors oui, la question que l’on peut naturellement se poser est celle-ci : pourquoi les Africains continuent-ils à admirer tant ces pays qui ont réussi à transformer eux-mêmes leurs économies et pourquoi ces pays africains ne parviennent-ils pas à faire de même ? La discussion pourrait s’arrêter ici en rappelant simplement que Dubaï, par exemple, avait commencé à se poser cette question cruciale il y a plus de quatre décennies : à quoi devrait ressembler la vie après le pétrole ? Et Dubaï s’était alors attachée à mettre en œuvre une vision progressiste d’une économie de services, en mettant en place des infrastructures et des incitations pour développer méthodiquement les services financiers, le tourisme, les services médicaux, l’immobilier, les médias, les arts et la culture. A l’instar de Dubaï, Singapour et la Corée du Sud ne sont pas non plus moins inspirants pour les pays africains car ces deux pays n’avaient pas, ou très peu, de ressources naturelles sur lesquelles s’appuyer pour amorcer et consolider ensuite leur développement économique.
Il sied de relever que la récente croissance économique en Afrique n’a pas entraîné une augmentation correspondante d’emplois. Par ailleurs, l’industrialisation africaine et le commerce interafricain sont freinés dans leur croissance parce que l’Afrique présente malheureusement d’énormes lacunes en matière d’infrastructures de base d’une part, et un manque de bonne gouvernance publique adossée à un fort Leadership politico-économique d’autre part.
L’explosion de la croissance démographique et l’amélioration de l’espérance de vie sur tout le continent africain font augmenter une demande persistante de services publics essentiels tels que l’eau, l’électricité, les routes et les télécommunications que peu de pays subsahariens peuvent fournir en qualité et quantité suffisantes. Le manque d’infrastructures appropriées augmente le coût des affaires et entrave indubitablement l’intégration commerciale tout en limitant considérablement la croissance économique. On estime que chaque année, le mauvais état des infrastructures réduit cette croissance économique de deux points de pourcentage tout en diminuant la productivité des entreprises jusqu’à 40 %. Les entreprises africaines perdent ainsi 5 à 10 % de leurs ventes en raison de coupures intempestives d’électricité et ce chiffre passe à 25 % pour les entreprises du secteur informel qui représentent environ 80 % des PME-PMI dans un pays comme la RD-Congo.
Si dans un proche avenir, les africains ne créent pas de mécanismes performants pour exploiter, de manière durable et équitable, leurs vastes ressources minérales, alors le continent africain demeurera encore longtemps à la merci de l’influence étrangère, sans que les citoyens africains en tirent un réel bénéfice.
Dans ce même contexte, si les pays africains producteurs de diamants et leurs sociétés minières ne réagissent pas rapidement, et de manière décisive, pour promouvoir et protéger le marché des diamants naturels, alors leurs actifs miniers ne seront bientôt rien d’autre que de grands trous sans valeur dans des sols et des rivières contaminés.
Dans cette situation économique plutôt morose, il faut néanmoins souligner qu’il y aura toujours une demande pour les diamants naturels ; mais avec l’arrivée des diamants cultivés en laboratoire (LG) et l’instabilité économique croissante depuis la COVID-19, les prix sont soumis à une forte pression baissière et les producteurs africains de diamants comptent désormais parmi les premières victimes avec des mines qui ferment et des milliers de mineurs-artisans, ou autres creuseurs, qui ne trouveront plus d’acquéreurs pour leurs pierres, sauf à des prix dérisoires.
Il y a surtout lieu de relever qu’à travers le monde, aujourd’hui, la perception de la nouvelle génération des jeunes qui sont en mesure d’acheter des diamants de Joaillerie est totalement différente de leurs parents. Outre les problèmes liés aux « diamants de sang », ces jeunes se posent des questions quant à « l’extraction écologique », au travail des femmes et d’enfants et au risque de financement des circuits mafieux de stupéfiants, au terrorisme et au blanchiment d’argent. Les producteurs africains de diamants naturels n’ont pas encore répondu à toutes ces questions, à part leur adhésion au « Processus de Kimberley » qui, à travers une certaine traçabilité, essaie de contrôler les exportations de diamants vers les centres de polissage.
Face à toutes ces préoccupations arrive, aujourd’hui, le « concept MoneXdiam ». Ce concept, développé et affiné depuis des années, a le grand mérite de présenter un produit financier composé de quelques diamants naturels incrustés dans un boitier inviolable et devient ainsi une classe d’actifs d’investissement alternatifs et crédibles dont l’impact positif pour l’Afrique sera similaire, voire supérieur à celui de l’étalon or qui avait dominé, à travers « Bretton Woods » en 1945, le développement économique de l’après-guerre dans le Monde Occidental. Cette nouvelle classe d’actifs financiers a le potentiel de donner à l’Afrique, ou du moins, aux pays producteurs de diamants du continent, le moyen capital de lever des fonds conséquents pour la poursuite de leurs développements et de leurs travaux d’infrastructures.
Le lancement de l’Unité-MoneXdiam aura les sept effets positifs suivants :
Primo : Créer un nouveau marché financier pour les diamants naturels et par conséquent, une demande soutenue et stable de diamants bruts qui réduirait forcement la volatilité associée à la demande de bijoux, tout en stabilisant les mines marginales, et permettra, également, d’attirer de nouveaux capitaux pour les mines existantes et autres nouvelles prospections minières ;
Secundo : Mobiliser une demande nouvelle et soutenue de diamants polis qui exercera une pression à la hausse sur les prix des diamants bruts et polis ;
Tertio : Assurer un accès facile aux diamants bruts tant pour les anciennes usines locales de polissage de diamants que pour les nouvelles usines et cela, grâce aux effets de collaboration des pays producteurs de diamants. Cette nouvelle collaboration minière, entre 18 pays africains producteurs de diamants naturels, se concrétisera à travers une nouvelle organisation dénommée « African Diamond Consortium » (ADC) ;
Quarto : Agir en tant que catalyseur pour l’établissement d’une industrie de services diamantaires au sein de l’organisation MoneXdiam ;
Quinto : Générer des ventes plus importantes et des recettes fiscales accrues pour les gouvernements et les pays africains producteurs de diamants qui choisissent de participer au programme MoneXdiam ;
Sexto : Créer la possibilité de lever des capitaux par le biais de divers instruments financiers et d’émissions sur le marché des capitaux mais aussi par le biais de l’émission d’une « Obligation MoneXdiam », basée sur les réserves respectives de diamants comme garantie et qui servira, de surcroit, à la réduction des risques liés au financement multilatéral du développement pour les projets d’infrastructures ;
Septimo : Aider à soutenir le libre échange et la collaboration au sein de l’ADC pour la création d’emplois et le développement de l’éducation, de la formation professionnelle ainsi que de la Recherche Scientifique sous toutes ses formes.
En soutenant « l’Unité-MoneXdiam », les décideurs de l’ADC contrebalanceront la domination des grandes sociétés minières mondiales dans l’extraction et la vente de diamants ; ces décideurs rééquilibreront de facto la proportion de valeur de la production minière, de telle sorte qu’une partie substantielle de la « chaîne de valeur de cette production de diamants » sera recapturée au profit de la population locale. La recherche du profit qui conduit à l’extraction et au stockage des diamants au détriment de la création d’industries durables sera aussi contrebalancée par les objectifs et les impératifs de développement des membres du pôle diamantaire, tournés dorénavant vers l’intérieur pour un meilleur développement inclusif de leurs économies respectives.
Nous pensons que ce programme est crucial pour chaque pays africain producteur de diamants. Il s’agit ici d’un projet africain, ayant un extraordinaire potentiel de débloquer l’innovation et le développement sur le continent africain et cela, à une échelle jamais connue auparavant. Le potentiel de développement et l’innovation de ce formidable programme sont trop importants pour être limités par le modèle commercial dominant (marketing, revendeur et distributeur) imposé, jusqu’ici, par les principaux acteurs de l’industrie du diamant dans le monde.
MoneXdiam a le potentiel d’apporter des bénéfices nationaux et continentaux de grande envergure sans l’inconfort de la nationalisation. Ce projet pourra manifestement être un des Instruments majeurs d’Intégration Africaine dans le cadre de la mise en œuvre effective de la ZLEC (Zone de Libre Echange Africaine) votée en 2018 par l’Union Africaine.
MoneXdiam est disposé à engager de vastes discussions sur la structure et la composition des principes commerciaux et de gouvernance d’entreprise dans le but principal de consolider et d’optimiser la production et la valorisation des diamants en Afrique
Pour la toute première fois, cette «Unité-MoneXdiam» donnera à l’Afrique non seulement un débouché pour ses ressources et sa production de diamants naturels mais surtout, un accès aux marchés financiers qui n’interférera pas avec le marché traditionnel de la joaillerie. En fait, en période de prospérité tout comme en période de crises multiformes comme celle de la crise financière actuelle, celle de la COVID-19 ou encore celle des diamants fabriqués en laboratoire (LG), les investisseurs disposeront, avec « l’Unité-MoneXdiam », d’un instrument d’investissement unique au monde.
Léopold Bossekota W’atshia est Homme d’Etat en République Démocratique du Congo, Economiste, Fondateur et Président du Conseil d’administration de l’Université technologique Bel Campus à Kinshasa, Auteur de plusieurs ouvrages spécialisés en économie.